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L’aide américaine à l’Egypte liée au maintien du siège de Gaza

jeudi 3 janvier 2008 - 14h:30

A. Morrow & K. M. al-Omrani

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La semaine dernière, les deux chambres du Congrès américain ont décidé de suspendre 100 millions de dollars en aide financière à l’Egypte parce qu’Israël prétend que les autorités égyptiennes ne réussissent pas à empêcher la contrebande d’armes vers la Bande de Gaza.

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Des agents de la sécurité se préparent à fermer un tunnel au camp de réfugiés de Rafah dans le sud de la Bande de Gaza, décembre 2005 - Photo : Hatem Omar/MaanImages

Pour sa part, Le Caire a dénoncé la décision comme une tactique de pression maladroite de la part du lobby pro-israélien de Washington.

« L’aide financière des Etats-Unis à l’Egypte a toujours subi des pressions de la part du lobby israélien » a dit à l’IPS Mohamed Abu al-Hadid, analyste politique et directeur de la maison d’édition d’Etat Dar al-Tahrir qui publie le grand quotidien Al Gomhouriya. « Cette décision viole la souveraineté - et la dignité - égyptiennes et appelle une réaction sans équivoque » a-t-il ajouté.

Normalement, l’Egypte reçoit chaque année 1,7 milliard de dollars EU en aide financière ; elle est ainsi la deuxième bénéficiaire des largesses états-uniennes, directement après Israël lequel reçoit trois milliards de dollars par an en aide militaire.

Le Congrès a pris cette décision parce que, depuis longtemps, Israël prétend que Le Caire n’en fait pas assez pour arrêter la contrebande d’armes depuis l’Egypte vers la Bande de Gaza. La nouvelle loi fait aussi allusion aux résultats médiocres de l’Egypte en matière de torture policière et d’indépendance judiciaire.

Le nouveau budget d’assistance a déjà reçu l’approbation du Sénat et devrait être avalisé par le Congrès dans les semaines à venir. Si cette décision était mise à exécution, ce serait la première fois que les USA réduiraient considérablement l’assistance qu’ils fournissent à l’Egypte depuis l’accord de paix de Camp David de 1979 conclu entre cette dernière et Israël

Il n’est absolument pas certain que cette loi soit adoptée dans la mesure où le Président américain George W. Bush menace de lui opposer son veto. Le Président allègue en effet la détérioration des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et l’Egypte que la mesure pourrait entraîner. En outre, la loi stipule que l’aide ne sera pas réduite si le Département d’Etat confirme que Le Caire s’attaque au problème de la contrebande de manière satisfaisante.

Ces derniers mois, Israël a multiplié ses allégations à l’endroit de l’Egypte l’accusant de faire preuve de négligence à la frontière ; plusieurs officiels israéliens de haut rang soutiennent que Le Caire ferme les yeux sur le flot d’armes illégales qui traversent sa frontière de 14 km avec la Bande de Gaza. Les Israéliens ont dit que les armes de contrebande tombent souvent entre les mains de la faction Hamas de la résistance palestinienne qui gouverne le territoire depuis juin dernier.

Bien que Washington et Tel-Aviv aient qualifié le Hamas d’« organisation terroriste », le mouvement jouit d’un appui populaire considérable dans tout le monde arabe étant donné son inébranlable résistance à une occupation israélienne qui dure depuis soixante ans.

Vers la mi-octobre, le ministre israélien de la sécurité publique, Avi Dicther, aurait dit que « l’Egypte pourrait arrêter la contrebande d’armes du jour au lendemain si elle le voulait ». Ces dernières semaines, à grand renfort d’articles dans la presse israélienne, Tel-Aviv a intensifié le rythme de ses accusations.

Dans son édition du 18 décembre, le Jerusalem Post a cité des « estimations récentes » selon lesquelles, le Hamas aurait introduit en contrebande dans la Bande de Gaza « 100 tonnes d’explosifs, des millions de balles, des centaines de missiles antitanks, voire un petit nombre de roquettes Katyusha » ; une bonne partie de cet armement aurait transité par l’Egypte.

