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Malgré les « bonnes nouvelles », l’Irak va mal

mercredi 9 janvier 2008 - 06h:16

Ramzy Baroud

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Ces derniers mois nous avons été submergés d’informations censées amener de bonnes nouvelles d’Irak, avec d’innombrables témoignages sur l’importante amélioration de la situation sécuritaire dans le pays en général et dans la région de Bagdad en particulier.

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Lot quasi quotidien de la population irakienne...

Ce progrès est uniquement attribué au « renforcement intensif » si judieux de la présence militaire des Etats-Unis et à la fine tactique des forces d’occupation dans une région qui par le passé symbolisait le désespoir et la violence. Donc, les informations indiquent de façon très répétitive que la violence en Irak a diminué de 60% les trois derniers mois.

Le reporter de la BBC en Irak, Jim Muir, est un des plus enthousiastes quant à cet apparent miracle. Dans son article intitulé « L’Irak va-t-il mieux ? » il se livre à des évaluations avec de larges généralisations qui s’avèrent simplement reprises de celles des militaires américains.

« Au cours des trois mois derniers, il y a eu et une baisse régulière et soutenue dans toutes les formes de violence. Les nombres de morts et blessés, militaires et civils, ont aussi considérablement diminué... Les gens se promènent en rangs serrés dans les rues, le soir venu, alors qu’il y a juste quelques mois ils auraient été cachés derrière les portes verrouillées de leurs maisons. Tout le monde convient que les choses vont bien mieux. »

Muir poursuit en parlant du rôle joué par les milices sunnites à Bagdad. Il cite un milicien disant : « Au début, les gens considérait l’occupation comme quelque chose à combattre. Mais ils ont ensuite compris que les Américains travaillaient dans l’intérêt des gens. »

La BBC n’est qu’un faible exemple dans toute cette comédie suggérée la plupart du temps par l’administration de Bush et ses alliés dans les médias les plus importants. C’est quelque chose d’époustouflant que de voir comment ces derniers acceptent cette prétendue transformation du chaos en « semi-ordre » sans véritable interrogation.

Mais il y a néanmoins quelques sources d’information concernant la violence dûe à l’invasion américaine en Irak. Une de ces sources est l’armée américaine elle-même qui garde la trace et publie les données concernant la violence lorsque celle-ci est liée aux attaques sur les installations et le personnel des Etats-Unis. Confirmer ou nier ces informations dans leur intégralité est hors de portée pour n’importe quelle source indépendante. Vu la nature politique des stratégies de relation publique des militaires américains, de tels rapports serviraient à peine à confirmer ce qui se perçoit de la situation en Irak.

Une autre source d’information est le gouvernement et l’armée d’Irak. Ce n’est aucun secret que ceux qui sont à la tête de ces deux organismes fonctionnent sous le contrôle des militaires américains. Les porte-parole pour le gouvernement irakien adaptent leurs communiqués - à quelques exceptions - à ceux de l’armée des Etats-Unis.

Il semble réellement qu’une partie - sinon l’intégralité - des rapports communiqués sur l’amélioration de la sécurité sont principalement basés sur l’information fournie par les militaires américains, les sources officielles irakiennes ou celles qui collaborent avec les deux (des sources chiites liées au pouvoir, des chefs tribauxs sunnites). Ce dernier groupe reçoit une subvention chaque mois pour maintenir ses secteurs à l’écart d’Al-Qaeda. Par ailleurs, les quelques 80000 combattants sunnites - beaucoup d’entre eux étant apparemment d’anciens insurgés ayant combattu l’armée américaine - touchent 300 dollars US chaque mois pour assurer leurs fonctions de gardiennage.

Quoi d’autre les journalistes « investigateurs » des médias comptent-ils entendre de ceux dont le salaire doit se justifier par une amélioration de la sécurité en Irak ? Peuvent-ils raisonnablement critiquer leurs propres efforts, pouvant perdre ainsi des revenus terriblement nécessaires ? Il est intéressant de voir comment les militaires américains peuvent aujourd’hui armer et donner leur confiance aux mêmes personnes qui faisaient sauter leurs blindés il y a quelques mois.

Une troisième source d’information est le nombre incoyablement élevé de rapports produits par les diverses organisations en Irak - certaines qui combattent les forces américaines et britanniques, d’autres qui se combattent entre elles suite aux différences de programme ou d’appartenance ethnique. Par ailleurs, plusieurs des escadrons de la mort en Irak se sont avérés n’être rien d’autre que les brigades d’Al-Badr, le bras armé de quelques-uns des principaux membres du gouvernement irakien. Une grande partie des assassinats a été aussi attribuée à l’armée d’Al-Mahdi, surtout basée dans le quartier Al-Sadr à Bagdad. La diminution de la violence attribuée aux milices d’Al-Mahdi doit beaucoup à la politique interne et aux arrangements gardés secrets. On estime que l’armée et la police irakiennes sont constituées à partir de ces deux grandes organisations chiites, et une grande partie de la violence semble être de leur propre fait.

Ne serait-il pas possible que les alliés des Etats-Unis aient décidé de cesser leurs actes de violence et leur nettoyage ethnique dans Bagdad afin de donner l’impression que la géniale stratégie de « renforcement intensif » du président Bush ait donné des résultats, discréditant ainsi tous ses détracteurs, que ce soit à domicile ou ailleurs ?

N’est-il pas ingénieux que cette « success story » en Irak puisse rétrospectivement associer une terminologie tellement optimiste et positive - sécurité, paix, espoir - avec le plus sinistre des actes, à savoir l’invasion militaire d’un pays souverain et l’assujettissement de son peuple ?

Pourquoi les médias ne posent-ils pas ces questions au lieu de diffuser complaisamment de « bonnes nouvelles » ressemblant à une propagande pour une occupation arbitraire et humiliante ?

Il y a beaucoup de sources disponibles plus crédibles que celles citées plus haut. Des rapports indépendants tels que le « Survey of Iraqi Households in the Lancet » estimaient que jusqu’au mois de juillet 2006, 655000 Irakiens étaient morts suite à la guerre. Des agences d’études d’opinion basées en Grande-Bretagne sont même arrivées en septembre 2007 à un nombre plus élevé : 1,2 million de personnes seraient mortes pour cause de guerre.
Mais aucun nombre ne peut rendre justice à la blessure ressentie par les Irakiens, tellement sont nombreux ceux qui ont été tués par la puissance de feu de leurs « libérateurs ».

Le 28 décembre, 14 Irakiens ont été tués et 64 autres ont été blessés sur une place de Bagdad remplie de personnes faisant leurs emplettes après la prière du vendredi. Je me demande si les nombreuses familles touchées par cette dernière tragédie dans Bagdad trouveront paix et réconfort dans les chiffres et les statistiques publiées par les militaires américains et diffusées de manière si enthousiastes par les médias. Demandons-nous comment les gens de la sanglante place de Tayaran répondraient à la question : « L’Irak va-t-il mieux ? »

Se trouvera-t-il même un journaliste qui prendrait la peine de les interroger sur ce qu’ils pensent ?

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Exploiter politiquement la misère qui sévit dans Gaza ?
- Somalie : ce que la presse ne vous dit pas
- Le vrai but d’Annapolis, et pourquoi cela ne pouvait pas marcher
- Paix et démocratie

5 janvier 2008 - Diffusé par l’auteur - Vous pouvez consulter cet article à :
http://ramzybaroud.net/articles.php...
Traduction : Claude Zurbach


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