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Troisième Intifada

dimanche 14 octobre 2007 - 05h:30

Saleh Al-Naami - Al-Ahram weekly

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Les négociations palestino-israéliennes commencées en secret lundi ne sont rien de plus que le prélude au naufrage du sommet de la paix de novembre.

Quand l’ancien Premier ministre israélien, Manachem Begin, l’un des rares députés à avoir voté contre Camp David, a été questionné sur ce qui l’impressionnait le plus chez Ehud Olmert, il a répondu que c’était sa ruse. C’est une qualité qu’Olmert a largement manifestée ces derniers jours dans sa façon de préparer le sommet d’Annapolis.

D’un côté, Olmert proclame son engagement « absolu » pour la réussite du somment, alors que d’un autre il fait tout ce qui est en son pouvoir pour le saboter. Sinon, comment interpréter son forcing auprès du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas (Abu Mazen), lors de leur dernière rencontre, pour qu’il accepte un mémorandum « vague » exposant les grandes lignes d’une solution mais n’évoquant aucun principe concernant les 4 points d’un règlement final : Jérusalem, les 5 millions de réfugiés palestiniens, les frontières définitives et les colonies israéliennes ? Et pour que les choses soient bien claires, Olmert qualifie lui-même ce document de « déclaration d’intentions non contraignante ». Sa ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, est encore plus claire. Le mémorandum, déclare-t-elle le 3 octobre, ne doit être rien de plus que la « déclaration par les deux parties de leur engagement à mettre fin au conflit par des moyens pacifiques ». Et s’il faut une preuve supplémentaire du total mépris d’Olmert pour Abu Mazen, on la trouve dans sa promesse au parti Shas, de l’extrême droite religieuse, que ce document ne ferait aucune référence à l’avenir de Jérusalem.

Olmert a dit qu’il voulait un mémorandum rédigé de façon vague - que sa lecture reste ambiguë - afin de baisser le niveau des espoirs en ce sommet de sorte que quelle qu’en soit l’issue, elle puisse être vue comme une évolution positive. C’était astucieusement dit, mais il est maintenant tout à fait clair que pour Olmert, la seule issue heureuse du sommet, c’est son échec total.

Si les Palestiniens avaient entretenu l’espoir que la rencontre d’Annapolis se transforme en parapluie international sous lequel le conflit pourrait être solutionné, alors Olmert a dû le balayer avec sa réunion de cabinet de dimanche quand il a promis à ses ministres que la rencontre ne servirait pas de substitut à des négociations directes avec les Palestiniens. Ensuite, pour bien s’assurer que l’échec était couru d’avance, il a juré que le mémorandum, « rédigé en termes vagues », contiendrait deux points : l’engagement par l’Autorité palestinienne de remplir son obligation prévue à la première phase de la Feuille de route et, deuxièmement, une référence à la lettre de garanties du président américain, George Bush, à l’ancien Premier ministre, Ariel Sharon, d’avril 2004. (1)

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Olmert et Abbas à leur rencontre durant les congés juifs de Sukkoh.

Olmert est pleinement conscient que ces deux points assurent qu’aucun accord ne sera conclu avec les Palestiniens, ni maintenant ni plus tard. La phase 1 de la Feuille de route stipule que l’Autorité palestinienne et ses services de sécurité doivent démanteler et désarmer les mouvements de résistance palestiniens et mettre fin à toute incitation anti-israélienne dans les programmes éducatifs, les médias et les institutions religieuses palestiniens. Dans sa lettre à Sharon, Bush promet de soutenir le refus d’Israël à reconnaître le droit au retour des réfugiés palestiniens sur la terre dont ils ont été expulsés, celui de se retirer derrière les frontières d’avant juin 1967 et son obstination à annexer les colonies juives de Cisjordanie à Israël. Même les commentateurs de la presse israélienne s’accordent à dire qu’un sommet qui se tiendrait sur ces conditions n’aurait aucune chance de réussir.

Les machinations israéliennes à la veille de la conférence ont conduit de nombreux dirigeants du Fatah à persuader Abu Mazen de ne pas y assister. Ils craignent que l’échec à Annapolis n’enlève toute justification à leur plate-forme politique qui se repose sur la possibilité d’un règlement pacifique du conflit. En privé, ils expriment leur crainte que le sommet n’aboutisse à rien d’autre qu’à une « seconde Déclaration de Balfour » qui obligerait inévitablement le Fatah à reconsidérer ses relations intérieures, spécialement avec le Hamas.

Abu Mazen a longtemps misé, pour son succès face au Hamas, sur les résultats possibles d’un règlement politique dont il a dit à maintes reprises au peuple palestinien qu’il était à portée de la main. Confronté à un échec à Annapolis, son mouvement n’aurait plus d’autres options que de revoir sa politique à l’égard de l’occupant et de revenir à la lutte armée, ou d’être exposé à une disparition quasi certaine.

