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Les Occidentaux ont réalisé un spectaculaire tête-à-queue à Beyrouth

mardi 25 décembre 2007 - 06h:40

Alain Campiotti - Le Temps

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L’impasse qui dure dans la présidentielle montre que la Syrie reste ferme : prendre et ne rien donner.

Les Libanais ont une bonne raison de prier. Qu’ils soient musulmans (Eid al-Adha) ou chrétiens (Noël), ils demandent que la guerre civile froide dans laquelle le pays est plongé depuis plus d’un an - avec quand même un mort par bombe tous les deux mois - ne devienne pas chaude. Pour la dixième fois samedi, le parlement a été incapable d’élire le général Michel Souleiman, candidat pourtant de consensus, à la présidence de la république : pas de quorum sans l’opposition, pas de séance. Un autre essai, vain sans doute, doit avoir lieu le 29 décembre. Le parlement se mettra ensuite en vacances jusqu’à la mi-mars, mais son président, Nabih Berri, du mouvement chiite Amal allié du Hezbollah, promet de convoquer les députés chaque semaine dès janvier.

Cette paralysie politique, vue de loin, peut paraître monotone. L’épisode qui vient de se dérouler est pourtant d’une facture neuve, et il a toutes les apparences d’un tête-à-queue occidental spectaculaire.

Le Liban est sans président depuis qu’Emile Lahoud, ex-général vassal de la Syrie, est sorti du palais de Baabda le 23 novembre, au bout de son mandat. Pour lui trouver un successeur, il faut deux tiers des députés afin que le parlement soit constitué en corps électoral. La majorité (Mouvement du 14 mars, sunnites, druzes et chrétiens soutenus par l’Occident), n’a pas assez d’élus. L’opposition (Hezbollah, Amal, chrétiens de Michel Aoun) n’est jamais venue. Elle est en état d’insurrection depuis que ses six ministres sont sortis en novembre 2006 du gouvernement, illégitime depuis lors à ses yeux. La rupture s’était faite sur des thèmes chers à Damas : le tribunal international, qui doit juger les assassins de l’ancien premier ministre Rafic Hariri au grand déplaisir des Syriens soupçonnés ; et en arrière-plan les armes du Hezbollah.

Depuis septembre, tous les candidats, obligatoirement maronites, à la présidence avancés par un camp ont été rejetés par l’autre. L’impasse semblait près d’être surmontée quand la majorité a levé ses objections constitutionnelles à l’élection du général Souleiman, commandant en chef de l’armée, agréé par l’opposition, et par Damas. C’était à la fin novembre, et cette éclaircie coïncidait avec la tenue de la conférence d’Annapolis sur le Proche-Orient. La Syrie, in extremis, avait accepté de participer à la réunion dans le Maryland. Pour les Américains, et pour la France très active dans les pays sur lesquels elle eut un mandat, c’était une ouverture intéressante : peut-être un coin planté dans l’alliance entre Damas et Téhéran, le front du refus anti-occidental dans la région. Le président Nicolas Sarkozy envoyait chez Bachar el-Assad, son homologue syrien, ses conseillers pour faire miroiter une promesse de normalisation après une période de grand gel.

Le Syrien a accepté ce qu’on lui donnait, dont un candidat acceptable à la tête de la petite république que son armée occupait encore il y a moins de trois ans. En échange, Assad n’a rien donné. Au contraire. Ses alliés de Beyrouth ont très vite soumis leur vote pour Souleiman à une série de conditions. La principale, c’est la réintégration de l’opposition dans le gouvernement, avec une minorité de blocage d’au moins un tiers des portefeuilles, qui lui permettrait de s’opposer à des décisions importantes : touchant par exemple les armes du Hezbollah ou la participation libanaise au Tribunal international.

A Beyrouth, une partie de la majorité a eu l’impression d’avoir été poussée par ses soutiens extérieurs dans un marché de dupes. Elle redoute le retour, de guerre lasse et par marchandage, de la suzeraineté syrienne sur le Liban. Washington et Paris ont compris un peu tard ce désarroi. Nicolas Sarkozy a donné de la voix, demandant la semaine dernière à la Syrie de ne plus mettre d’entrave à l’élection du général Souleiman. Le président George Bush a parlé encore plus fort, encourageant ses protégés de Beyrouth à élire, si l’opposition persiste, un président à la majorité simple, ce que ceux du 14 mars se refusent encore à faire. Car pour le Hezbollah et ses alliés, ce serait un casus belli. La guerre civile froide pourrait alors se réchauffer.

Cet épisode libanais autour d’Annapolis contient une leçon plus large. L’Iran et la Syrie, à part quelques gestes secondaires, ne sont pas prêts à dévier de leur axe de lutte dont leur propagande ressasse, à tort ou à raison, le credo : les Etats-Unis et ceux qui les suivent se sont enferrés dans la large région du Proche-Orient ; il ne faut pas les détourner en si bonne voie...


Du même auteur :

- Annapolis offre aux Libanais un général-président
- Pourquoi Damas a choisi d’aller à Annapolis
- Le Liban sans président

Alain Campiotti - Le Temps, le 24 décembre 2007


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