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Territoires Palestiniens : économie et autonomie

jeudi 18 mai 2006 - 16h:48

Erica Silverman - Al Ahram Weekly

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Les Territoires Palestiniens représentent un large marché et sans régulation aucune pour les produits israéliens. Au point de passage de Karni, la priorité est donnée aux produits israéliens, ensuite aux produits venant d’outre-mer, et ensuite seulement aux produits venant de Cisjordanie. Les camions contenant les produits israéliens peuvent entrer librement, alors que les camions amenant des produits d’outre-mer ou de Cisjordanie attendent souvent plusieurs semaines avant d’avoir un permis pour entrer.

De gauche à droite : un Palestinien installe une caméra au terminal de Rafah ; le Ministre Palestinien des Affaires Civiles, Mohamed Dahlan au poste frontière.

Après 11 heures de négociations durant toute la nuit à Jérusalem, la secrétaire d’état américiane Condoleezza Rice imposait un accord entre l’Autorité Palestinienne et Israël qui devrait permettre d’ouvrir la seule fenêtre sur le monde extérieur dont disposent les Palestiniens dans la Bande de Gaza.

L’accord devrait donner la possibilité aux Palestiniens de voyager librement à travers le point de passage de Rafah (seul moyen de passage à Gaza) vers la frontière commune avec l’Egypte, de passer en Cisjordanie par un système de convois de bus devant se mettre en place pour le 15 décembre, et de faire passer des camions commerciaux à travers le poste frontière de Karni (seul point de passage pour les marchandises pour Gaza) vers Israël. Il y a presque accord pour ouvrir le port maritime de Gaza, et les discussions se poursuivent concernant l’aéroport.

Le point frontière de Rafah doit ouvrir le 25 novembre, et ce sera la première fois que les Palestiniens contrôleront une frontière internationale. De façon significative, les exportations auront le droit de passer par le terminal [de Rafah], tandis que toutes les importations entreront par la frontière israélienne de Kerem Shalom.

[ ...] Deux mois auparavant Israël a procédé au retrait unilatéral [de ses soldats et de ses colons] de la Bande de Gaza. Depuis lors le poste frontière de Rafah était resté fermé, ouvrant de temps à autre pour un total de neuf jours et permettant à un faible nombre de personnes de pouvoir passer. Aujourd’hui aucun travailleur n’entre plus en Israël par le passage d’Eretz, et le poste frontière commercial de Karni est fermé depuis bientôt un mois.

Cette semaine sont présent dans la région l’envoyé spécial du Quartet James Wolfensohn, Rice, l’envoyé spécial de l’Union Européenne (UE) Marc Otte et l’ancien président américain Bill Clinton, tous essayant de convaincre les israéliens de consentir que l’Autorité Palestinienne (AP) puisse gérer le point de passage de Rafah sans présence israélienne.

Parlant la semaine dernière depuis le poste frontière de Rafah remis en état de service, l’ambassadeur Otte a estimé que l’ouverture du poste de Rafah était « le premier pas dans un long processus qui amènerait les Palestiniens à se gouverner pleinement eux-mêmes, en étant responsables de leur économie et des relations avec leurs voisins en tant que partenaires égaux, comme une nation souveraine ».

Israël et l’AP ont convenu que l’UE agirait comme tierce partie à la frontière. Mark Regev, porte-parole du ministère israélien des affaires extérieures, a fait savoir que « Israël est content que l’UE ait accepté d’avoir un rôle dans la sécurité à la frontière », bien qu’au départ les négociations entre l’AP et l’UE se soient mal passées et qu’elles ne soient pas encore terminées. La délégation [européenne] déploiera des fonctionnaires pour gérer l’activité, former les douaniers, fournir l’équipement nécessaire pour être certain que le point frontière fonctionnera efficacement et en conformité avec les standarsd internationaux.

Lorsque le terminal était sous contrôle israélien, il était courant pour les Palestiniens de rester bloqués à la frontière plusieurs jours avant de pouvoir traverser. D’autres points d’achoppement dans les négociations concernaient l’exigence israélienne de disposer d’installations de sécurité à la frontière, comme un système vidéo ouvert 24 heures sur 24 et la possibilité d’intervenir lorsqu’une liste de Palestiniens « à haut risque » devaient traverser. Partager des données concernant des passagers est une pratique habituelle au niveau international, mais à condition qu’il existe un accord sur la façon de procéder et avec des mécanismes en place permettant d’éviter les abus.

La récupération et la stabilité de l’économique à Gaza nécessitent la liberté de mouvement pour tous les biens et toutes les personnes à travers les frontières égyptiennes et israéliennes. L’accès direct au reste du monde à travers l’aéroport et le port maritime de Gaza, autant que la mise en place d’un passage sûre et viable entre Gaza et la Cisjordanie sont essentiels pour diminuer la crise économique affectant la Bande de Gaza.

« Sans une solution pour passer librement entre l’Egypte et la bande de Gaza, le désengagement ne signifie rien. C’est fermé du nord au sud, et tout est paralysé ici. C’est devenu une grande prison », a déclaré le porte-parole de la présidence palestinienne Nabil Rudeineh à Al-Ahram Weekly.

