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Il y a soixante ans, l’ONU partageait la Palestine : Les dessous d’un scandale

mardi 4 décembre 2007 - 06h:06

Ali Menjour - Réalités Online

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« Il serait, à mon avis, plus raisonnable d’arriver à un accord avec les Arabes sur la base d’une vie commune pacifique que de créer un Etat juif... La conscience que j’ai de la nature essentielle du Judaïsme se heurte à l’idée d’un Etat juif doté de frontières, d’une armée et d’un projet de pouvoir temporel, aussi modeste soit-il. Je crains les dommages internes que le Judaïsme subira du développement dans nos rangs d’un nationalisme étroit... Nous ne sommes plus les Juifs de la période des Macchabés. Redevenir une nation dans le sens politique du mot, équivaudrait à se détourner de la spiritualisation de notre communauté que nous devons au génie de nos prophètes ».

Albert Einstein (1)

« Pour choquant que cela puisse paraître, Hitler a certainement été le levier le plus puissant dans l’édification de l’Etat Juif ».

Elie Barnavi (2)

« Le matin même du 27 novembre, Léon Blum mobilise Edouard Depreux, André Blumel, Daniel Meyer et René Cassin, afin de faire pression en faveur du partage. Ces informations aboutissent à l’envoi d’un télégramme donnant clairement à la délégation française à l’ONU l’instruction précise de voter en faveur du partage ».

David Lazar (2bis)

« Dans l’histoire de cette terre, ce sont les Palestiniens qui ont été les victimes ».

Ilan Pappé (2 ter)

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Jérusalem

Le 29 novembre de chaque année est consacré par la communauté internationale “Journée de solidarité avec le peuple palestinien”.

En effet, en cette journée de 1947, l’Assemblée générale des Nations Unies - et non le Conseil de Sécurité dont les décisions sont exécutoires - a voté le partage de la Palestine.

Par cet avatar historique, les pays développés qui, après avoir terrassé l’hydre nazi, s’apprétaient à mettre les dernières retouches au texte final de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (qui sera promulguée le 10-12-1948), n’ont pas hésité à porter à la Nation arabe un lâche coup, en arrachant au peuple palestinien 56% de sa terre pour la donner aux Juifs au nom du « droit historique du peuple élu : la terre promise ».

Drôle d’attitude de ceux qui se sont permis de s’imposer en « sages » et “moralistes” de l’humanité, dénonçant ainsi tout ce qui leur semble être “régime théocratique” et ne cessent, jusqu’à nos jours, de soutenir avec force et sans réserve les thèses des Juifs et des Chrétiens sionistes, fondées sur les concepts bibliques. Voilà ce qu’écrit à ce propos le penseur Nathan Weinstock : « Si l’obscurantisme rabbinique triomphe en Israël, c’est parce que la mystique sioniste n’a de cohérence que par référence à la religion mosaïque. Supprimez les concepts de “Peuple élu” et de “Terre promise”, et le fondement du sionisme s’effondre ».(3)


Les Américains prennent en main le dossier sioniste

Aucun n’ignore que le génocide hitlérien des Juifs a joué un rôle déterminant dans la réalisation du projet colonial sioniste en Palestine.

Au cours du 22ème congrès sioniste de Bale, en décembre 1946, Ben Gourion déclarait : « L’établissement d’un Etat juif étant la seule compensation concevable, si tant est que l’on puisse concevoir une compensation pour le massacre de six millions de Juifs ». (4). Là, nous aimerions ouvrir une parenthèse pour dire combien l’attitude de l’Agence juive, avec à sa tête Ben Gourion, était ambiguë lors du 2ème conflit mondial et le génocide des Juifs. A ce propos nous estimons qu’il est nécessaire de réactualiser notre série d’articles “La collaboration sioniste avec le régime hitlérien dans le génocide des Juifs” à la lumière des derniers écrits de la nouvelle vague d’historiens israéliens. Sur l’attitude de Ben Gourion au cours du génocide des Juifs, voilà ce que Dina Porat écrit (article initialement écrit en hébreu et traduit en français) : « Dès l’époque de la 2ème guerre mondiale, certains dirigeants du Mapaï, dans l’entourage proche de Ben Gourion, avaient dit de ce dernier qu’il ne vivait pas le génocide. Ils soutenaient qu’il ne renonçait pas à ses autres responsabilités pour s’occuper du sauvetage des Juifs d’Europe ». (5)

C’est donc ce même leader sioniste, David Ben Gourion, dont le bras droit était Rudolph Kastner, qui a rencontré Adolph Eichman (le bourreau des Juifs) et conclu avec lui un honteux accord au cours de la deuxième guerre mondiale, qui, après la deuxième guerre mondiale, demande -ou plutôt exige- des compensations pour le massacre de six millions de Juifs.

