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Annapolis offre aux Libanais un général-président

jeudi 29 novembre 2007 - 17h:57

Alain Campiotti - Le Temps

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La majorité pro-occidentale abandonne ses objections contre Michel Souleiman, le chef de l’armée. Printemps syro-américain ?

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Le commandant en chef de l’armée libanaise Michel Souleiman (Ph. Keystone)

Annapolis ne fera pas de sitôt la paix au Proche-Orient. Mais le raout du Maryland va peut-être donner un président au Liban. Un général-président. La majorité pro-occidentale qui gouverne à Beyrouth a décidé, un jour après la conférence, de ne plus s’opposer à la candidature du Michel Souleiman, le commandant de l’armée, au poste de chef de l’Etat. La réunion de l’Assemblée nationale, convoquée vendredi pour élire le président, sera sans doute encore reportée, pour la sixième fois. Il faudra encore quelques jours pour serrer les boulons politiques autour du nom de général, que le Hezbollah ne rejette pas. Et la Syrie non plus.

Le revirement du Mouvement du 14 mars (la majorité dirigée par Saad Hariri, le fils de l’ancien premier ministre libanais assassiné en février 2005) est le plus clair signe que quelque chose a bougé à Annapolis, pas encore entre Israéliens et Palestiniens, mais entre la Syrie, qui a décidé in extremis de participer à la conférence, et les Etats-Unis. La presse très contrôlée de Damas a soudain changé de ton. Elle parlait de la région comme le fait le président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Soudain, elle affiche un intense désir de paix, autour de la récupération, ardemment désirée, du plateau du Golan occupé depuis quarante ans par Israël. Le ministre iranien des Affaires étrangères et le chef du Hamas, Khaled Meshaal, qui vit à Damas, ont été informés de ce glissement dans les priorités.

Retouche constitutionnelle

Au début des années1990, au moment de la guerre du Golfe, Américains et Syriens avaient déjà eu un moment d’alliance pragmatique, scellée déjà autour du Liban. Les accords de Taef, l’arrangement sous lequel les Libanais ont vécu depuis lors, étaient aussi une reconnaissance de la tutelle syrienne sur le Pays du Cèdre.

Michel Souleiman, s’il est élu président, ne sera pas un instrument de Damas comme l’était son prédécesseur, Emile Lahoud, que le suzerain du nord avait imposé dans le palais de Baabda. Mais les Syriens l’acceptent, et ils l’ont dit depuis longtemps.

Les alliés des Etats-Unis (les sunnites, une partie des chrétiens et les Druzes) ne voulaient pas du général, sous prétexte que sa candidature nécessitera un amendement à la Constitution : un haut fonctionnaire, civil ou militaire, ne peut devenir président que deux ans après avoir quitté ses fonctions. Or Souleiman est encore chef de l’armée. Désormais, ils acceptent la retouche, qui n’est pas une nouveauté dans la vie institutionnelle libanaise. Mais si les majoritaires repoussaient la candidature du général, c’est qu’ils voyaient en lui un autre sous-marin syrien. N’avait-il pas été nommé à son poste par Emile Lahoud, pendant la tutelle de Damas ? Et son beau-frère ne fut-il pas le porte-parole d’Hafez al-Assad, le président syrien décédé ?

En fait, dans la période récente, Michel Souleiman a surtout montré de l’indépendance. En 2005, au moment de la révolution du Cèdre, il a refusé de réprimer les manifestations anti-syriennes qui ont précédé le départ des troupes de Damas. Mais il a aussi protégé le président Lahoud, en position soudain inconfortable. Au début de cette année, il n’a pas accepté que l’armée soit utilisée contre les démonstrations anti-gouvernementales du Hezbollah et des fidèles de Michel Aoun. L’an passé, après la guerre de l’été entre le Parti de Dieu et Israël, le commandant a déployé son armée dans le sud, en précisant que sa mission n’était pas de désarmer le Hezbollah, avec lequel il a du coup de bonnes relations.

Enfin, le général Souleiman a acquis une stature nationale en écrasant l’été dernier les centaines de combattants du mouvement djihadiste Fatah al-Islam retranchés dans le camp palestinien de Nahr al-Bared, au nord de Tripoli. Mission délicate. Le Hezbollah n’était pas chaud, parce que le gouvernement dont il voulait la chute donnait les ordres. Les sunnites étaient angoissés parce que les combattants suicidaires de Nahr al-Bared l’étaient aussi. Finalement, une sorte d’unité nationale s’est faite, contre la fureur djihadiste, autour de l’armée, dont l’affrontement révélait par ailleurs la faiblesse.


Du même auteur :

- Pourquoi Damas a choisi d’aller à Annapolis
- Le Liban sans président
- La grande cassure des chrétiens libanais

Alain Campiotti - Le Temps, le 29 novembre 2007


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