Beaucoup parmi les dirigeants du Fatah assimilent Annapolis à Camp David II, le sommet de 1999 dont la faillite a conduit au soulèvement avec l’Intifada Al-Aqsa. Quand Abu Mazen a déclaré à ses dirigeants du Fatah qu’il ne pouvait par reculer pour la conférence, ils lui ont demandé alors au moins d’assouplir ses conditions pour parler avec le Hamas. Abu Mazen avait d’abord accédé à cette requête et notifié aux représentants du gouvernement égyptien qu’il était d’accord, en principe, pour un tel dialogue lors de sa visite au Caire de la semaine dernière. Mais il s’est vite rétracté sur ledit principe quand Olmert lui a dit en des termes dépourvus d’ambiguïté que s’il discutait avec le Hamas, il pouvait oublier les négociations avec Israël.

D’autres au Fatah prédisent qu’Abu Mazen démissionnera si la conférence d’Annapolis échoue, mais les récents développements laissent penser qu’une telle démission est incertaine, même en cas d’échec. Les partis de la gauche palestinienne qui soutenaient le Fatah durant sa confrontation ratée avec le Hamas, ont fait des ouvertures en direction des partis islamiques de la résistance et ont accepté de participer à la conférence des partis palestiniens qui se tiendra à Damas, avant le sommet, avec l’intention de se positionner contre « toute concession qu’Abu Mazen pourrait proposer ». Cette conférence fera qu’Abu Mazen et le Fatah vont se retrouvés isolés dans l’arène palestinienne, ce qui pourrait aider aussi à pousser des dirigeants du Fatah à revoir complètement leur copie pour ce qui concerne leur relations intérieures.

Conscient du « danger » d’un retour des autres factions palestiniennes à une coordination avec le Hamas, Abu Mazen a mené une action vigoureuse pour persuader Washington et Tel Aviv d’inviter la Syrie à Annapolis, dans l’espoir que la Syrie, en échange, ferait pression sur les représentants des partis palestiniens présents à la conférence de Damas pour qu’ils modèrent leurs critiques à l’égard du sommet. Jusqu’à présent cependant, rien ne montre que Bashar Al-Assad ait été invité. Et juste pour le cas où on répondrait aux espoirs de Damas, Olmert a pris soin d’informer le ministre des Affaires étrangères turc, Ali Babacan, qu’Israël ne discuterait pas de l’avenir du plateau du Golan durant le sommet, lequel, a-t-il dit, sera consacré uniquement à la question palestinienne. La secrétaire d’Etat US, Condoleezza Rice, a dit aux Israéliens que le président Al-Assad devrait être heureux rien qu’en recevant une invitation et « ne s’attendre à rien de plus ». Rice a été plus catégorique dans sa remarque à Livni : « Pour le moment, faisons comme si le régime (d’Al-Assad) n’existait pas, afin que la rencontre puisse réussir. »

Un mois reste à courir avant le sommet d’Annapolis, Palestiniens et Israéliens élaborent déjà leurs prévisions à partir de son échec probable. Et aussi différentes qu’elles puissent être, elles proviennent de ce qu’ils s’attendent tous à une troisième Intifada, au lendemain même du naufrage du sommet.

Note de la traduction :

1) - Extraits de la lettre du 15 avril 2004 de George W. Bush à Ariel Sharon à l’issue de leur rencontre du 14 avril à Washington :

[...]

Selon la feuille de route, les Palestiniens ont promis de mettre fin à toute activité armée contre les Israéliens, là où ils se trouvent. Qui plus est, toutes les institutions palestiniennes officielles se sont engagées à mettre fin à l’incitation contre Israël. La direction palestinienne doit agir fermement contre le terrorisme, au cours d’actions ponctuelles et efficaces qui mettront fin au terrorisme et détruiront ses infrastructures. Les Palestiniens doivent également procéder à de vastes réformes politiques qui conduiront à l’instauration d’une démocratie parlementaire forte et au renforcement du statut du Premier ministre.

[...]

Les Etats-Unis, en coopération avec la Jordanie, l’Égypte et d’autres pays au sein de la Communauté internationale, oeuvreront en vue d’encourager la capacité et la volonté des institutions palestiniennes de combattre le terrorisme, de démanteler les organisations terroristes et d’empêcher que les régions qui seront évacuées par Israël ne deviennent une menace exigeant des traitements d’autres facteurs.

[...]

En fonction de la nouvelle réalité sur le terrain, entre autre la présence de centres de population israélienne importants, il serait irréaliste de s’attendre à ce que les pourparlers se terminent par un retour absolu aux lignes d’armistice de 1949, et ce fut aussi la conclusion dans tous les précédents efforts de négocier une solution de deux états. Par contre, il serait réaliste de s’attendre à ce qu’un accord permanent ne soit obtenu que sur la base de changements qui seront décidés conjointement et qui seront le reflet d’une nouvelle réalité sur le terrain.

[...]

George W. Bush

Consulter l’intégral de la lettre et celle d’Ariel Sharon à Bush.

Du même auteur :

- "Jouer lâchement avec les mots",
30 septembre 2007, Al Ahram Weekly.
- "Après la défaite américaine en Irak",
9 septembre 2007,Al Ahram Hebdo.

Sur la conférence d’Annapolis :

- "Une paix supposée",
10 octobre 2007, Khalid Amayreh, Al-Ahram weekly.

11 octobre 2007 - Weekly-Ahram - Traduction : JPP


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