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Israël-Usa : relations hors-normes

jeudi 15 novembre 2007 - 05h:20

Ahmed Loutfi - Al Ahram

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Des voix s’élèvent pour souligner que l’Etat hébreu est devenu un fardeau stratégique pour l’Amérique. Mais le lobby pro-israélien s’apparentant à une organisation tentaculaire foisonnée de luttes d’intérêts politiciens fait taire toute critique.

La secrétaire d’etat américaine Condoleezza Rice et d’autres hauts responsables peuvent être convoqués pour déposer devant un tribunal dans une affaire d’espionnage mettant en cause des lobbyistes pro-israéliens, selon la décision prise par un juge fédéral américain.

Le juge T. S. Ellis, du Tribunal fédéral d’Alexandria (Virginie, est), a autorisé les avocats de Steven Rosen et Keith Weissman, d’anciens lobbyistes de l’American Israeli Public Affairs Committee (AIPAC), le principal lobby juif à Washington, à convoquer Mme Rice, ainsi que le conseiller présidentiel américain à la sécurité nationale, Stephen Hadley.

L’information n’a pas fait beaucoup de remous aux Etats-Unis à l’heure où l’on voit tous les services de sécurité et de renseignements tout le temps au qui-vive pour scruter les horizons hostiles, mais à condition qu’ils soient ailleurs, notamment dans le monde arabe. Une fois de plus, ces relations si spéciales entre Washington et Tel-Aviv sont mises en exergue.

Mais cette fois-ci, le contexte est doublement dangereux.

D’une part, on est à la veille de cette conférence d’Annapolis que l’on veut une chance pour résoudre le problème palestino-israélien et, d’autre part, Tel-Aviv s’active de plus en plus pour pousser Washington à en découdre avec l’Iran pour son nucléaire. De quoi susciter bien des réactions au sein même des Etats-Unis.

Trente sénateurs américains ont écrit jeudi au président George W. Bush pour affirmer qu’il n’avait pas l’autorité pour lancer une intervention en Iran et exprimer leurs inquiétudes au sujet de la rhétorique « provocatrice » de l’Administration. Les sénateurs, 29 démocrates et un indépendant, dont la candidate à l’élection présidentielle Hillary Clinton, exhortent à parvenir à la résolution du conflit par la voie diplomatique.

« Nous voulons souligner qu’aucune autorisation parlementaire n’existe pour une intervention militaire unilatérale contre l’Iran », écrivent-ils. La lettre stipule qu’une résolution passée au Sénat en septembre, qui appelle à la désignation des Gardiens de la révolution iraniens comme groupe terroriste, ne devrait pas servir de prétexte à une guerre. Le texte fustige les « déclarations et actions provocatrices » de l’Administration sur l’Iran, après les propos de M. Bush mettant en garde contre le danger d’une troisième guerre mondiale si l’Iran possédait l’arme nucléaire.

« Ces déclarations sont contre-productives et minent les efforts pour résoudre les tensions avec l’Iran par la diplomatie », poursuit le document, coordonné par le sénateur de Virginie (Est) Jim Webb. D’ailleurs, les choses peuvent aller loin dans ce contexte. Des sources militaires à Washington estiment que l’existence de 3 000 centrifugeuses en Iran pourrait signifier pour Israël un « point de bascule » déclenchant une frappe aérienne.

Le Pentagone est réticent à l’idée d’une action militaire contre l’Iran mais les officiels américains jugent que pour Israël, c’est « autre chose ». En fin de compte, cette logique américaine jusqu’auboutiste reste donc dans un contexte pro-israélien que défend un lobby qui décide de tout mais qui, somme toute, est devenu quasiment un fardeau stratégique pour Washington.

Dans l’intérêt pur de Tel-Aviv

Un fait qu’on ne peut que constater mais comment y réagir ?