Pour réaliser leur projet colonial en Palestine, les sionistes ont tracé une stratégie en deux étapes. D’abord, l’annulation du mandat britannique, ensuite la présentation du conflit entre les mains de l’ONU, qui depuis cette époque n’a pas cessé d’être sous l’influence américaine. Pour cela, et afin de garantir le maximum de succès à leur stratégie, les sionistes se sont appuyés sur les USA, principale puissance mondiale qui, à leur tour, cherchaient à damer le pion aux puissances coloniales française et anglaise au Moyen-Orient, et à avoir un partenaire stratégique dans cette région capable de contrecarrer la montée du nationalisme arabe, de s’opposer à toute infiltration communiste et d’être un soutien logistique près des points de pétrole. Etant donné que les empires coloniaux français et anglais sont sortis très affaiblis de la 2ème Guerre mondiale, les USA voyaient qu’il était nécessaire d’être au devant de la scène politiquement et militairement dans cette zone. Pour cela, dès 1946, le Président américain, Harry Truman déclarait « La Grande-Bretagne n’étant plus en mesure de le faire, l’Amérique a décidé de reprendre à son compte les obligations de la Grande-Bretagne dans la Méditerranée orientale et le Proche-Orient » (6).

Pour amener l’Angleterre à renoncer à tous ses engagements (c’est-à-dire au mandat sur la Palestine qui lui avait été attribué par la Société des Nations (SDN) depuis 1922) et pour prouver au monde entier qu’ils ont mené ce qu’ils ont ultérieurement appelé “guerre d’indépendance”, les organisations sionistes en Palestine ont mené des attaques terroristes meurtières contre toute forme de présence britannique, civile et militaire. Le déferlement de la violence sioniste a atteint son apogée le 22 juillet 1946 lorsque le King David Hotel à Jérusalem, quartier général des forces britanniques, fut dynamité.

Contrairement à toute attente, la force mandataire britannique en Palestine avait l’ordre de patienter et de ne point répondre aux assauts meurtriers du terrorisme sioniste. Là, il faut noter une caractéristique fondamentale du sionisme : c’est son ingratitude. D’abord, à l’encontre des Arabes et des Musulmans qui, tout au long le l’histoire, ont protégé les Juifs de la barbarie de beaucoup de Chrétiens. Le meilleur exemple est celui du 2ème calife, Omar, qui, après une interdiction de séjour de six siècles à Jérusalem imposée aux Juifs par les Chrétiens, leur a permis d’y revenir, d’y habiter et de pratiquer leur religion. Ensuite, à l’encontre des Anglais qui, au détriment des leurs relations avec le Monde arabo-musulman, ont permis aux Juifs sionistes d’avoir un pied sur terre en Palestine par le biais de la déclaration Balfour.

Ironie du sort, ces Anglais sont devenus, après la deuxième guerre mondiale, au yeux des sionistes, l’occupant de la Palestine. Donc, l’ennemi à combattre et à abattre. Pendant cette période, force nous est de constater que l’attitude anglaise fut empreinte d’une ambiguïté déroutante. Ceci ne laisse, pour l’analyste, aucun doute quant à l’implication de certaines parties anglaises influentes au pouvoir avec les dirigeants de l’organisation sioniste mondiale et l’Agence juive. Les propos du haut commissaire britannique en Palestine, Sir Alan Cunningham, sont significatifs : « La fin du terrorisme juif aurait été une question d’heures si les troupes britanniques avaient été autorisées à user de toute la puissance de leurs armes. Mais de telles mesures n’ont jamais été envisagées par le gouvernement de Sa Majesté... Aucune autre troupe au monde n’aurait conservé autant de contrôle et de modérations face à des provocations constantes » (7). Alan Cunningham est un soldat de carrière qui s’est illustré par la reconquête de l’Ethiopie en 1941 à un moment où les Britanniques accumulaient revers sur revers (8).

