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L’État d’Israël va-t-il bientôt disparaître ?

dimanche 2 décembre 2007 - 07h:11

Mauro Manno

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Trop de gens, ces derniers temps, parlent de la possibilité que l’Etat d’Israël ne disparaisse dans les années qui viennent. Le premier a été Ahmadinejad, le président de la république islamique d’Iran, qui affirma il y a quelque années qu’Israël « disparaîtra des pages du temps » (et non pas, comme le racontent avec malveillance les sionistes et leurs amis : « ... sera effacé de la carte géographique »). La seconde version de la phrase du président iranien offre l’opportunité aux sionistes et à leurs scribes amis de ressasser l’habituelle rengaine qu’Ahmadinejad est « le nouvel Hitler », qu’il veut la bombe atomique pour faire un « nouvel holocauste » juif, et autres sottises du même genre.

Ahmadinejad a réaffirmé une fois de plus sa position le 29 novembre de cette année. Cette fois, il semble que ses paroles ont été « Il n’est pas possible qu’Israël dure » (télé vidéo de Mediaset, 29 nov. 2007, www.tgcom.it ). Ces mots ont immédiatement été amplifiés par cette même télé vidéo Mediaset (la chaîne appartient à S. Berlusconi, ndt) en : « Israël disparaîtra » et ont, évidemment, été qualifiés de « menaces ». Mais cela fait partie du jeu des scribes amis (sionistes, ndt) et nous y sommes habitués.

Il y a quelque mois, ce fut la ministre des Affaires étrangères israélienne Tzipi Livni qui parla du danger de disparition que court Israël à cause de ses problèmes internes : la démographie, les divisions internes entre différentes communautés et l’occupation.
Tzipi Livni manifesta ensuite sa préoccupation que le monde ne finisse par refuser le concept de « légalité d’Israël comme état juif ». Nous fîmes alors un commentaire de ses craintes dans l’article consultable à : http://www.pasti.org/manno3.html .

Aujourd’hui c’est le Premier ministre Olmert lui-même qui s’avère préoccupé. Un article du journal britannique The Guardian rapporte ses préoccupations (State of Israël could disappear, warns Olmert, de Mark Tran.)

Que dit Olmert ? Le Premier ministre israélien évoque le spectre de la désintégration de l’Etat juif si l’on n’arrive pas à la solution des « deux états » avec les Palestiniens. Faisant un parallèle avec la fin du régime sud-africain d’apartheid (c’est lui qui l’a fait cette fois, pas moi !), Olmert a mis en garde ses opposants : « Si arrive le jour où la solution des deux états s’écroule, et que nous nous retrouvons face à une lutte dans le style de celle de l’Afrique du Sud, où les Palestiniens nous demandent le même droit de vote que ce que nous avons, nous, alors, dès que cela arrivera, l’Etat d’Israël aura fini d’exister ».

Le danger est celui que la lutte des Palestiniens pour des droits égaux dans un état unique Israël/Palestine finisse par recueillir beaucoup plus de consensus que n’en recueillent aujourd’hui les Palestiniens avec leurs revendications. La chose serait plus grave encore pour Olmert si de nombreux juifs de la Diaspora se rangeaient pour la démocratie et l’égalité des droits entre juifs et Palestiniens.

Il se déclare certain que « les organisations juives, qui ont - sont ? la base de notre pouvoir en Amérique (ah, pro-sionistes si prompts à l’accusation d’ « antisémitisme », c’est Olmert qui dit cela, il est en train de parler du lobby juif en Amérique ! Vous l’avez entendu ? Note de l’auteur) seront les premières à se retourner contre nous, (...) parce qu’elles nous diront qu’elles ne peuvent pas soutenir un état qui ne pratique pas la démocratie et n’applique pas un droit de vote égal pour tous ses résidents ».

Olmert a souligné qu’il avait déjà dit des choses de ce genre dans une interview il y a quatre ans. « Depuis lors, j’ai systématiquement répété ces choses ». Olmert craint que ses ennemis ne « disent qu’en ce moment, j’ai beaucoup de problèmes (les scandales pour corruption etc., nda) et que c’est pour cette raison que j’essaie de réaliser la solution des deux états. Mais il faut affronter les faits correctement ».

Un des nombreux problèmes internes auxquels Israël doit faire face pour sa survie est le problème démographique. Aujourd’hui, à l’intérieur de l’entité sioniste, dite aussi « état juif », il y a une population mixte : d’un côté les juifs de l’autre les Palestiniens. Tandis que les Palestiniens représentent une communauté compacte et homogène, et il ne pourrait en être autrement car ce sont les habitants originaires du pays, les juifs, paradoxalement, sont divisés et désunis justement parce qu’ils sont une population rassemblée un peu de bric et de broc, provenant de diverses parties du monde.