Toutefois, les officiels égyptiens rejettent ces allégations et soulignent que les autorités font tout leur possible pour lutter contre l’activité des contrebandiers.

Mohamed Basyouni, ancien ambassadeur d’Egypte en Israël et chef du comité des affaires arabes au Conseil de la Shura (chambre haute du Parlement) a déclaré à l’IPS :« Les accusations de négligence en matière de sécurité adressées à l’Egypte sont fausses »« L’Egypte a continument lutté contre la contrebande ».

Basyouni a ensuite insisté sur le fait que si l’Egypte combat la contrebande « ce n’est pas à la demande d’Israël, mais parce que la contrebande menace sa propre sécurité nationale ».

Le 12 décembre, la police égyptienne aurait confisqué 500 kg d’explosifs dans le nord de la Péninsule du Sinaï. Selon des sources de la sécurité citées par Reuters, les explosifs saisis étaient probablement en route vers la Bande de Gaza.

Dans son édition du 22 décembre, Al Gomhouriya a repris la déclaration du porte-parole du ministère des affaires étrangères, Hossan Zeki, qui a critiqué la récente décision du Congrès en ces termes : « le peuple égyptien et tous les groupes politiques égyptiens ne peuvent que la rejeter ».

Il a aussi insisté sur la solidité des liens de longue date entre Le Caire et Washington rappelant que les deux capitales s’accordaient à reconnaître qu’il fallait résoudre ce problème « d’une manière qui ne porte pas atteinte aux relations entre les deux pays ».

Zeki a ensuite reproché au puissant lobby pro israélien de Washington le rôle qu’il avait joué dans la décision.

« Dès le début, il a été évident qu’un groupe très influent -tant aux Etats-Unis qu’à l’extérieur de ce pays - avait intérêt à endommager les rapports entre l’Egypte et les Etats-Unis » a-t-il dit. « On sait très bien que le lobby israélien (aux USA) a joué un rôle dans cette affaire pour servir ses propres objectifs ».

Abu al-Hadid s’est fait l’écho des déclarations de Zeki.

Selon lui, « Les Etats-Unis subissent la pression du lobby israélien qui a orchestré une campagne dans les médias pour alimenter la controverse au sujet de la loi sur l’aide ».

Abu al-Hadid a suggéré ensuite que la vague récente d’accusations de contrebande « a été lancée en représailles pour la réticence égyptienne à normaliser pleinement ses relations avec Israël ».

Le Caire a eu des relations diplomatiques complètes avec Tel-Aviv depuis la signature de l’accord de paix de Camp David entre l’Egypte et Israël en 1979. Mais étant donné la brutalité d’Israël à l’égard des Palestiniens, l’idée de normaliser pleinement les relations avec l’Etat hébreu reste très impopulaire dans la rue égyptienne.

Selon Emad Gad, analyste au centre semi-officiel Al-Ahram pour les études politiques et stratégiques relatives aux affaires israéliennes, les efforts égyptiens visant à contrôler la frontière avec la Bande de Gaza sont sérieusement gênés à cause de la rigueur des conditions fixées par l’accord de Camp David.

Aux termes du traité, l’armée égyptienne ne peut déployer que 750 gardes-frontière.

« Qui plus est, seul un tiers de ce contingent limité est effectivement posté le long de la frontière » a déclaré Gad à l’IPS. « On ne peut donc pas compter que l’Egypte arrive à contrôler la zone à 100% ».

« Bien que Le Caire ait demandé un amendement au traité pour lui permettre d’accroître les effectifs de ses gardes-frontière et d’utiliser des hélicoptères pour surveiller la zone, l’appareil militaire israélien a constamment rejeté cette requête », dit-il.

Gad laisse aussi entendre que la récente décision du Congrès américain - qu’elle soit mise en ?uvre ou non - touche davantage à la géopolitique qu’à la sécurité des frontières.
Selon lui : « La décision est simplement le moyen de faire pression sur l’Egypte pour qu’elle fasse des concessions en ce qui concerne la politique étrangère américaine ailleurs dans le monde ».

27 décembre 2007 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : AMG


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