Pour mettre fin à la dégradation de la situation en Palestine et pour sauver l’honneur de l’armée royale, sortie victorieuse de la deuxième Guerre mondiale, le ministre britannique des Affaires étrangères, Bevin, se prononça pour l’arrêt du mandat britannique sur la Palestine et la remise de la question palestinienne entre les mains de l’ONU. Le 18 février 1947, la Chambre des Communes s’aligna sur la décision de Bevin, et le 2 avril 1947 la Grande-Bretagne demanda officiellement au Secrétaire général des Nations Unies l’inscription de la question palestinienne à l’ordre du jour. Le désengagement britannique soudain était en réalité le résultat de tractations secrètes avec les Etats-Unis, qui s’apprêtaient à l’époque à mettre en application le Plan Marshall d’aide aux pays alliés pour permettre leur reconstruction rapide et relancer par là une économie capitaliste, barrant le chemin à toute éventuelle infiltration communiste. Cette aide américaine, qui était de 12 milliards de dollars et qui s’étalait d’avril 1948 à décembre 1951, concernait en premier lieu le Royaume Uni. Sa part était de 24,7%, alors que celle de la France était de 21% (9).

La pression américaine sur le gouvernement de Sa Majesté ne faisait aucun doute. La même menace, qui consistait à arrêter toute aide à la France, a elle aussi été brandie lorsque le 26 novembre ce pays s’est abstenu de voter le plan de partage. En parfait connaisseurs de la situation en France, des personnalités françaises d’origine israélite, tels Léon Blum et René Cassin (un des pères de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme) ont informé leurs coreligionnaires américains de la meilleure manière pour que les responsables politiques français changent d’avis et votent pour le plan de partage (cette question mérite à elle seule d’être traitée à part).

« On menace même la France, écrit Dominique Vidal, qui s’était abstenue par peur des réactions en Afrique du Nord, de lui couper les vivres » (10).

Ainsi, au cours de cette année 1947, que le Général De Gaulle qualifie par “année terrible” (11) le lobby prosioniste dans les chancelleries des différentes puissances et essentiellement aux USA -comme nous allons le voir- a pesé de tout son poids pour que les décisions du congrès sioniste dit de “Baltimore” soient réalisées. En effet, au mois de mai 1942, alors que les camps de concentration étaient pleins et les fours crématoires fonctionnaient à plein rendement, David Ben Gourion, se désintéressant totalement du drame des Juifs européens, a rassemblé l’essentiel de ses troupes à l’hôtel Baltimore à New York autour d’un mot d’ordre de “Commonwealth juif” en Palestine. Autrement dit pour la première fois, les sionistes parlent franchement d’un “Etat juif” et non plus d’un “foyer juif” comme le stipulait la déclaration Balfour.


Le dossier de la Palestine à l’ONU : l’injustice du siècle

Dès que les Britanniques ont commencé à se débarrasser du dossier de la Palestine, les discussions au sein des Nations Unies ont abouti à la résolution 106, votée le 15 mai 1947, et par laquelle une commission spéciale pour la Palestine fut créée : c’est l’UNSCOP (United Nation Special Commitee for Palestine). D’après la résolution, la commission avait les pouvoirs les plus étendus pour procéder à des enquêtes en Palestine et dans les endroits où elle le jugeait utile. Elle était composée de onze membres de divers pays et présidée par le Suédois Sadstroem.

Fin août 1947, la commission présenta son rapport à l’ONU dans lequel on distingue deux projets différents :

1/ Le projet qui a requis la majorité des voix de la commission, à savoir l’Australie, la Canada, le Hollande, la Suède, la Tchécoslovaquie, le Guatémala, l’Uruguay et le Pérou. Il repose sur trois suggestions :

a) La fin du mandat britannique,

b) Le partage de la Palestine en un Etat juif et un Etat arabe,

c) Préserver la zone de Jérusalem sous le patronage de l’ONU.

2/ Le deuxième projet, qui a requis les voix de la Yougoslavie, de l’Inde et de l’Iran, reposait sur deux recommandations :

a) Fin du mandat britannique,

b) Création d’un Etat fédéral dont la capitale serait Jérusalem et qui se composait d’un Etat arabe et d’un Etat juif.

