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Palestine : La prochaine « offre généreuse » mise à nu

mardi 16 octobre 2007 - 06h:52

Neta Golan et Mohammed Khatib - Apartheid Masked as Peace

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Réunion entre israéliens et américains lundi 15 octobre à Jérusalem - Rice fait face au fasciste Lieberman, le partisan de l’épuration ethnique à l’encontre des Palestiniens - Photo : AP

Les Etats-Unis projettent d’accueillir le mois prochain une conférence régionale pour discuter de la paix au Proche-Orient, ou tout au moins de la paix entre Israël et les Palestiniens. Les man ?uvres, l’élaboration de transactions et les négociations portant sur ce qui sera mis sur la table se poursuivent depuis quelques temps déjà. Mais les détails de l’accord faisant l’objet de discussion ont été un secret bien gardé, en dehors d’un flot continu de fuites et de ballons d’essai. En déchiffrant ces informations, combinées avec des faits de terrain, on peut constituer un contour clair de la prochaine « offre généreuse » d’Israël.

Les man ?uvres politiques peuvent être tournées pour avoir belle allure si les détails en sont maintenus vagues, mais à y regarder de près, il devient évident que la prochaine offre israélienne n’est pas si généreuse. Comme les Accords d’Oslo et le « désengagement » de Gaza, le processus de paix qui est concocté actuellement est une coup visant à consolider le contrôle d’Israël sur toute la Palestine historique tout en débarrassant Israël d’une large part de la population palestinienne. Le Diable se cache dans les détails qui suivent.

L’accord qui est sur la table offre aux Palestiniens ce que le Président d’Israël, Shimon Peres, appelle « l’équivalent de 100% du territoire occupé en 1967 ». Selon Peres, Israël conservera la plupart de ses plus grands centres de populations de Cisjordanie, aussi appelés blocs de colonies, que Peres prétend ne représenter que 5% de la Cisjordanie. En échange, Israël proposera de donner aux Palestiniens la même quantité de territoire, ailleurs. Selon Peres, Israël échangera des terres israéliennes peuplées par des Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne. Cela permettra à Israël de se défaire d’une partie de sa population arabe que la plupart des Juifs israéliens perçoivent comme une « menace démographique » pesant sur la nature de l’Etat juif.

Lorsque des politiciens israéliens comme Peres parlent de retenir 5% de la Cisjordanie, ils n’y incluent pas Jérusalem-Est, occupé. Israël a, illégalement et unilatéralement, annexé Jérusalem-Est en 1967-68. De là vient que les sources israéliennes parlent de 250.000 colons israéliens en Cisjordanie, ne tenant aucun compte des colons de Jérusalem-Est occupé, estimés à encore 250.000.

Carte du mur et des colonies à Jérusalem, format pdf.

Des blocs de colonies israéliennes se créent et se construisent à l’heure où vous lisez ces lignes. Cela fait des années qu’Israël crée des centres de population en des points stratégiques permettant de découper la Cisjordanie en îlots séparés, de maintenir l’accès israélien aux ressources en eau de la Cisjordanie et d’encercler et étrangler le Jérusalem arabe. L’annexion de fait de ces 9,5% stratégiques des terres de Cisjordanie derrière le mur de l’apartheid a déjà eu lieu. Simplement, le processus de « paix » l’officialisera.

En mars 2006, le parti Kadima, nouvellement constitué, a été élu pour mettre en ?uvre le « plan de convergence » d’Ariel Sharon. D’après ce plan, les colonies non stratégiques situées en dehors des blocs de colonies seraient démantelées. Les colons évacués seraient réinstallés dans les « blocs » derrière le mur qui seraient à leur tour annexés par Israël.

Le 14 avril 2004, le Président Bush a écrit à Ariel Sharon, alors Premier Ministre : « Au vu des nouvelles réalités de terrain, en ce compris des centres de population déjà existants, il serait irréaliste d’espérer que l’issue des négociations sur le statut final soit le retour plein et entier aux lignes d’armistices de 1949... » Cette lettre a ensuite été ratifiée par les deux chambres du Congrès américain.

Israël a pris ceci pour un feu vert donné par les Etats-Unis pour conserver toute zone qu’il pourra remplir de colons. Dès lors, en dépit de la Feuille de Route qui exige d’Israël le gel l’expansion des colonies, Israël a accéléré la création de centres de populations dits « existants » dans des zones stratégiquement importantes, connues la dénomination de blocs de colonies.

Carte des blocs de colonies, format pdf.

Dans la même lettre à Sharon, Bush déclarait : « Il semble clair qu’un cadre convenu, juste, équitable et réaliste pour une solution à la question des réfugiés palestiniens comme élément d’un accord sur le statut final sera à trouver par le biais de la création d’un Etat palestinien et l’installation des réfugiés palestiniens là plutôt qu’en Israël ». Par conséquent, dans l’offre qu’Israël est censé faire, les réfugiés palestiniens se verront accorder le droit au retour, non pas chez eux mais dans de petits fragments, non contigus, de leur patrie d’origine divisée en unités territoriales déconnectées, sans aucune chance de pouvoir maintenir une économie viable et sans contrôle sur l’eau, l’énergie ou autres ressources nécessaires. Ils seront autorisés à retourner dans une cage, avec Israël posté à chaque porte.

Les plans israéliens, appuyés par les garanties états-uniennes, créent une situation d’apartheid inviable pour les Palestiniens. Mais les Palestiniens pourraient bien ne pas même se voir proposer une offre d’apartheid aussi « généreuse » en novembre.