Les Palestiniens d’Israël (que les Israéliens continuent à appeler « arabes » israéliens parce qu’ils ne veulent pas utiliser le mot « Palestiniens ») représentent plus d’un cinquième de la population et gagnent des positions d’année en année car ils ont une croissance démographique plus rapide que celle les juifs de Palestine (rendons la politesse).
Ces derniers représentent certainement plus de 70% de la population mais sont constitués :

— 1) des juifs ashkénazes, les fondateurs du mouvement sioniste et d’Israël, et proviennent de l’est de l’Europe,
— 2) des juifs sépharades que les ashkénazes ont attiré depuis des pays arabes, bon gré mal gré, pour en faire des ouvriers agricoles dans les terres que les ashkénazes avaient volées aux Palestiniens,
— 3) des juifs russes d’immigration récente, en grande partie déjudaïsés et parfois convertis au christianisme ou athées - donc pas vraiment juifs. (Au sens de la Loi juive, la Halakha, reste juif qui est juif, c’est-à-dire né d’une mère juive ou converti, qu’il soit chrétien, musulman, athée ou tout ce qu’on veut par la suite, ndt), car ils sont passés par le régime soviétique. De nombreux « juifs » russes ont émigré en Israël pour des raisons économiques et non par amour du sionisme.

Les contradictions entre ces trois communautés « juives » sont assez nombreuses. Par ailleurs, elles ne sont pas les seules parce qu’il y a aussi d’autres minorités (les Falachas, les juifs d’Europe de l’ouest et des Etats-Unis, qui sont souvent des sionistes acharnés ou des colons, etc.) Il y a enfin la grande et dangereuse division (pour Israël, naturellement) entre juifs orthodoxes et laïcs.

Mais laissons ces divisions internes aux juifs d’Israël et revenons à ce qu’Olmert, à juste titre, considère comme le danger principal aujourd’hui. Les Palestiniens d’Israël. Si la séparation entre Israël et un état palestinien ne se réalise pas aujourd’hui, il y a le risque (pour l’état juif) que les Palestiniens des Territoires occupés ne s’engagent dans une lutte pour une égalité des droits dans un seul état. Les juifs de la Diaspora (pas le lobby, pas les organisations juives, comme dit Olmert) se sentiraient obligés de soutenir la lutte pour la démocratie et Israël pourrait perdre « la base de son pouvoir en Amérique ».

Israël deviendrait un état sans majorité juive, parce que, en additionnant les Palestiniens d’Israël et ceux des Territoires occupés, la majorité serait palestinienne. Adieu état « juif » ! Arrivés à ce point, même l’unité artificielle qui tient unies les différentes communautés juives d’Israël volerait probablement en éclats, et de nombreux juifs émigreraient vers leurs pays d’origine ou vers l’Europe et les Etats-Unis. Israël redeviendrait Palestine, mais, cette fois, avec une forte minorité juive en son sein. Rien de terrible « étant donné que les juifs sont une minorité dans tous les pays où ils vivent. Et qu’ils ne s’en tirent pas si mal, après tout.

Voilà le problème, et la solution, pour Olmert, serait... Annapolis.

Le Premier ministre israélien a déclaré que la Conférence d’Annapolis « a satisfait les attentes israéliennes plus que ce que les Israéliens n’en attendaient, mais cela ne nous libérera pas des difficultés qu’il y aura dans les négociations, qui seront complexes et difficiles, et requerront une grande patience et de la sophistication ». Pourtant, a reconnu Olmert, Abbas « est un partenaire faible, qui n’est pas capable et, comme dit Blair, doit encore forger ses instruments et pourrait ne pas savoir le faire ». Mais Olmert se fait rassurant : « C’est mon devoir de faire en sorte qu’il arrive à se procurer ces instruments et comprenne les lignes de direction pour parvenir à un accord ».

Quels sont ces fameux instruments dont parlent Blair et Olmert ? Je crois que tous les deux font référence aux instruments de répression pour battre le Hamas. Les efforts israéliens à ce sujet sont évidents et déjà fonctionnels. Olmert libère des soutiens d’Abbas par centaines et emprisonne et tue des membres du Hamas, y compris les membres du parlement palestinien. Sans un mot de Abbas, du Fatah et de l’Occident. Les instruments pourraient aussi être politiques, à savoir ceux qui pourraient battre dans des élections ou dans un référendum les positions du Hamas, et faire gagner la ligne collaborationniste de Abbas. Ces instruments politiques - Blair a raison- Abbas pourrait ne jamais arriver à les fabriquer. A cause surtout d’Israël et du lobby sioniste étasunien ; en dernière analyse à cause de la nature du sionisme.

Voyons pourquoi. Le sionisme a toujours eu pour objectif la conquête de toute la Palestine, à garder exclusivement pour les juifs. Pour ce faire, l’expulsion de la majorité au moins des Palestiniens était nécessaire. Israël est arrivé à en expulser 750.000 en 1948 et quelque autres centaines de milliers ensuite, en 1967. Cependant, en Palestine, les Palestiniens restent encore la majorité. Que faire ? L’espoir de tous les expulser n’a jamais cessé et certains politiciens israéliens (Lieberman) le manifestent encore âprement.

