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Le pouvoir du lobby pro-israélien dans les élections américaines

mardi 8 janvier 2008 - 21h:55

Rob Winder - Al Jazeera.net

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Aux Etats-Unis, des membres du Congrès et leurs équipes vont plus souvent à Tel Aviv qu’ils ne vont à Chicago.

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Hillary Clinton : farouchement pro-israélienne - Photo : Gallo/Getty

Alors que les candidats à la présidence des Etats-Unis s’opposent pour devenir le dirigeant de la première superpuissance mondiale, il y a un sujet sur lequel tous s’accordent, au moins en public : la relation entre les Etats-Unis et Israël.

Pour les principaux hommes politiques des deux partis opposés, cette relation spéciale est sacro-sainte, ceci étant dû en grande partie d’après les critiques, à la forte influence des groupes de pression pro-israéliens.
Ces critiques estiment aussi que les groupes pro-israéliens sont bien placés pour jouer un rôle important lors de la prochaine bataille électorale, en financement des candidats et en dénonçant publiquement tout candidat qui serait critique vis à vis d’Israël ou du rapport entretenu par les Etats-Unis.

John Mearsheimer, qui avec Stephen Walt est l’auteur d’une série controversée d’articles et d’un livre récent sur le lobby pro-israélien, a déclaré à Al Jazeera : « Presque tous les principaux candidats font des pieds et des mains pour démontrer combien profondément ils sont engagés dans cette relation spéciale entre l’Amérique et Israël. » « Il est difficile de trouver un seul mot critiquant quoi que ce soit que fait Israël, et c’est le résultat des activités du lobby. »

Qu’est-ce que le lobby pro-israélien ?

Ce lobby se compose de dizaines de comités d’action politique pro-israéliens qui obtiennent une grande partie de leur soutien de la communauté juive des Etats-Unis et fournissent des fonds aux candidats à la présidence.

Mais les sionistes-chrétiens, qui sont parmi les défenseurs d’Israël les plus bruyants aux Etats-Unis, jouent également un rôle important. Ils sont persuadés qu’en renforçant et en soutenant l’état israélien ils provoqueront « la seconde venue » de Jésus comme cela serait prédit dans la Bible.

À l’avant-garde du lobby se trouve le Comité d’Affaires Publiques Américano-Israélien [AIPAC), qui s’active principalement au Congrès des Etats-Unis. Dans ces récentes « victoires » l’AIPAC a à son actif la décision prise par les Etats-Unis de dénoncer les « Gardes Révolutionnaires d’Iran » comme organisation terroriste, la fixation du montant de l’aide américaine au profit d’Israël et en 2006 le gel de l’aide des Etats-Unis en direction de l’Autorité Palestinienne dirigée par le Hamas.

Argent et pouvoir

Les partisans de ce lobby prétendent que les opinions exprimées par les candidats à la présidence reflètent les vues de la plupart des Américains et que cette question a peu d’influence sur les élections. Mais l’argent investi conduit à une interprétation différente.

Le « Centre for Responsive Politics » (CRP), qui est un observatoire sur le rôle de l’argent dans la politique des Etats-Unis, indique que les groupes et individus pro-israéliens ont déjà versé plus de 845 000 dollars aux candidats à la présidence pour la campagne 2008, 70% de cet argent allant aux candidats du Parti Démocrate.
Durant toute la campagne 2004, les pro-israéliens ont versé au minimum 6,1 millions de dollars à différents candidats et aux partis fédéraux.

« L’argent se traduit en influence à Washington, et généralement les groupes de pression qui dépensent le plus d’argent vont obtenir les meilleures entrées et les meilleurs résultats, » explique Massie Ritch, directeur pour la communication au CRP. C’est en dehors de la course présidentielle mais au congrès qui tient les cordons de la bourse sur la question de l’aide à Israël que le lobby laisse le plus son empreinte financière.

L’AIPAC et d’autres groupes ont dépensé plus de 1,5 million de dollars en 2006 pour le lobbying au niveau fédéral et 1,25 million rien que pour le premier semestre de 2007, ce qui signifie que cette dernière année pourrait être une année record. D’après le CRP, le lobby pro-israélien représente le quart de l’argent dépensé par tous les groupes de pression voulant influer la politique étrangère décidée sur la colline du Capitole.

Flux d’information

Les efforts des Américains d’origine arabe pour mettre leurs idées en avant sont en revanche réduits au minimum.

L’Association Nationale des Arabes Américains et le Comité Arabe Américain Anti-Discrimination ont déclaré dépenser seulement 80000 dollars en activité de lobbying au niveau fédéral en 2006 et 40000 dollars pour les six premiers mois de 2007. La puissance financière du lobby pro-israélien lui permet aussi de fournir des informations très orientées aux politiciens américains pas toujours au courant des complexités du conflit au Moyen-Orient.

L’AIPAC organise et paie des voyages aux députés du Congrès et à leurs équipes - et bien plus que que tout autre sponsor, d’après le CRP. « Des membres du Congrès et leurs équipes ont été à Tel Aviv plus souvent ces dernières années qu’ils n’ont été à Chicago, » estime Ritch.

