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Suspecter en ayant l’air de respecter

samedi 13 octobre 2007 - 07h:34

Uzi Benziman - Ha’aretz

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En janvier 2000, Ami Ayalon, alors chef de la Sécurité générale (Shabak), déclara aux oreilles d’un groupe d’intellectuels juifs et arabes, tous citoyens d’Israël, occupés à essayer de formuler une convention commune qui définirait les rapports entre la majorité et la minorité à l’intérieur du pays, que la Sécurité générale ne voyait pas le secteur arabe comme une menace collective ; « du point de vue du renseignement, nous ne le considérons pas comme une menace et nous ne partons pas de l’idée que tout Arabe israélien est une menace potentielle », expliqua Ayalon.

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Des villageois de la communauté bédouine tentent de s’opposer à la destruction de leurs maisons dans le Néguev - Photo : IRIN

Par la même occasion, il déclara que la Sécurité générale avait modifié les procédures de contrôle de sécurité à l’aéroport et considérait les citoyens juifs et arabes de l’Etat comme présentant le même niveau de risque. Sept ans plus tard, la discrimination à l’encontre des citoyens arabes est toujours là, aussi bien avant de prendre l’avion pour sortir du pays que lors du retour, de même que se poursuit la politique discriminatoire à l’égard de l’ensemble du secteur arabe de la population qui ne cesse d’être considéré comme une menace pour la majorité juive.

En octobre 2000, la réaction des autorités de l’Etat d’Israël, s’appuyant sur les émotions spontanées de presque tous ses citoyens juifs, avait démontré que cet Etat considérait effectivement la minorité arabe comme une menace existentielle.

Aux yeux de la majorité juive, la minorité arabe s’était associée à la population palestinienne des Territoires dans une Intifada qui menaçait la possibilité même que l’Etat de cette majorité juive continue d’exister. Pour la conscience de la population arabe, la réaction du gouvernement - allant jusqu’à l’emploi de balles réelles et à la mort de 13 personnes appartenant à la communauté - a fourni la preuve décisive de l’injustice permanente que l’Etat commet à son égard depuis sa fondation.

Les Arabes d’Israël commémorent ces jours-ci les événements d’octobre 2000. Dans leur conscience, l’oppression dont ils étaient l’objet et qui s’était illustrée d’une façon si aiguë il y a sept ans, se poursuit : l’Etat a repoussé leur demande que les policiers meurtriers soient jugés et il maintient sa politique de discrimination.

Les Arabes d’Israël n’acceptent pas le point de vue juif sur les circonstances dans lesquelles ont éclaté les troubles : ils rejettent l’idée qui veut que quelques-uns de leurs leaders auraient, par leurs incitations, provoqué ces événements tragiques ; ils rejettent l’affirmation selon laquelle les manifestations violentes avaient un caractère d’insurrection populaire menaçant d’ébranler les fondements du pouvoir ; ils contestent la version de la police qui est arrivée à la conclusion qu’elle aurait perdu la capacité d’assurer l’ordre public si elle n’avait pas pris des mesures extrêmes. Ils voient dans la réaction du pouvoir une expression du code intérieur qui le dirige dans son rapport à la minorité arabe : la suspecter en ayant l’air de la respecter.

La Commission Or, qui avait mené une investigation sur ces journées d’octobre 2000, avait recommandé la mise sur pied d’une enquête devant examiner les circonstances dans lesquelles chacun des citoyens arabes avait été tué.

Cette directive n’a porté aucun résultat concret : le Département d’Investigation sur la Police a annoncé, il y a deux ans, qu’il avait entrepris une enquête mais qu’il avait décidé de fermer les dossiers d’investigation au motif qu’il n’avait pas réussi à trouver de preuves incriminant aucun des policiers.

Cette décision a suscité une vague de réactions furieuses qui ont conduit le conseiller juridique du gouvernement à réexaminer l’affaire (entreprise non encore aboutie) ; une commission ministérielle dirigée par Joseph Lapid a avancé ses propres recommandation ; le gouvernement a approuvé tant les recommandations de la Commission Or que celles de la Commission Lapid.

En pratique, la principale attente des Arabes d’Israël n’a pas été réalisée : personne n’est tenu responsable de la mort des 13 membres de leur communauté. En outre, il n’y a eu aucune amélioration dans leur sentiment fondamental que l’Etat opère une discrimination à leur encontre et les traite en citoyens de second ordre.