En fait, on parle beaucoup de ce lobby tant et si bien que pour les différents cercles et personnalités, notamment arabes, il s’agit d’un fait accompli contre lequel on n’y peut rien. Un vrai rouleau compresseur qui trace la voie en faveur d’Israël. Parfois même c’est presque un mythe : le lobby pro-israélien en Amérique. On l’a souvent surnommé lobby juif ou lobby sioniste.

Mais John J. Mearsheimer, de l’Université de Chicago et de Stephen M. Walt, Université de Harvard, auteurs d’une étude publiée en mars 2006 et intitulée « Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine », ont choisi plutôt cette appellation pour démontrer qu’il s’agit en fait d’un groupe d’influence qui agit directement selon les intérêts d’Israël et non pas pour défendre un rassemblement ou une communauté au sein des Etats-Unis à l’exemple d’autres lobbies.

Cette recherche a brisé un tabou, parce que, comme le souligne Emad Gad, directeur en chef d’Israeli Digest, publié par le Centre d’études politiques et stratégiques d’Al-Ahram, dans la préface de la traduction arabe de ce texte, les auteurs étaient et restent au-delà de tout soupçon aux Etats-Unis. Ce sont des Think Tank qui ont été les maîtres à penser d’une partie de l’élite politique américaine, dont des responsables du département d’Etat s’occupant du Moyen-Orient. Difficile donc de les accuser d’antisémitisme ou autre bien que cela ait eu lieu quand même.

Le document a donc fait des remous aussi parce que les auteurs, toujours comme le précise Gad, partent du point de vue de l’intérêt national américain et trouvent que ce lobby met en danger les intérêts américains et même israéliens. L’argumentation des auteurs est simple et directe, d’où leur crédibilité puisqu’ils n’ont recours à aucune sorte de discours emprunté et relèvent tout le temps l’actualité et les faits tels qu’ils sont.

Ainsi, d’entrée de jeu, les auteurs mettent en exergue cette exception israélienne aux Etats-Unis. S’il y a unanimité dans ce pays, elle est sur Israël ... « il est un sujet sur lequel - là aussi, on peut en être certain - les candidats parleront d’une seule voix.

En 2008, tout comme au cours des précédentes années électorales, des candidats sérieux à la magistrature suprême ne ménageront pas leurs efforts pour faire savoir leur engagement personnel vis-à-vis d’un pays étranger - Israël - ainsi que leur détermination à maintenir un soutien américain indéfectible à l’Etat hébreu ». Et de préciser : « Il n’y a aucune chance pour que les candidats critiquent réellement Israël ou suggèrent que les Etats-Unis devraient adopter une politique plus impartiale dans la région ».

Chanter les gloires d’Israël

Les citations des auteurs sont bien claires à cet égard. A titre d’exemple, l’ancien gouverneur du Massachusetts, Mitt Romney, qui était dans un congrès à Israël, a dit « se trouver dans un pays qu’il aime avec des gens qu’il aime » et, se disant conscient des inquiétudes d’Israël face à l’hypothèse d’un Iran nucléarisé, a proclamé : « Il est temps que le monde exprime trois vérités : 1) il faut que l’Iran cesse ; 2) on peut faire cesser l’Iran ; 3) nous ferons cesser l’Iran ! ».

On sait que l’Iran nucléaire est le principal alibi israélien dans sa politique où il tente d’engager Washington à une guerre qui pourrait être même nucléaire contre Téhéran. La classe politique américaine est donc en grande partie gagnée par cet argument. Et là on ne peut évoquer les différences entre Républicains et Démocrates sur laquelle d’aucuns tablent, malheureusement même dans les pays arabes.

Ainsi, le sénateur républicain de l’Arizona John McCain est cité déclarant : « Lorsqu’il s’agit de la défense d’Israël, on ne peut tout simplement pas transiger ». La sénatrice démocrate de l’Etat de New York, Hillary Clinton, s’est exprimée devant la section locale de l’AIPAC, déclarant qu’« en ces temps de grande difficulté et de grand péril pour Israël, il est indispensable que nous soyons fidèles à notre ami et allié, ainsi qu’à nos propres valeurs. Israël est un phare qui montre le chemin dans une région ravagée par les méfaits du radicalisme, de l’extrémisme, du despotisme et du terrorisme ».