Il est regrettable de constater que la commission onusienne n’a considéré le problème qu’en termes politiques où seule la volonté de certains dirigeants va être imposée à la population locale. L’incroyable inconscience a atteint son comble lorsque la majorité des représentants des pays ont rejeté le rapport de Dhafrallah Khan dans lequel il demandait le recours à l’arbitrage de la Cour Internationale de Justice. Mais, en fait, qui pouvait inverser le courant des événements, sur lesquels Russes et Américains -malgré leur opposition sur toutes sortes de questions- étaient parfaitement d’accord sur le partage de la Palestine ?

Et quel arbitrage juridique réclame-t-on alors que les jeux sont faits et qu’on est dans une situation bismarkienne où la force prime le droit ?

Dès la création de l’UNSCOP, le représentant de l’URSS aux Nations Unies, Andrei Gromyko, déclarait le 14 mai 1947 : « En raison des relations de plus en plus tendues entre Juifs et Arabes, le partage du pays en deux états indépendants s’impose » (12).

Du côté américain, les multiples interventions du lobby prosioniste au Congrès ont été à l’origine du fameux télégramme des 23 gouverneurs d’Etat en septembre 1947 au Président Harry Truman dans lequel ils confirment leur appui inconditionnel au plan de partage(13).

Ainsi, la décision de partage a été entérinée par les deux super-puissances qui sur le plan juridique n’ont eu aucune gêne à défier les notions les plus élémentaires du droit par leur refus de consulter les habitants même de la Palestine.

Pis encore, la décision de partage était non seulement injuste mais même provocatrice pour des Palestiniens qui représentaient à l’époque 70% de la population et auxquels on a donné 43,35% de leur pays. Quant aux sionistes, qui ne comptaient pas plus de 30% de la population, ils se sont vus offrir 56% du territoire de la Palestine. Le reste, c’est-à-dire 0,65% -représentant Jérusalem et ses environs- étaient considérées comme “zone internationale” devant être administrée par l’ONU. Décision que les sionistes n’ont jamais acceptée, ni appliquée sur le terrain.

Ainsi, depuis que la commission onusienne a tranché pour le partage, les pressions sionistes de tous bords et de toutes sortes n’ont pas cessé pour aboutir à l’élaboration de ce plan de partage injuste et ridicule.

Arriva, enfin, le moment fatidique du vote à l’Assemblée générale des Nations Unies. Afin d’éviter d’entacher la vérité historique d’une quelconque subjectivité, nous préférons céder la parole à différentes personnalités politiques occidentales de l’époque pour raconter les péripéties honteuses du vote. Commençons par le témoignage du membre du Congrès américain, Lawrence H. Smith, exprimé dans sa déclaration du 18 décembre 1947 devant le Congrès, soit vingt jours seulement après le vote du partage : « Jetons un regard sur les archives, Monsieur le Président, et voyons ce qui se passa à l’assemblée générale des Nations Unies durant la réunion précédant le vote de partage.

A deux reprises, l’assemblée allait voter et par deux fois, le vote fut remis. Il est évident que le prolongement du vote fut nécessaire, vu que les garants, les USA et l’URSS n’avaient pas les voix nécessaires. Il est rapporté de source sûre que pendant ce temps une forte pression fut exercée sur les délégués de trois petites nations par les membres de la délégation américaine et par de hauts fonctionnaires à Washington. Qu’advint-il finalement lors du 29 novembre ? Les votes décisifs furent ceux de Haïti, du Liberia et des Philippines. Ces votes suffirent pour remporter la majorité des 2/3. Auparavant, ces pays s’étaient opposés au partage. Les pressions exercées sur eux par nos délégués, par nos officiels et par des citoyens américains constituent un acte répréhensible à leur égard et au nôtre ». (14).

Ce que le membre du Congrès américain Lawrence Smith n’a pas osé évoquer, c’est la pression qui a été exercée sur la France. En effet, au cours du premier vote du 26 novembre l’attitude de la France était pour l’abstention. Comme ce fut le cas pour l’Angleterre. Trois jours plus tard, les dirigeants français ont carrément basculé du côté des pays qui ont voté pour le plan de partage. Du moment que la voix de la France n’était plus nécessaire pour atteindre les 2/3 des voix à cause du changement d’attitude du Libéria, de Haïti et des Philippines, Laurent Smith a évité sciemment devant le Congrès d’évoquer la France et d’irriter dans son allocution beaucoup de politiciens et d’intellectuels ainsi qu’une grande partie de l’opinion publique d’un pays allié -de surcroît membre permanent au Conseil de Sécurité- le présentant ainsi comme étant docile et obéissant au diktat américain lorsque ce dernier a brandi la menace de la sanction financière, à savoir l’exclusion de la France du plan Marshall ou même la diminution de sa part de cette manne. Sur le changement de cap de la politique française au cours du vote de partage de la Palestine une question s’impose : si le Général De Gaulle avait été encore au pouvoir, Léon Blum -de confession israélite- et ses amis prosionistes auraient-ils pu réussir à avoir tant d’influence sur les décisions stratégiques de la politique étrangère du gouvernement français ?

