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Morte d’avoir trop parlé ?

vendredi 4 janvier 2008 - 07h:46

Salama A. Salama - Al Ahram-hebdo

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Il est donc tout à fait possible que ce soient les déclarations offensives de Bhutto qui auraient suscité la réserve et la colère des forces fondamentalistes qui l’ont tuée.

A peine avait-elle touché le sol du Pakistan en octobre dernier, de retour d’exil, à l’issue d’un accord avec le général Musharraf et d’une médiation américaine, que Benazir Bhutto était devenue la cible d’une mort annoncée. En effet, les forces fondamentalistes et les éléments islamistes rigoristes ont tenté de l’assassiner et ce dès son arrivée.

Benazir Bhutto a toujours suspecté les intentions du général et sa détermination à tenir la promesse qu’il lui a faite lorsqu’ils s’étaient rencontrés aux Emirats arabes unis avant de revenir au Pakistan. Accéder à la tête du gouvernement pour une troisième fois, si elle l’emportait aux législatives, telle était la promesse. Toutefois, elle n’a eu de cesse d’affirmer avant son décès à Rawalpindi que Musharraf utiliserait tous ses pouvoirs pour contrôler les élections prévues dans deux semaines.

Raison pour laquelle les partisans de Bhutto ont cru que son assassinat était prémédité par les services secrets pakistanais et que le général Musharraf n’était pas à l’abri du complot. D’autant plus que son gouvernement ne lui a pas procuré la protection sécuritaire suffisante faisant d’elle une proie facile pour les fondamentalistes.

Selon certains avis, plus prépondérants, Benazir Bhutto s’est engagée dans un conflit ouvert avec l’organisation d’Al-Qaëda et les éléments fondamentalistes, lorsqu’elle a accusé Musharraf de n’avoir rien fait pour anéantir ces éléments. Elle estimait que les écoles religieuses qui alimentent les rangs d’Al-Qaëda et des Talibans étaient des sources meurtrières. Elle a promis, au cas où elle gagnerait les élections, qu’elle permettrait aux forces américaines de frapper les organisations terroristes que les tribus pakistanaises abritent sur les frontières. Bhutto a dit que ces tribus vivaient à l’époque du Moyen-Age et n’étaient pas soumises à un système politique ou juridique. Elle avait néanmoins affiché sa détermination à changer la structure sociale de ces tribus et à promouvoir leur niveau.

Il est certain que le fossé séparant Bhutto et Pervez Musharaf et ses partisans a gagné en ampleur à l’approche des élections. Il a été accusé d’avoir été complaisant avec les forces rigoristes, comme il l’avait été auparavant avec le chercheur Pakistanais Abdel-Qadir Khan. Ce dernier avait permis la propagation de secrets nucléaires à l’étranger. Bhutto avait juré de rouvrir ce dossier, ce qui a vraisemblablement suscité contre elle de nombreuses forces politiques et populaires. Ce qui a rendu impossible une éventuelle cohabitation avec Musharraf. Il est donc tout à fait possible que ce soient les déclarations offensives de Bhutto qui auraient suscité la réserve et la colère des forces fondamentalistes qui l’ont tuée. Elle ne savait probablement pas qu’elle était prise dans le guêpier d’un pays dominé par des forces qui voient d’un mauvais ?il l’attachement à la laïcité de Bhutto et ses penchants occidentaux.

Bhutto qui a rédigé son autobiographie dans un livre qu’elle a intitulé La Fille du destin et qui a conduit le Parti du peuple après l’exécution de son père dans les années 1970 s’apprêtait à s’engager dans des combats violents pour briguer une 3e fois le poste de premier ministre. Bhutto est l’une des femmes les plus courageuses et des plus intelligentes dans un monde islamique qui s’est trompé de voie vers la démocratie. Une femme qui possédait un extraordinaire talent de leadership dans des circonstances extrêmement difficiles.

La mort de Bhutto a engendré un vide affreux laissant son parti au gré des vents. Le destin du pays est plus que jamais opaque. Chaque fois que le processus démocratique fait un pas en avant, il est avorté à cause de la tyrannie militaire et du terrorisme.

Du même auteur :

- "Nucléaire : le double jeu européen" - 2 novembre 2007.

- "Blairisme à la française ?" - 30 septembre 2007.

- "Le réalisme syrien" - 19 mai 2007.

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 2 au 8 Janvier 2008, numéro 695 (Opinion)


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