L’un de ses rivaux à l’investiture démocrate, le sénateur de l’Illinois, Barack Obama, s’est adressé à des membres de l’AIPAC à Chicago un mois plus tard. Obama, qui avait exprimé sa solidarité envers les Palestiniens et brièvement évoqué leur « souffrance » lors d’un déplacement de campagne en mars 2007, s’est livré à un éloge sans équivoque d’Israël et a bien fait comprendre qu’il ne ferait rien pour changer les relations israélo-américaines.

Les causes d’un parti pris

Cette passion pro-israélienne s’explique-t-elle de manière logique ? Les auteurs posent la problématique. Pour certains, la réponse est qu’Israël est un atout stratégique fondamental pour les Etats-Unis et, en particulier, un partenaire indispensable dans la « guerre contre le terrorisme ». D’autres répondront que de solides raisons d’ordre moral justifient d’apporter un soutien inconditionnel à Israël, car c’est le seul pays dans cette région à « partager nos valeurs ».

Mais aucun de ces arguments « ne résiste à un examen impartial », soulignent les auteurs. Et ils l’expliquent de manière simple pour en conclure qu’avec la fin de la guerre froide, « Israël est devenu un handicap stratégique pour les Etats-Unis ».

Et de relever que la véritable raison pour laquelle le monde politique américain fait preuve d’autant d’égards réside dans l’influence politique du lobby pro-israélien.

« Il s’agit simplement d’un puissant groupe d’intérêts, composé à la fois de juifs et de non-juifs, dont le but avoué est de défendre la cause israélienne aux Etats-Unis et d’influencer la politique étrangère américaine au profit de l’Etat hébreu ».

Un éternel argument

Et quel serait le mode opératoire du lobby ? Ce serait purement et simplement l’accusation d’antisémitisme. Il est difficile d’évoquer l’influence du lobby sur la politique étrangère américaine, du moins dans les grands médias, sans se faire accuser d’antisémitisme ou, même pour les juifs, de « haine de soi ». Les réactions suscitées par le livre de l’ex-président Jimmy Carter, Palestine : Peace Not Apartheid, sont significatives. Le livre de Carter a pour objectif un règlement permettant aux peuples palestinien et israélien de se réconcilier.

D’ailleurs, Carter défend sans équivoque le droit d’Israël à vivre en paix et en sécurité. Pourtant, pour avoir suggéré que la politique israélienne dans les territoires occupés ressemblait au régime de l’apartheid et dit ouvertement que des groupes pro-israéliens empêchaient les leaders américains de conduire fermement Israël sur le chemin de la paix, il a été victime d’une violente campagne de diffamation lancée par ces mêmes groupes. Non seulement on a accusé Carter d’être antisémite et de détester les juifs, mais certains lui ont même attribué une certaine sympathie pour les nazis.

L’étude, comme le souligne Gad, aurait dû susciter plus d’intérêt dans le monde arabe de manière à établir un pont avec de tels auteurs objectifs. L’initiative de Medhat Taha, poète et écrivain, de traduire et d’adapter le texte préliminaire en arabe accompagné de critiques de la part de certains auteurs américains avec accusations d’anti-sémitisme contre les auteurs, intervient à point nommé pour comprendre la situation actuelle et y réagir. Ceci d’autant plus, comme le relève Gad, il n’y a pas eu la moindre réaction de la part d’Israël. Celui-ci a laissé la tâche justement à un lobby sur lequel il pouvait bien compter.

Dernier mot de la fin tiré de l’étude : « Ces groupes veulent que les leaders américains traitent Israël comme s’il s’agissait du cinquante et unième Etat de l’Union ».

Du même auteur :

- Exode des Palestiniens : l’autre négationnisme
- Palestine : échec occidental patent
- Des assistances en trompe-l’ ?il

14 novembre 2007 - Al Ahram Hebdo - Vous pouvez consulter cet article à :
http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahra...


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