En tout cas, l’histoire a montré que, près de soixante ans après, le refus catégorique de Chirac de suivre les Américains dans leur aventure en Irak, la politique étrangère gaulliste n’a pas pris une seul ride. Le sera-t-elle encore ? Personne ne peut l’affirmer. Ce qui est étonnant dans l’affaire de la politique française face au vote, c’est le mutisme de beaucoup d’historiens et d’intellectuels de l’Hexagone. Là, je pense à un grand spécialiste du Moyen-Orient, Henry Laurens, auteur de “Le Grand jeu, Orient arabe et rivalités internationales”, de “Paix et Guerre au Moyen-Orient” et de “La Question de Palestine” en trois tomes.

La réponse nous vient de Frédéric Schillo qui écrit dans son livre “La France et la création de l’Etat d’Israël” : « L’inaccessibilité aux archives françaises concernant la Palestine et Israël dans les années 1947-1949 explique la rareté des études historiques. Aux archives du ministère des Affaires étrangères, les documents diplomatiques concernant le Levant ne sont pas ouverts. Aux archives nationales, nous n’avons pas reçu l’autorisation de consulter les papiers privés de Georges Bidault... La Fondation nationale des Sciences politiques nous a, d’autre part, ouvert les archives de Léon Blum conservées aux Archives nationales. Ces informations se sont avérées capitales pour définir le rôle et l’influence de Léon Blum sur la politique au moment des votes aux Nations Unies ».(15)

Si nous insistons sur l’attitude des dirigeants français lors du vote du partage de la Palestine, c’est pour rappeler à tous que le vrai esprit communautariste a été créé en France par certains Juifs français qui -grâce au slogan de “Peuple juif” (inventé par Théodore Hertzel, père du sionisme politique)- ne devaient d’allégeance et d’obéissance qu’aux directives de l’Agence juive (sorte de gouvernement israélien avant la lettre) et de l’organisation sioniste mondiale. Quant aux Musulmans français -à qui l’on vient à peine de reconnaître leur précieuse participation à la Première puis à la Deuxième Guerres mondiales- ils n’ont rien fait pour leurs coreligionnaires en Palestine et ne se sont jamais immiscés dans la politique française.

Revenons au vote de partage pour dire que les pressions sur les trois petites nations (Haïti, le Libéria et les Philippines) ont été confirmées avec un ton dénonciateur par certains journalistes. Ecoutons ce qu’écrit Drew Parson dans le Chicago Daily du 9 février 1948 « Une partie du peuple usa de son influence pour amener les votants à s’aligner. Harvey Firestone, possédant des plantations de caoutchouc au Libéria, agit auprès du gouvernement libérien. Adolphe Berle, Conseiller du président de Haïti, gagna le vote du gouvernement haïtien ». (16).

Quant aux responsables américains, d’après leurs propres av ?ux colligés à travers leurs écrits et leurs déclarations de l’époque, ils confirment tous l’intervention directe des hommes de la Maison-Blanche pour faire réussir le vote de partage et ne laissent aucun doute sur les différentes pressions américaines sur certains pays, pour les contraindre et les obliger par tous les moyens à voter pour le plan de partage. Commençons par le sous-secrétaire d’Etat Summer Welles qui affirmait sans ambages : « Par ordre direct de la Maison-Blanche, les fonctionnaires américains devaient user de pressions directes ou indirectes sur les pays non musulmans afin d’assumer la majorité nécessaire au vote final ». (17).

De son côté James Forester, ministre de la Défense ne pouvait pas cacher son angoisse devant de pareilles méthodes, confirmait les écrits de Sumner Welles : « Les méthodes utilisées pour faire pression et pour contraindre les autres Nations au sein des Nations Unies frolaient le scandale ». (18).