Accusations d’anti-sémitisme

Ceux qui défendent l’AIPAC disent que l’organisation joue un rôle important comme source d’informations pour les hommes politiques - dont les candidats à la présidence des Etats-Unis. Mais les critiques disent de leur côté que les groupes de pression pro-israéliens vont beaucoup plus loin - comme John Mearsheimer l’explique : « Le lobby surveille de près ce que disent les candidats. »

En mars, le candidat démocrate Barack Obama a prononcé un discours dans l’état de l’Iowa dans lequel il a déclaré : « Personne ne souffre davantage que les Palestiniens. » Un membre local de l’AIPAC est immédiatement entré en contact avec la presse pour dénoncer les paroles d’Obama, les présentant comme « profondément préoccupantes ».

En juillet Jim Moran, un député démocrate du Congrès a critiqué l’AIPAC, accusant l’organisation d’avoir poussé à la guerre contre l’Irak. Dix-sept membres du Congrès ont immédiatement écrit une lettre à Moran pour le critiquer durement en disant que ses remarques « ont malheureusement repris certains stéréotypes anti-sémitiques historiquement employés contre les juifs ».

Eric Cantor, un adjoint d’un des responsables républicains à la Chambre des Représentants est allé encore plus loin et a été cité comme disant : « Malheureusement, Jim Moran a pris maintenant l’habitude d’agresser la communauté Américain-Juive. » [...] « Je pense que ses remarques sont condamnables, je pense que ses remarques sont anachroniques et nous ramènent aux jours d’Adolf Hitler. »

Dans un tel climat politique on comprend facilement pourquoi ceux qui cherchent un emploi dans le bureau oval sont peu soucieux de parler de n’importe quel changement dans les rapports entre les Etats-Unis et Israël ou de s’exprimer contre l’AIPAC

L’accusation d’anti-sémitisme est régulièrement employée par Israël et son lobby et c’était une des accusations auxquelles John Mearsheimer a fait face. « Notre livre n’est pas anti-sémite et nous ne sommes pas anti-sémites », explique-t-il. « [Traiter d’antisémites] ceux qui critiquent la politique israélienne ou les rapports entre les Etats-Unis et Israël est un procédé habituel pour le lobby. C’est leur façon de faire pour étouffer toute critique d’Israël et pour marginaliser ceux qui osent critiquer. »

Action militaire

Au delà de la question des élections, les critiques du lobby disent que les groupes pro-israéliens après avoir poussé à la guerre contre l’Irak s’activent maintenant en faveur d’une action militaire contre l’Iran.

« Si vous regardez qui pousse les Etats-Unis à employer la force militaire contre l’Iran, ce sont Israël et le lobby pro-israélien » dit Mearsheimer. Jim Moran, dans une entrevue avec « Tikkun », un magasin israélien pacifiste, a expliqué qu’une action militaire américaine contre l’Iran était proposée uniquement parce que [l’Iran] menacerait Israël.

« Personne n’a suggéré que l’Iran était une menace potentielle pour les Etats-Unis, » a-t-il dit au magazine, « pas plus que l’Irak ne l’a jamais été. » « En fait, ce sont les mêmes groupes et individus qui ont poussé à la guerre contre l’Irak qui poussent aujourd’hui à la guerre contre l’Iran. »

L’AIPAC nie cependant n’avoir jamais demandé autre chose que des sanctions. « L’AIPAC préconise uniquement des sanctions comme meilleure manière d’empêcher l’Iran d’acquérir des armes nucléaires ou la possibilités d’en fabriquer, » a déclaré à Al Jazeera Josh Block, un porte-parole de l’AIPAC.

Une vraie relation amicale

Mearsheimer argumente en disant que les Etats-Unis doivent normaliser leur relation avec Israël en traitant cet état comme sont traités le Royaume-Uni, l’Allemagne ou l’Inde.
Lui-même et d’autres critiques, venant soit de l’intérieur soit de l’extérieur de la communauté juive américaine, estiment qu’Israël pâtit de sa position privilégiée en termes d’aide venant des Etats-Unis.

Ils sont persuadés que le soutien du lobby pro-israélien encourage Israël à agir sans crainte de sanctions internationales. Ceci a encouragé les chefs israéliens à poursuivre l’occupation illégale de la terre palestinienne comme la construction de colonies, et les militaires israéliens à perpétrer de nombreuses violation des droits de l’homme.

« Si ces candidats à la présidence étaient de vrais amis d’Israël comme ils prétendent l’être, ils critiqueraient non seulement Israël pour sa politiques dans les territoires occupés... mais ils expliqueraient que les Etats-Unis doivent exercer une pression significative sur Israël et les Palestiniens pour conclure un accord sur une solution à deux états, » dit Mearsheimer à Al Jazeera. »

« C’est ce que devrait faire un véritable ami. »

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30 décembre 2007 - Al Jazeera.net - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/NR/exe...
Traduction : Claude Zurbach


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