Alors qu’il reste maintenant moins de seize mois à l’administration Bush, il manque à Ehoud Olmert le poids politique lui permettant de mener à bien la part israélienne de l’accord. Le Ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, a récemment déclaré son opposition à ce qu’il a appelé un « abandon des principes israéliens maintenus depuis 40 ans, simplement pour gagner la faveur d’un président américain qui quitte ses fonctions dans un an ». Devant l’insistance de l’administration d’Olmert, les objectifs de la conférence régionale ont dès lors été édulcorés dans le sens d’une déclaration commune qui esquissera la base d’un futur accord. Olmert demande que cette déclaration commune comporte une référence à la lettre de Bush à Sharon d’avril 2004 ainsi qu’à la Feuille de Route.

L’objectif déclaré de la Ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, est de proclamer un Etat palestinien « transitoire » avec des frontières « provisoires », une option qui apparaît dans la deuxième phase de la Feuille de Route. Quand Israël a accepté la Feuille de Route en mars 2003, il y a attaché « 14 clauses de réserve ». Israël considère ces réserves comme faisant partie intégrante de la Feuille de Route. La cinquième clause de réserve israélienne déclare : « L’Etat provisoire disposera de frontières provisoires et de certains aspects de souveraineté, sera totalement démilitarisé..., n’aura pas autorité pour s’engager dans des alliances de défense ou une coopération militaire, et Israël aura le contrôle sur l’entrée et la sortie de toute personne et de tout chargement, ainsi que de l’espace aérien et du spectre électromagnétique ».

Un tel Etat serait comprimé entre le mur de séparation, la « frontière démographique » d’Israël, et la Vallée du Jourdain, la « frontière de sécurité » d’Israël avec la Jordanie. La Vallée du Jourdain constituant approximativement 30% de la Cisjordanie, Israël conserverait probablement, dans ce scénario, plus de 40% de la Cisjordanie. Cet Etat palestinien transitoire consisterait en une série de Bantoustans isolés ou, comme Sharon à qui on doit la paternité de ce plan, préférait s’y référer : des « cantons ».

Dans le passé, les Palestiniens ont insisté pour que cette option d’un Etat provisoire soit retirée de la Feuille de Route, dans la mesure où l’histoire de l’occupation israélienne montre que des « mesures provisoires » sont quasi toujours définitives. Cependant, les négociateurs palestiniens acceptent maintenant la possibilité d’un Etat provisoire à condition de recevoir l’assurance internationale que la troisième et dernière phase de la Feuille de Route, qui inclut un accord définitif, soit mise en ?uvre dans les six mois. Israël n’a nullement l’intention d’accepter cette condition.

On peut douter que le Président palestinien Mahmoud Abbas puisse accepter cette offre sans que soit fixé l’agenda d’un règlement définitif. Mais peut-être n’est-il pas même supposé l’accepter. Car si Abbas refuse une nouvelle « offre généreuse » israélo-américaine, son rejet pourrait être présenté au monde comme une preuve supplémentaire qu’il n’y a pas de « partenaires palestiniens pour la paix ». Israël serait alors « fondé » à mettre unilatéralement en ?uvre son plan de convergence.

Carte du plan de convergence de Kadima.

Une « convergence » unilatérale rendra possible la création, en Cisjordanie, d’une situation comparable à ce que le « désengagement » unilatéral a créé dans la Bande de Gaza. Les habitants de Gaza, dont 70% sont des réfugiés de ce qui est maintenant Israël, sont, à l’heure actuelle, isolés économiquement et physiquement, affamés et sous blocus israélien total, terrestre, aérien et maritime.

Olmert, Bush, Blair et leurs complices au sein du « Quartette » disposent de toute une machinerie de relations publiques à la fois vaste, sophistiquée et dotée de ressources infinies, qui par un accès illimité à des médias non critiques, est capable de donner une irrésistible « tournure de paix » à un processus d’apartheid. Durant la conférence de novembre, ils assureront le monde de leur engagement en faveur d’un Etat palestinien (avec les judicieuses séances de photos Abbas/Olmert/Bush). Ils promettront d’engager des millions de dollars, pour financer la « construction des institutions » palestiniennes et l’aide humanitaire et pour armer des troupes dans le but de « maintenir la paix » à l’intérieur des bantoustans. Les Etats arabes normaliseront leurs relations avec Israël, renforçant les « modérés » dans toute la région et calmant ainsi la rue arabe, condition préalable à une attaque dirigée par les Etats-Unis contre l’Iran.

Même les participants au sommet se rendent compte que l’occupation israélienne n’est pas soutenable dans sa forme actuelle. Si nous, la communauté en faveur de la paix et de la justice, nous arrangeons pour donner à voir cette dernière man ?uvre pour ce qu’elle est, Israël pourrait, pour la première fois, être forcé à des négociations loyales.

Pour que ceci se produise, nous devons nous mobiliser immédiatement. Il est de notre tâche d’informer le reste du monde de ce que ces pourparlers signifient réellement et sur la vérité de ce qui est en cours. La catastrophe est imminente. Il a fallu de nombreux mois sinon des années pour mettre à nu la vérité cachée derrière la première « offre généreuse ». Ne répétons pas cette erreur.


Neta Golan, qui vit à Ramallah, est une militante israélienne de "Peace and Justice" et co-fondatrice de ISM.

Mohammed Khatib est membre du comité populaire de Bil’in contre le Mur, et secrétaire du conseil du village de Bil’in.


Sur le même thème :

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Neta Golan et Mohammed Khatib - Via New Profile, Apartheid Masked as Peace, le 1er octobre 2007
Traduit de l’anglais par Michel Ghys


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