Robert Lovent, sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères a, de son côté, parfaitement décrit le mécanisme du processus pour aboutir au vote de partage : « Je n’ai jamais vu de ma vie une pression comparable à celle qu’exercent la Maison-Blanche et les amis du Président Truman au cours des Trois jours du vote de partage de la Palestine... à deux reprises, Truman me téléphona pour me notifier qu’il me tiendrait pour personnellement responsable au cas où le projet de partage ne réussirait pas à obtenir la majorité requise ».(19).

Dean Rusk, ex-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et qui était à l’époque directeur de la division des Nations Unies à ce ministère, avouait de son côté : « Je reconnais que plusieurs hauts fonctionnaires de ce ministère avaient effectué des démarches personnelles auprès d’un grand nombre d’ambassades étrangères accréditées à Washington dans l’espoir de convaincre leurs gouvernements de la nécessité de voter pour le projet de partage... Mais il ne fait pas de doute que l’opinion qui a eu cours au sujet de la décision de toute valeur morale en ce qu’elle la présente comme ayant été prise sans convictions par les délégations qui ont voté en faveur du plan de partage ». (20).

La pression du Département des Affaires étrangères américain sur certaines ambassades à Washington était si forte pendant les trois jours fatidiques, entre le 26 et le 29 novembre, qu’elle a coûté la place au ministre des Affaires étrangères des Philippines.

En effet, M. Carlos Romelo a été convoqué en urgence dans son pays par le président de la République. Romelo avait été un des champions de l’Union territoriale palestinienne et l’un des plus violents adversaires du projet de partage. L’argument qu’il avait toujours invoqué était que l’Organisation des Nations Unies n’avait pas le droit de partager un pays contre le gré de ses habitants arabes, qui représentaient à l’époque plus de 70% de la population totale. Il a été remplacé par l’ambassadeur des Philippines à Washington, qui avait convaincu son Président que la persistance de Romelo à refuser le projet de partage exposerait les intérêts des Philippines à des risques, prétendant qu’un groupe de sénateurs américains le lui avait affirmé.

Aux témoignages de cette pléiade de hauts responsables américains, il est important d’adjoindre celui du Président Truman qui n’hésite pas à reconnaître dans ses mémoires : « Je ne crois jamais avoir été soumis à une telle propagande et à une telle pression. L’obstination de quelques leaders sionistes mus par des motifs politiques m’embarrassa et m’ennuya. Certains allèrent même jusqu’à nous suggérer de faire pression sur des nations souveraines pour les amener à voter en leur faveur à l’assemblée générale ». (21).

En dehors de leur cadre historique et des circonstances qui les ont entourées, il serait difficile de comprendre les raisons de la soumission de Truman aux directives des personnalités sionistes et ses réponses favorables à leurs v ?ux.

Notons d’abord que sur le sionisme et la création de l’Etat d’Israël, le terrain a toujours été favorable en Angleterre et aux Etats-Unis sur la base de la foi.

Ecoutons à ce propos, Henry Laurens historien spécialiste de la question : « Cette idée est alors préconisée par des protestants anglo-saxons qui interprètent certains versets de l’Apocalypse de Saint Jean comme indiquant que la réalisation des prophéties, c’est-à-dire le Jugement Dernier, ne peut se faire que si l’ensemble du peuple juif est réuni en Terre Sainte pour se convertir collectivement au christianisme. Ce mouvement de pensée qu’on appelle actuellement le sionisme chrétien (Christian Zionism) est très influent dans les cercles dirigeants anglais et américains du 19ème siècle ». (22).

A cette acceptation facile -sur la base de la foi- de l’idéologie sioniste de la part de beaucoup de personnalités protestantes (calvinistes et non luthériens) viennent s’ajouter les données politiques. Dans cet ordre d’idées, force nous est de rappeler une vérité historique, à savoir que dès la fin du deuxième conflit mondial, la politique américaine concernant la Palestine et le Moyen-Orient a toujours subi l’influence des personnalités sionistes du monde de la presse, des finances, de la politique et autres. Jusqu’à nos jours, il est impensable aux USA qu’un candidat à la présidence refuse de passer par le filtre de l’AIPAC (American Israel Public Affaires Commitee).

