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Au delà de l’imagination

samedi 16 décembre 2006 - 11h:11

Khaled Amayreh

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Haniyeh se distance encore plus d’un Abbas déprimé en obtenant auprès de l’Iran d’importants financements pour les Palestiniens, écrit Khaled Amayreh depuis la Cisjordanie.

Alors que le président Mahmoud Abbas continue de compter sur les Etats-Unis et sur l’Europe --- tout autant probablement que sur le Premier Ministre israélien Ehud Olmert --- pour « renforcer » sa position face au gouvernement dirigé par le Hamas, le Premier Ministre Palestinien Ismaïl Haniyeh a remporté succès après succès lors de sa longue tournée d’un certain nombre de pays arabes et musulmans de la région.

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Le Premier Ministre Palestinien Ismail Haniyeh serre la main du président Iranien Mahmoud Ahmadinejad

Ce mardi, Haniyeh a conclu une visite de trois jours à Téhéran au cours de laquelle il a participé à des réunions de haut niveau avec les dirigeants iraniens, y compris l’Ayatollah Ali Khamenei et le Président Mahmoud Ahmadinejad. Ces réunions ont été bien plus que des rencontres formelles entre les dirigeants d’une super-puissance régionale en devenir et le chef d’un gouvernement assiégé que les Etats-Unis et Israël ont placé dans une situation infernale pour avoir refusé de céder au diktat colonialiste sioniste.

En fait, l’Iran a décidé de donner à Haniyeh plus que ce à quoi il ait jamais pu rêver. Selon les termes utilisés par un observateur palestinien, les Iraniens ont traité Haniyeh comme un second fils prodigue (le premier étant le Hizbullah). Lundi, le Premier Ministre Palestinien qui s’était référé plus tôt à l’Iran en parlant de « notre profondeur stratégique », a terminé sa visite en la qualifiant « d’historique et très, très fructueuse ». « Nous avons atteint nos objectifs lors de cette visite. Nous avons trouvé tout l’amour qu’il est possible de donner au peuple Palestinien, » a déclaré Haniyeh lors d’une brêve conférence de presse à l’aéroport Mehrabad à Téhéran.

Les mots employés par Haniyeh n’étant pas totalement exempts d’une certaine rhétorique sont plus ou moins précis. Mais le gouvernement iranien, tirant avantage des prix pétroliers qui atteignent des sommets, s’est engagé à fournir aux Palestiniens une aide financière généreuse et nécessaire de façon urgente étant donné le blocus sévère datant maintenant de huit mois et imposé aux Palestiniens par les Etats-Unis et l’Europe aussi bien que par un certain nombre de régimes arabes.

Selon Haniyeh, l’aide irannienne comprendra l’attribution directe au gouvernement palestinien d’approximativement 100 millions de dollars. De plus, l’Iran prendra en charge les salaires impayés des employés de trois ministères (le Travail, la Santé et la Culture) ainsi que les fonds de secours sur six mois pour les 10 000 prisonniers politiques palestiniens languissant dans les prisons israéliennes. L’Iran a aussi décidé d’assurer pour les prochains six mois les revenus de 100 000 employés civils et de 3000 pêcheurs palestiniens.

Allant encore plus loin, l’Iran a décidé de mettre en place un centre culturel et de reconstruire près de 1000 maisons démolies [par les troupes israéliennes] à raison de 10 000 dollars par maison. Et pour terminer, la république islamique va offrir 300 nouvelles voitures au gouvernement palestinien et se fournir en huile d’olive produite en Palestine à un prix spécialement élevé.

D’après Haniyeh, le guide spirituel Ali Khamenei qu’il a rencontré samedi dernier a personnellement donné son accord à cette aide financière.

En bref, la visite d’Haniyeh en Iran parait être un succès « dépassant les rêves les plus fous » du Hamas comme l’a déclaré ce mardi un des conseillers politiques du premier ministre palestinien lors d’une interview par téléphone accordée au journal Al-Ahram Weekly. La générosité inattendue d’un Iran majoritairement chiite vis-à-vis d’un mouvement islamiste sunnite pourrait s’interpréter comme un camouflet et une concurrence directe pour l’hégémonie américaine dans la région.

