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Un vieux Palestinien s’adresse à la conférence d’Annapolis

lundi 5 novembre 2007 - 10h:47

Ibrahim Dakkak - This Week in Palestine

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Pourquoi réunir encore une conférence dans une atmosphère imprégnée de scepticisme et d’ambiguïté ? Les éléments de la solution existent déjà, à condition d’être prêts à respecter et à observer la charte des droits humains et politiques.

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"J’ai passé de longues années comme témoin du drame qui se déroulait,
attentif au rôle des différents acteurs extérieurs..."




Je suis un homme âgé de la communauté palestinienne et je suis fier de m’adresser à vous aujourd’hui, vous qui vous dites intéressés par une paix juste pour ce pays. D’emblée, je tiens à vous avertir que beaucoup de critiques se sont exprimées contre cette conférence, et à juste titre.

Les tentatives similaires pour une solution au conflit entre Palestiniens et le mouvement sioniste n’ont eu que des résultats négatifs, elles n’ont fait que compliquer davantage la situation et ont exposé les Palestiniens et les Israéliens à d’énormes pressions morales et politiques. L’objectif a toujours été d’obliger les Palestiniens et les Israéliens à concilier leurs revendications contradictoires, en négligeant la base même des droits des deux parties tels que définis par les Nations unies. Quelle que soit la nature des intentions qui motivent ces différentes initiatives, faire pression ne peut pas mener à leur réussite. Au contraire, les méthodes pour ces soi-disant négociations dans le passé ont conduit à une instabilité accrue et à la guerre. Quelle ironie de voir qu’après toutes ces années, aucune des parties en opposition ne peut prétendre à la victoire. Aucune partie n’a concrétisé ses espérances.

Etant d’un « certain âge », j’ai passé de longues années comme témoin du drame qui se déroulait, attentif au rôle que les différents acteurs extérieurs exerçaient. Et malheureusement, il m’a été impossible d’observer la moindre avancée significative au conflit, et encore moins une solution fiable. Après 60 ans, je dois avouer que je n’arrive pas à trouver une logique entre la légitimité conférée par les Nations unies avec le Plan de partition et le « fait accompli » dont nous faisons l’expérience en Palestine à l’heure actuelle. Pour ajouter au préjudice, la situation présente, surtout depuis 1967, est considérée par Israël et les Etats-Unis comme le point de référence et de départ pour les négociations sur l’avenir des Territoires occupés. Ma question est celle-ci : comment un ?fait accompli’ (*) « illégitime » peut-il être imposé pour devenir « légitime » avec la bénédiction des Nations unies ?

Etant donné l’opposition inébranlable à l’occupation israélienne par un mouvement national palestinien reconnu dans les Territoires occupés, et l’intransigeance d’Israël à maintenir son occupation, le conflit est devenu très dangereux et véritablement préoccupant pour la communauté internationale. En fait, l’impact du conflit a déjà franchi les frontières de la Palestine, invitant plus d’acteurs extérieurs à entrer en scène. Malgré la faillite des Nations unies - spécialement à faire appliquer les résolutions 181 et 194 de son Assemblée générale et les résolutions 242 et 338 de son Conseil de sécurité, entre autres -, son aide est plus que jamais nécessaire. Les Nations unies sont généralement perçues comme un négociateur honnête qui peut impulser un processus de paix digne de ce nom. Le chapitre 7 de la Charte est toujours applicable et peut être utilisé avec plus d’efficacité.

Le problème de l’application des résolutions des Nations unies et l’absence de cohérence entre elles proviennent de la politique absurde des cinq membres permanents du Conseil de sécurité qui cherchent à utiliser les canaux des Nations unies pour faire passer leurs intérêts et leur politique. Leur « privilège » avec le droit de veto leur permet de faire barrage à l’adoption ou à l’application de n’importe quelle résolution. Leur statut para-légal a donné aux Etats-Unis un quasi-monopole sur les questions relatives au conflit Palestine/Israël et a marginalisé le rôle des autres membres. On pourrait même dire que la « volonté » des Nations unies est à la merci des caprices des membres permanents du Conseil de sécurité. Mais le fait demeure : les Etats-Unis continuent d’être l’acteur extérieur primordial du conflit.

Depuis 1967, des efforts continus sont allés dans le sens d’une recherche d’une solution au conflit. Il y a eu de nombreux émissaires internationaux, dont certains étaient envoyés par le secrétaire général des Nations unies, d’autres par des superpuissances, et d’autres encore par des dirigeants bien intentionnés du monde. Pour le malheur des parties au conflit, les missions n’ont pas été prises au sérieux par les Etats-Unis. Alors que les résolutions des Nations unies sont, par ordre, complètement gelées, et que les échecs antérieurs ne sont pas pris en compte, les USA convoquent cette « nouvelle » conférence internationale à Annapolis laquelle ne fera qu’ajouter une scène de plus à ce drame grotesque.

Les Etats-Unis ont-ils la volonté et la capacité de reconnaître les droits inaliénables des Palestiniens comme stipulés dans la charte des Nations unies et clairement évoqués dans les résolutions des Nations unies concernant le conflit ? Les Etats-Unis sont-ils prêts à reconnaître que les colonies juives dans les Territoires occupés palestiniens sont illégales ? Sont-ils prêts à respecter la volonté des Palestiniens, comme exprimée lors des récentes élections pour leur Conseil législatif en 2005/2006, et à cesser les « punitions collectives » iniques qui sont imposées à Gaza et à la Cisjordanie ? En outre, les Etats-Unis sont-ils disposés à faire pression sur Israël pour qu’il se retire sur les frontières du 4 juin 1967 et à dénoncer la violence d’Israël contre les Palestiniens ?

Toutes ces questions ont été posées par les Palestiniens, à maintes reprises au fil des années. Et toujours et encore, elles furent ignorées. La situation va en empirant. La terre continue d’être confisquée. Les réfugiés attendent toujours de pouvoir revenir dans leur foyer. Pourquoi alors réunir encore une conférence dans une atmosphère imprégnée de scepticisme et d’ambiguïté ? Les éléments de la solution existent déjà, à condition d’être prêts à respecter et à observer la charte des droits humains et politiques. Continuer à ne pas voir cette réalité, c’est prolonger l’angoisse des Palestiniens, des Israéliens et de la communauté internationale.

Que les participants à la Conférence prennent note : cette conférence servira simplement à perpétuer le mythe que la cécité et l’ignorance peuvent mener à la paix. Ca suffit !

* en français dans le texte.


Ibrahim Dakkak, architecte et militant politique à Jérusalem, a créé le centre palestinien Al Multaqa-The Arab Thought Forum en 1977. Ce centre a orienté ses activités sur la question de la démocratie et de la construction nationale, fondant en 1997 un Citizens’ Rights Center. Son site offre le compte rendu détaillé de ses séminaires et tables rondes. Ibrahim Dakkar fut un ami d’Edward W. Saïd. Il a contribué à la rédaction du livre Jérusalem, Le sacré et le politique de Farouk Mardam-Bey et Elias Sanbar (Broché).

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Nations unies, Conseil de sécurité. "Comment un fait accompli « illégitime » peut-il être imposé pour devenir « légitime » avec la bénédiction des Nations unies ?"




Sur la conférence, voir notamment :

- "Pas une rencontre de paix, mais une conférence de guerre" , 22 octobre 2007, Michel Warschawski - AIC.

This Week in Palestine , traduction : JPP


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