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Rien de moins que notre liberté

samedi 10 novembre 2007 - 08h:13

Mohammed Khatib - The Electronic Intifada

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Nous puisons notre force dans notre confiance qu’aucune situation d’injustice ne peut se prolonger indéfiniment.

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Contre le mur d’apartheid, nous avons organisé plus de 100 manifestations non violentes, avec des Israéliens et des internationaux qui nous soutiennent. (F. Arouiri/MaanImages)




Pour les habitants de notre petit village de Bil’in, qui s’étend à l’ouest de Ramallah en Cisjordanie occupée, les négociations prévues entre les dirigeants palestiniens et ceux d’Israël à Annapolis, Maryland, font naître des sentiments mitigés. Comme tous les Palestiniens, nous prions pour que la vie de nos enfants ne soit pas celle que nous avons connue sous l’occupation militaire israélienne.

Mais par expérience, nous savons qu’Israël, le côté le plus fort, se sert des discussions de paix comme d’un écran de fumée pour dissimuler ses actions sur le terrain. Pendant le processus de « paix » d’Oslo, la construction des colonies israéliennes dans les territoires occupés a connu un rythme sans précédent. Le système de routes réservées aux colons israéliens, qui actuellement étrangle nos cités et nos villages, a été créé pendant le processus d’Oslo. Ceci fait que nous nous méfions des négociations d’Annapolis.

Israël a implanté des colonies à travers toute la Cisjordanie au mépris du droit international qui interdit à toute puissance occupante de faire venir sa population dans le territoire occupé. Aujourd’hui, Israël veut annexer la plupart des blocs de colonies de Cisjordanie, soit dans le cadre d’un accord avec les Palestiniens, soit unilatéralement.

Bil’in, comme des dizaines de villages de Cisjordanie, est en train de perdre des ressources et des terres vitales au bénéfice des blocs de colonies israéliennes. En 1991, Israël a confisqué 200 acres de terre appartenant à notre village (8 000 m2) et les a déclarés terre d’Etat. En 2001, des promoteurs israéliens privés ont commencé à construire une nouvelle colonie juive ici, en l’intégrant au bloc de Modi’in Illit.

En 2005, le mur d’apartheid d’Israël a coupé Bil’in de 50 % de ses terres agricoles. En réponse, nous avons organisé plus de 100 manifestations non violentes, avec des Israéliens et des internationaux qui nous soutiennent. Des centaines d’entre nous ont été blessés et arrêtés. Suite à nos manifestations et à un recours juridique, la Haute Cour d’Israël a ordonné le mois dernier que le tracé du mur à Bil’in soit modifié et qu’ainsi nous soit rendue la moitié de la terre qu’on nous a volée.

Bien que nous ayons fêté ce succès, Israël, avec le soutien des Etats-Unis, projette toujours d’annexer le bloc colonial de Modi’in Illit qui englobe la plus grande partie de notre terre. Contrairement aux implantations initiées par les mouvements de colons, les blocs de colonie ont été montés sur des secteurs stratégiques, par des gouvernements israéliens dirigés par le Likoud, le Parti travailliste et le Kadima. Les blocs de colonies sont destinés à assurer à Israël le contrôle de nos déplacements, de nos frontières, de notre accès à l’eau comme de celui à Jérusalem, même après la création d’un Etat palestinien « souverain ».

Certains dirigeants politiques israéliens prétendent que les blocs de colonies qu’Israël veut annexer ne représentent que 5 % de la Cisjordanie. Cependant, ces politiciens n’y incluent pas les colonies de Jérusalem-Est occupée, Jérusalem-Est ayant été unilatéralement et illégalement annexée par Israël en 1967.

Mais en réalité, Israël a déjà, de fait, annexé les 10,2 % stratégiques de la Cisjordanie qui s’étendent entre la Ligne verte et le mur d’apartheid, comprenant notamment les blocs de colonie. Environ 80 % des colons israéliens aujourd’hui résident à l’ouest du mur d’apartheid, à l’intérieur de la Cisjordanie.

En tant que Palestiniens, nous avions exprimé notre volonté de vivre ensemble sur cette terre avec le peuple juif, et de vivre dans un Etat démocratique avec les Israéliens juifs, comme des citoyens égaux. Cependant, la plupart des Israéliens juifs et de leurs dirigeants politiques ont déclaré clairement qu’ils devaient vivre dans un Etat pour les Juifs, pas dans un Etat pour tous ses citoyens. Pour cette raison, nous avons accepté de vivre dans deux Etats différents : la Palestine côte à côte avec Israël.

Pour les Palestiniens, accepter de vivre dans un Etat sur 22% de leur patrie historique fut une énorme concession. Mais Yasser Arafat était assiégé dans son quartier général par Israël, parce qu’il refusait ce qu’on a appelé les « offres généreuses » d’Israël, à Camp David. Il a été puni parce qu’il ne voulait pas livrer d’autres terres et refusait un Etat composé de cantons isolés, parsemés entre les blocs de colonies d’Israël.

Nous puisons notre force dans notre confiance qu’aucune situation d’injustice ne peut se prolonger indéfiniment. Finalement, il faudra que tous nous vivions sur cette terre, comme des êtres égaux. Quand ce moment arrivera enfin, nous découvrirons que nous avons plus de similitudes que de différences. Jusque-là, nous n’accepterons pas de babioles dorées, des mots comme « Etat », « souveraineté », alors que nous savons qu’à l’intérieur de notre « Etat », nous ne pourrons avoir aucun accès à l’eau, nous ne pourrons ni sortir ni entrer librement, ni nous rendre d’un endroit à l’autre sans la permission des Israéliens. Je ne serai pas libre aussi longtemps que les blocs de colonies et le mur d’Israël voleront et découperont ma terre et encercleront ma capitale, Jérusalem.

Nous avons trop souffert et pendant trop longtemps. Nous n’accepterons pas que l’apartheid soit appelé la paix. Nous conclurons à rien de moins que notre liberté.

Mohammed Khatib est membre dirigeant du comité populaire de Bil’in contre le mur, et secrétaire du Conseil du village.
Pour plus d’informations : http://www.apartheidmasked.org/

Voir le site du village de Bil’in : http://www.bilin-village.org/

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1er août 2007 : des colons enfreignent la décision de la Cour suprême en s’installant dans les constructions illégales de Matityahu Mizrah
(source : site de Bil’in)

7 novembre 2007 - The Electronic Intifada - traduction : JPP


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