Les Etats-Unis ainsi qu’Israël et certains régimes arabes dont la Jordanie ont tenté d’étrangler le gouvernement dirigé par le Hamas, appliquant les mesures les plus draconiennes et les plus sinistres jamais vues, comme l’intimidation contre les banques palestiniennes et arabes pour qu’elles refusent tout rapport avec le gouvernement, dont le transfert d’argent arabe et musulman depuis l’étranger vers les territoires occupés appauvris et sans désargentés.

Ce blocus dur et cruel a principalement deux objectifs : d’abord faire imploser la société palestinienne et pousser à une révolte populaire contre le Hamas. Ce but n’a pu être atteint car la grande majorité des Palestiniens continuent à tenir responsables les Etats-Unis et Israël pour leur situation et non pas le Hamas. En effet la popularité du Hamas n’a pas souffert de façon significative comme le relève la réticence du président [Mahmoud Abbas] à organiser des élections anticipées en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et à Jérusalem-est pour tenter de dépasser la crise actuelle.

Le second objectif est de décourager toute expérimentation d’une solution islamique où que ce soit dans le monde musulman en donnant le sentiment qu’installer les islamistes au pouvoir n’amène que de la pauvreté et des difficultés.

Cependant, au contraire du chef du Fatah, Mahmoud Abbas que certains Palestiniens accusent d’adopter comme ligne politique un « affame-moi aujourd’hui et tue-moi demain », le Hamas a man ?uvré lui-même avec succès pour se sortir du champ de mines que représente ce blocus sévère, adoptant un autre adage : « Je vais souffrir aujourd’hui pour pouvoir vivre demain. »

Le succès d’Haniyeh à Téhéran s’ajoute à celui rencontré précédemment au Qatar lorsqu’une semaine avant Emir Hamad Ibn Khalifa Al-Thani s’est engagé à verser les salaires de plus de 42 000 enseignants Palestiniens et d’assurer si nécessaire les revenus des travailleurs du secteur public de la santé.

Selon les officiels du Hamas, la prochaine destination d’Haniyeh sera Ryadh où il pressera sans aucun doute ses hôtes de se montrer au moins aussi généreux que les Iraniens et « d’aopter » un certain nombre de ministères palestiniens pour de six mois à un an. Si les Saoudiens répondent positivement, ce sera le dernier clou planté dans le cercueil du blocus israélo-américain.

En effet il serait politiquement et idéologiquement judicieux pour le gouvernement saoudien, qui se voit comme l’ultime et fidèle gardien de l’Islam sunnite d’accorder à Haniyeh toute l’assistance et toute l’aide qu’il cherche, car le repousser signifierait pousser le Hamas (et probablement l’essentiel de la population palestinienne) encore plus en direction de l’axe Iran-Syrie-Hizbullah.

Si l’on regarde la façon dont ils sont enlisés en Irak et vu leur remarquable incapacité à faire qu’Israël abandonne ses vues colonialistes, les Etats-Unis semble dans l’impossibilité de présenter le moindre plan viable et praticable qui persuaderait les populations, que ce soit en Palestine, en Arabie Saoudite ou en Egypte, de pronostiquer la moindre chance au « processus de paix ».

Il est même probable que des alliés impuissants et frustrés comme Abbas comprendront tôt ou tard quelle est leur folie de compter sur l’actuelle administration américaine. Un responsable du Fatah proche du président Abbas se plaignait cette semaine du fait que les américains les aient « poussés dans cette triste situation ».

« Ils persistent à dire qu’ils veulent renforcer les modérés et aider Abbas alors qu’en même temps ils sont incapables d’obtenir d’Ehud Olmert qu’il lève même un seul barrage routier en Cisjordanie. Ainsi pourquoi la population devrait-elle croire Abbas quand il leur dit de faire confiance aux Etats-Unis ? Au moins les Iraniens nous aident, tandis que les Etats-Unis et Israël nous affament. »

15 décembre 2006 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2006/824...
Traduction : Claude Zurbach


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