Concernant Truman, l’année 1947 était une année préélectorale. Conscient de la puissance du lobby sioniste, capable de propulser au pouvoir n’importe quel politicien ou de le démettre, Truman n’hésitait pas à déclarer à un groupe de diplomates américains qui lui suggérait un peu plus d’équilibre dans sa politique au Moyen-Orient : « Je regrette, Messieurs, mais je dois répondre à des centaines de milliers de gens qui attendent le succès du sionisme ; je n’ai pas de centaines de milliers d’Arabes parmi mes électeurs ». (23)

Truman, candidat démocrate, dont la popularité était nettement inférieure à celle de son rival, le républicain Thomas Dewey, savait que sa seule chance pour vaincre consistait à jouer à fond la carte sioniste. Ainsi, sa réélection en 1948 a été pour la plupart des observateurs, la surprise politique du siècle aux USA. Dans un article du journal le Monde intitulée “Ll’élection surprise de Harry Truman”, Henri Pierre a parfaitement décrit les causes de cette élection surprise (24).

C’est donc dans ce contexte historique où le soutien au sionisme et au plan de partage de la Palestine constituait un enjeu de taille dans l’élection présidentielle aux Etats-Unis, que l’Assemblée générale des Nations Unies a “voté” aux 2/3 de ses membres pour le partage de la Palestine sans qu’aucun geste concernant ses citoyens n’ait été fait. Et c’est ainsi que le document A519, connu sous l’appellation de résolution 181, a vu le jour. Il a donné naissance à un Etat juif et un Etat arabe (appellation de l’ONU) limités par des frontières.

Nonobstant cette injustice, les différents leaders sionistes ne se sont jamais contentés des 56% de la Palestine. Après le déferlement de la vague de terreur inaugurée par le massacre de Deïr Yassine (9-4-1948), voilà ce que Ben Gourion déclarait à propos des frontières de ce jeune Etat : « Nos frontières se sont étendues, nos forces armées se sont multipliées, nous ne pouvons donc que tenir ce que nous avons pris » (25).


Déception et arrogance

Ainsi décrite, l’attitude américaine dans le partage de la Palestine ne peut soulever chez tout observateur que l’amertume et la déception.

En effet, comment peut-on expliquer qu’au moment où l’humanité n’a pas fini de panser ses blessures du fait du drame du deuxième conflit mondial, les Etats Unis, qui ont largement contribué à la victoire sur les régimes dictatoriaux sanguinaires, se permettent de créer d’autres injustices pourvoyeuses d’autres drames, en arrachant au peuple palestinien -où Juifs, Chrétiens et Musulmans ont vécu en symbiose pendant des siècles- 56% de sa terre pour les donner à des Juifs venus des quatre coins de la planète à titre de compensation et d’indemnisation de ce que d’autres Occidentaux leur ont fait subir. Les efforts américains, qui ont succédé à ceux du Royaume-Uni dans la création de l’Etat d’Israël, cachent à peine la volonté des dirigeants politiques de ces deux pays de se débarrasser de leurs Juifs. Donc d’un antisémitisme patent dans leurs esprits. Ecoutons ce qu’écrit l’historien Dominique Vidal : « Les Autorités des Etats Unis ne distribuent les visas qu’au compte-goutte. Entre 1940 et 1948, elles n’ont accepté en tout et pour tout que 57.000 Juifs européens »(26).

Quant à l’arrogance, elle est due à l’attitude de beaucoup d’hommes politiques américains qui ne cessent de critiquer haut et fort l’état des Droits de l’Homme et le manque de démocratie en Chine, en Russie, dans les pays arabes et autres alors que les témoignages, d’universitaires américains de haut niveau ne cessent de se multiplier pour prouver à tous que la qualité des Droits de l’Homme et celle de la démocratie sont loin d’être meilleures aux USA qu’ailleurs du fait de la mainmise du lobby prosioniste sur tous les rouages de la politique étrangère américaine, de la fabrique de l’opinion publique (expression de Noam Chomsky) au déclenchement des guerres.

Et quand une lueur d’espoir visant à atténuer le calvaire du peuple palestinien et émanant des dirigeants américains, des hommes libres d’outre -Atlantique n’hésitent plus à informer l’humanité sur la réalité politique de leur pays : « Les forces pro-israéliennes aux Etats-Unis, écrivent Walt et Mearsheimer, ont mis l’administration américaine et notamment la secrétaire d’Etat dans l’impossibilité de pousser le gouvernement Olmert vers la paix. A la Maison-Blanche, le principal obstacle à toute forme de pression significative sur Israël est Elliott Abrams. Sa tâche est cependant facilitée par deux puissantes figures du néo-conservatisme qui travaillent pour le vice-président, John Hannah et David Wurmser ». (27).