Mais ce n’est pas facile. On pourrait cependant arriver à atteindre un double accord, avec les Palestiniens et avec les pays arabes. Avec les Palestiniens, en imposant un « état » palestinien semblable aux bantoustans que l’Afrique de l’apartheid a essayé, sans y arriver, d’imposer aux noirs Africains. Avec les pays arabes, on pourrait essayer d’imposer l’absorption d’une grande partie des réfugiés palestiniens (5 millions aujourd’hui) de façon à ce que ceux-ci arrêtent de revendiquer leur droit au retour dans les maisons et les villages dont ils ont été chassés.

Le tout à l’intérieur d’une coopération économique et d’une « intégration de l’état juif » dans le Moyen-Orient arabe et musulman. Abbas pourrait être l’homme juste pour favoriser ce double accord qui sauverait Israël. D’un côté, il ferait disparaître le cauchemar de devoir intégrer des millions de Palestiniens dans un minimum de territoire (4 réserves ou bantoustans) proclamé « Etat palestinien », en laissant aux Israéliens 80% des Territoires occupés.

Enfin, il réduirait le danger représenté par les réfugiés, dont une partie (combien ?) pourrait « revenir » dans l’ « Etat palestinien » et une autre pourrait être absorbée par les états arabes, enfin devenus amis et partenaires économiques d’Israël. Mais il reste encore un avantage inavoué. Si l’état palestinien naissait, qu’est-ce que le million et 300.000 Palestiniens d’Israël resteraient faire dans l’état juif ? On pourrait les déporter (pardon, il faut dire « transférer ») dans leurs bantoustans, c’est-à-dire dans leur « état ». Le compte est bon. Ou non ?

Le sionisme n’a pas changé sa nature raciste et déportationniste. Il a simplement adapté ses tactiques à la nouvelle situation. Mais le plan va échouer.

Ceux qui vont le faire échouer, les premiers, ce sont les colons, les orthodoxes, les souteneurs du sionisme le plus intransigeant, sans oublier le lobby sioniste étasunien, plus dangereux et plus sioniste que l’état d’Israël. Ceux-là veulent toute la Palestine, tout Jérusalem, tous les Territoires occupés. Ils n’acceptent aucun ajustement tactique.

Ensuite il y a les Palestiniens et le Hamas. Les Palestiniens accepteront-ils de renoncer à de futures portions de leur terre ? Accepteront-ils de se laisser parquer dans quelques grands camps de concentration enceints de murs et barbelés ? Et les Palestiniens d’Israël accepteront-ils de se laisser déporter ? Qu’arrivera-t-il ?

Abbas, le traître, va mal finir. Déjà certains membres du Fatah passent du coté du Hamas, et avec des élections ou avec d’autres moyens, le Hamas va finir par conquérir aussi la Cisjordanie. Les Palestiniens seraient alors en condition de modifier leur lutte en passant de l’objectif de deux états à celui d’une seule Palestine, libre, démocratique, non raciste et multiethnique. Un seul état, exactement comment le craignent Olmert et ses amis du lobby. Il est clair désormais que la politique des « deux états » appartient entièrement à la logique sioniste. En particulier la logique sioniste des pragmatiques ashkénazes d’Israël.

Mais ceux-ci sont désormais minoritaires à cause des logiques des sionistes ultra idéologiques ou des religieux fanatiques messianistes, toutes les deux soutenues par l’argent et les trames politiques aux Etats-Unis du lobby sioniste. La politique des « deux états » doit être rejetée complètement par les Palestiniens parce que c’est la vision de l’ennemi. Si l’on poursuit par contre cet objectif d’un seul état démocratique pour Juifs et Palestiniens, de la façon dont l’ont fait l’ANC et le peuple noir d’Afrique du Sud, alors on frappe vraiment en plein c ?ur la seule possibilité de salut qui reste à l’entité sioniste, comme l’ont compris Tzipi Livni, Shimon Peres et Olmert. Et comme l’avait compris Sharon, le bourreau.

La fin du sionisme et d’Israël serait un bien pour l’humanité entière et une grande aide pour les juifs eux-mêmes, qui pourraient saisir cette opportunité d’en finir avec l’exclusivité et le sens de supériorité raciste de certains d’entre eux, devenant ainsi des citoyens libres parmi les citoyens libres du monde.

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Mauro Manno

Mauro Manno est enseignant (anglais), traducteur et essayiste. Il est l’auteur de "La natura del sionismo", décembre 2006.

Sur un thème proche :

- Le ghetto palestinien : vers la fin du sionisme ?, par Alain Joxe (Cirpes)

Du même auteur :

- "Débarquement d’immigrés, six cadavres retrouvés. Les clandestins sont Palestiniens"
- Sionisme - Lettre ouverte au Président de la République italienne

Mauro Manno, le 30 novembre 2007
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio


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