La liberté de passage pour les personnes est le premier objectif que l’AP souhaite voir réalisé. Elle se prépare à des négociations continuelles avec les israéliens concernant la circulation des biens, et particulièrement en ce qui concerne le point de passage de Karni. Pourquoi les israéliens imposent-ils une telle contrainte sur Rafah et Karni dans la Bande de Gaza après leur départ ? Israël invoque des faiblesses dans l’appareil de sécurité palestinien comme raisons pour les fermetures continuelles, bien que le facteur économique ne puisse être ignoré.

Les Territoires Palestiniens représentent un large marché et sans régulation aucune pour les produits israéliens. Au point de passage de Karni, la priorité est donnée aux produits israéliens, ensuite aux produits venant d’outre-mer, et ensuite seulement aux produits venant de Cisjordanie. Les camions contenant les produits israéliens peuvent entrer librement, alors que les camions amenant des produits d’outre-mer ou de Cisjordanie attendent souvent plusieurs semaines avant d’avoir un permis pour entrer. En septembre et octobre, approximativement 35 chargements pour l’exportation en camion traversaient Karni chaque jour, alors qu’environ 360 camions israéliens chargés de produits pour l’importation [vers la Bande de Gaza] traversaient quotidiennement, selon le directeur général du Ministère Palestinien de l’Agriculture, Khaled Zoraid.

Aussi longtemps que l’accord de Paris signé en 1994, à la suite des accords d’Oslo, restera en vigueur à Gaza, tous les produits traversant la frontière égyptienne devront entrer par le point de passage israélien, Kerem Shalom, où se trouvera le terminal pour les transactions marchandes. [...] Actuellement, Gaza n’a pas de frontières économiques, seulement des frontières sécuritaires. De plus, il y a un potentiel pour l’importation de produits égyptiens par Rafah.

Les échanges commerciaux demandent qu’un secteur privé soit disposé à investir, et que soit disponible une infrastucture connue et qui peut faciliter le commerce entre les Territoires Occupés et les autres nations. « La Banque d’Investissement Européenne annonce qu’elle est disposée à fournir 400 millions de dollars sous forme de garanties pour faciliter le petit commerce à Gaza. Le problème n’est pas le capital. Le problème, c’est les restrictions et les bouclages, et sans liberté d’accès cet investissement ne verra jamais le jour », explique l’économiste Palestinien et membre du Comité Technique pour le Retrait, Mohamed Samhouri.

Les commerçants israéliens dans les villes portuaires d’Ashdod et Haïfa importent de l’électronique bon marché du Sud-Est asiatique. Une fois les produits arrivés dans les entrepôts de Tel Aviv, ils sont revendus dans les Territoires Occupés ; par conséquent tous les bénéfices vont directement aux israéliens et ne sont jamais reversés aux Palestiniens. « La banque Mondiale estime la perte de revenue pour l’économie palestinienne suite à ces ?importations directes’ à 180 millions de dollars chaque année », selon Samhouri.

Les Palestiniens importent pour 2,4 milliards de dollars de marchandises chaque année, 80% provenant d’Israël, les Palestiniens devant en plus payer les mêmes prix que les israéliens.

Cette intégration forcée dans l’économie israélienne - le contrôle israélien des frontières, l’importation forcée de produits israéliens depuis que les Palestiniens sont interdits d’accès à d’autres marchés, des systèmes tarifaires injustes et l’usage forcé de ressources israéliennes comme l’électricité, le gaz naturel et les systèmes de communication - a été dévastatrice pour l’économie palestinienne.

Au cours des 10 dernières années les Palestiniens ont reçu approximativement 8 milliards de dollars d’aide alors que tous les indicateurs économiques et sociaux empiraient. Un rapport d’une conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, publié l’été 2003 conclut que par suite des systèmes tarifaires existant entre les Territoires Palestiniens et Israël, la plus grande part de l’assistance fournie par tous les pays donateurs bénéficie directement à Israël plutôt qu’aux Palestiniens. Le déficit commercial palestinien avec Israël se monte à 71 % de l’ensemble du déficit, alors que 45 % de chaque dollar produit sur place va en Israël. En attendant, « 70 % des emprunts faits à l’étranger (principalement des fonds de programmes de soutien) sont employés pour financer le commerce bilatéral avec Israël », selon le rapport. Après le retrait [de la Bande de Gaza], l’espoir était que les Gazaouïtes seraient libres de leurs mouvements, pour commercer, voyager, étudier à l’étranger. C’est l’exact opposé qui s’est produit. Les mouvements sont plus restreints que jamais, les exportations sont stoppées et les importations israéliennes continuent à inonder les territoires sans aucune régulation.

La possibilité pour l’Autorité Palestinienne de gérer Rafah donnerait aux Palestiniens la maîtrise de leur destin et de leur vie quotidienne. « L’impact psychologique des bouclages est énorme sur la perception qu’ont les Palestiniens des intentions israéliennes et de leur propre situation à Gaza », explique Nigel Roberts, directeur de la Banque Mondiale pour la Cisjordanie et la Bande de Gaza.

Le terminal de Rafah est en cours d’équipement, les observateurs européens sont prêts à se mettre en place et l’administration américaine insiste sur l’importance d’une stabilisation économique pour la Bande de Gaza. Tout le monde attend le feu vert en provenance d’Israël.

19 novembre 2005 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2005/769...
Traduction : Claude Zurbach


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