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Proche-Orient : négocier, mais sur quoi ?

vendredi 19 octobre 2007 - 05h:30

René Backmann - Le Nouvel Observateur

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La conférence d’Annapolis aura-t-elle même lieu ?

Israéliens et Palestiniens travaillent depuis des semaines à une « déclaration conjointe » qui devrait ouvrir les travaux de la rencontre internationale prévue aux Etats-Unis à la fin novembre. Mais ils ne sont d’accord sur rien, ou presque.


Avant même d’arriver dimanche dernier en Israël, la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice avait prévenu qu’il ne fallait attendre aucune « percée » de ses conversations avec les responsables israéliens et palestiniens. Destinée à préparer la conférence internationale sur le Proche-Orient qui doit se tenir dans la seconde quinzaine de novembre à Annapolis, près de Washington, sa visite de quatre jours à Jérusalem, à Ramallah et au Caire avait surtout pour but de faire progresser la rédaction de la « déclaration conjointe » qui doit ouvrir les travaux de la conférence, et sur laquelle les délégations israélienne et palestinienne s’affrontent depuis des semaines.

Le gouvernement israélien, dont l’équipe de négociation est dirigée par la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni, juge qu’il serait imprudent de placer trop d’espoir dans cette conférence, qui ne peut être que le point de départ - et non la conclusion - d’un nouveau processus de paix. Pour cette raison, la « déclaration conjointe » devrait rester aussi vague que possible, les questions liées au « statut final » des territoires palestiniens - Jérusalem, réfugiés, frontières, colonies - étant remises à plus tard, pour être abordées dans des négociations bilatérales. Deux membres du gouvernement d’Ehoud Olmert - le ministre de l’Industrie, du Commerce et du Travail Eli Yishai, et son collègue chargé des Affaires stratégiques Avigdor Lieberman - ont déjà indiqué au Premier ministre que l’évocation de ces questions à Annapolis constituerait à leurs yeux une ligne rouge politique. Menace prise très au sérieux par Ehoud Olmert.

Et pour cause ! Eli Yishai est le président du puissant parti Shass, qui rassemble les ultra-orthodoxes séfarades. Avigdor Lieberman est le fondateur du parti Israël Beitenou, majoritaire parmi les immi grants russes. Leur retrait de la coalition au pouvoir provoquerait la chute du gouvernement Olmert, encore affaibli par les nouvelles accusations de corruption portées contre le Premier ministre.

Pour les Palestiniens, qui ont pour objectif la fin de l’occupation et de la colonisation en Cisjordanie, les préoccupations sont diamétralement opposées. Ils estiment que les termes de référence de la négociation avec Israël ont été définis depuis longtemps, qu’ils ont été précisés dans de multiples rapports et comptes rendus de discussions, et qu’il n’y a aucun besoin d’en formuler de nouveaux. En revanche, ils jugent que les questions liées au « statut final » - Jérusalem, frontières, réfugiés, colonies - doivent être abordées à Annapolis. Ils entendent aussi rappeler, comme vient de le faire le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, que leur Etat, s’il voit le jour, doit être établi sur la totalité des territoi res occupés en 1967, et non sur une Cisjordanie amputée et divisée en « cantons ».

En d’autres termes, les deux délégations - même avec l’aide de Condoleezza Rice, qui a promis de revenir dans quelques semaines - n’auront pas trop d’un mois de négociations pour parvenir à un texte commun. D’autant que le contenu de la « déclaration » n’est pas le seul obstacle à l’organisation de la conférence. La liste des invités - la Syrie en fera-t-elle partie ? - n’est toujours pas arrêtée. Elle pourrait aller jusqu’à une trentaine de pays. Et sur le terrain les problèmes ne manquent pas non plus. En plus du mur et de la barrière de séparation - qui annexent de fait à Israël près de 12% du territoire de la Cisjordanie -, la présence des 450 000 colons - leur nombre a presque doublé depuis les accords d’Oslo, en 1993 - constitue un obstacle majeur à la création d’un Etat palestinien. Et la semaine dernière le gouvernement israélien a annoncé la confiscation, au sud-ouest de la colonie géante de Maale Adoumim, de 110 hectares de terres palestiniennes. Non pour agrandir la colonie, comme l’a colporté la rumeur, mais pour construire la route, destinée aux Palestiniens, qui contournera la barrière de séparation. Route dont le tracé confirme l’étendue de la poche de Maale Adoumim, qui coupe pratiquement la Cisjordanie en deux.

Cette conjugaison d’aléas diplomatiques et de faits accomplis sur le terrain, ajoutée au conflit qui divise les Palestiniens depuis le coup de force du Hamas à Gaza, incite à la circonspection quant aux résultats de la conférence d’Annapolis.

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René Backmann

Et cela même si, paradoxalement, la situation difficile que traversent actuellement les trois principaux participants - George Bush, Mahmoud Abbas et Ehoud Olmert - peut les inciter à prendre des initiatives inattendues pour obtenir enfin un succès...

Du même auteur :

- Bil’in : "Des décisions difficilement applicables"
- L’Etat palestinien, utopie condamnée ?
- René Backmann, auteur d’"Un mur en Palestine" invité à Alger

René Backmann - Le Nouvel Observateur, n° 2241, semaine du jeudi 18 octobre 2007


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