Si nous avons tenu à lier un évènement historique -qui est le partage de la Palestine- à l’actualité politique, c’est par conviction que l’histoire devrait être un des moyens d’évaluation, un des multiples supports de toute analyse politique. « L’histoire, écrit H. Carr, inspirée de la pensée de Benedetto Croce, consiste essentiellement à voir le passé avec les yeux du présent, et le principal travail de l’historien n’est pas d’enregistrer mais d’évaluer » (28).

La crédibilité de la politique étrangère américaine est directement tributaire du système de lobbies, essentiellement du lobby pro-sioniste qui met les intérêt d’ Israël avant ceux du peuple américain.


Notes :

1- The decadence of Judaïsm in our time par Moshe Menuhim p324 cité par Roger Garaudy l’Affaire Israël p28, Ed. Papyrus
2- Elie Barnavi (historien israélien et ex-ambassadeur d’Israël à Paris) cité par Dominique Vital dans le “Peché original d’Israël” p29, Ed l’Atelier.
2- bis - “La France et la création d’Israël”. Frederique Schillo, Ed Art com. P 89.
2- tierce - La guerre de 1948 en Palestine. Ilan Pappé (historien israélien) Ed, la Fabrique p14.
3- Nathan Weinstock dans “Sionisme contre Israël” Menuhi p324 cité par Garaudy Affaire Israël p89.
4- Le monde juif n°5 Janvier 1947 cité par Bichar Khedher dans “Histoire de la Palestine ; tom 3 p95.
5- Une question d’historiographie : L’attitude de Ben Gourion à l’égard des Juifs d’Europe à l’époque génocide par Dina Porat paru dans Historiographie israélienne aujourd’hui. Florence Heyman et Michel Abitbol, Ed. CNRS p115.
6- Les dossiers de l’histoire n°2 p65 cité par Bichar Khedher dans histoire de la Palestine tome 3 p94.
7- Jean Pierre Alain cité par Bichar Khedher Histoire de la Palestine tom 3 p138.
8- La question de Palestine deuxième tome, Henry Laurens, Ed Fayard p559.
9- Le plan de Bataille du Général Marshall, Remi Kauffer Historia n°726 de juin 2007.
10- Le Peché Orignél d’Israël, Dominique Vidal, Ed l’Atelier p37.
11- Péché Orignal d’Israël p31
12- A qui appartient la Palestine, cité par Bichar Khedher, l’Histoire de la Palestine. Tome 3 p 104.
13- Histoire de la Palestine, tome 3 p114.
14- “La France et la création de l’Etat d’Israël” par Frederique Shillo. Ed Art Com p6.
15- Idem
16- Histoire de la Palestine, tome 3 B. Khedher p132 - Affaire Israël Roger Garandy, Ed Papyrus p66.
17- Palestine terre des messages divins, Garandy, Ed Albartros p26. Histoire de la Palestine tome 3 p138 B. Khedher.
18- Palestine, terre des messages divins p138.
19- Voici la Palestine - Hussein Triki, Ed STD p157.
20- Voici la Palestine, p158.
21- Memory By Harry Truman cité par Alan Taylo “Esprit Sioniste” p131.
22- “Le Grand Jeu, Orient arabe et rivalités internationales” Henry Laurens, Ed Armand Colin p56.
23- William Eddy, F. D Roosvelt meets Ibn Saoud, Ny Américan Friends of the Middle East 1954 p37 cité par .R Garaudy “Palestine, terre des messages divins” p257.
24- L’Election surprise de Harry Truman par Pierre Henri le Monde du 30-10-1988.
25- Histoire de la Palestine, B. Khedher tome 3 p171.
26- Le Peché original d’Israël. Dominique Vidal, Ed de l’Atelier p30.
27- Le lobby pro-israélien et la Politique étrangère américaine” John Mearsheimer et Stephen M. Walt, Ed la découverte p244.
28- La guerre de 1948 en Palestine, Ilan Pappé p9 (historien Israélien)

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- 1948 : les Palestiniens devaient-ils accepter le plan de partage ?, par Elias Sanbar

Ali Menjour - Réalités Online, le 29 novembre 2007


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