Et effectivement, la manière dont la majorité juive et ses représentants au sein des structures de pouvoir ont fait face aux troubles d’octobre 2000 ne peut être interprétée que comme une opération continue de blanchiment : depuis le refus initial du gouvernement d’Ehoud Barak d’établir une commission d’enquête officielle, en passant par le niveau de mise en ?uvre des recommandations de la Commission Or, pour finir par les résultats de l’enquête détaillée qui était censée déterminer les responsables des tueries.

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Uzi Benziman

Sans vouloir ignorer la responsabilité des émeutiers arabes et quelques uns de leurs leaders dans les débordements fatals, et sans oublier les gestes (symboliques pour la plupart) faits par les trois derniers gouvernements pour se concilier la population arabe, la majorité juive répète les erreurs de ses prédécesseurs : elle continue de traiter la minorité arabe avec une indifférence arrogante, préparant ainsi le terrain pour le prochain affrontement.

Uzi Benziman, le 7 octobre 2007

Un os lancé aux Arabes d’Israël

À l’approche de la publication, demain [lundi 1er septembre 2003], des conclusions de la Commission Or sur les causes qui ont fait éclater les troubles d’octobre 2000 dans le secteur arabe et sur le fonctionnement de la police et du gouvernement, il est instructif d’examiner les décisions qu’a publiées la semaine passée la Commission ministérielle en rapport avec le secteur non-juif et qui ont été présentées comme « un vaste programme destiné à améliorer la situation des citoyens arabes d’Israël, à faire progresser leur statut et leur intégration dans la société et dans l’État ».

Le programme est fait de six chapitres, dont cinq sont purement déclaratifs ou procéduriers : on fixera des règles (nouveauté retentissante !) pour donner une représentation convenable à la population arabe dans les services de l’État et dans les sociétés d’État ; une section sera créée (quelle surprise !) dans le cadre du Département des requêtes du public auprès du cabinet du chef du gouvernement, section qui sera chargée des requêtes émanant du public arabe ; on créera un Conseil Public Consultatif en rapport avec les citoyens arabes d’Israël et qui sera centralisé par le Conseil National de Sécurité (à ce point-là !) ; les ministres Livnat [Éducation, culture et sport], Olmert [Intérieur] et Poraz [Industrie et commerce] ainsi que le Conseil National de Sécurité (ça c’est quelque chose !) ont été chargés de préparer des programmes détaillés, d’y inclure un dispositif pour leur réalisation et un calendrier (vous entendez bien ?), de traiter les problèmes centraux du secteur arabe, relevant de leur responsabilité ; des autorités arabes locales seront associées (le croirez-vous ?) aux administrations communes des zones industrielles proches de leurs localités.

Dans un des chapitres de ce programme révolutionnaire, il y a un certain potentiel de résultats concrets : le programme pluriannuel pour le développement des localités du secteur arabe, censé s’achever en 2004, sera prolongé de deux ans, en vue de la réalisation des « projets dont on avait dit qu’ils seraient abandonnés du fait des restrictions budgétaires du programme économique ».

À la veille de la publication des conclusions de la Commission Or, dont on attend qu’elles pointent les facteurs clés qui ont créé cette aliénation entre Juifs et Arabes à l’intérieur de la Ligne Verte, le chef du gouvernement fait un travail pour rire et amène la Commission ministérielle, qu’il préside, à une série de décisions vagues, vides et dont la capacité de traiter les racines de la crise est nulle.

Le cynisme est tel que l’annonce de ce nouveau programme le présente comme un tournant significatif dans l’attitude du gouvernement à l’égard de la communauté arabe, sans pourtant renoncer à faire référence aux propos tenus par Ariel Sharon lors d’une discussion et qui offrent un petit accent de menace : la réussite du programme est conditionnée par « une collaboration du secteur arabe telle qu’elle permette la création d’un fondement idéologique pour une véritable coexistence ».

Des recommandations faites dans cet esprit-là ont fixé depuis de nombreuses années l’attitude des gouvernements d’Israël à l’égard de la communauté arabe : soit elles ne sont pas appliquées soit elles n’ont d’emblée pas le pouvoir de changer la discrimination chronique établie à son égard. Les rapports de l’association « Sikkuy » [Association pour l’avancement de l’égalité civique en Israël - ndt] rendent compte année après année de la politique de deux poids et deux mesures adoptée par le gouvernement à l’encontre des citoyens arabes.

Le dernier rapport, d’il y a deux mois, pointe l’aggravation de la tendance à interdire à la minorité arabe la jouissance des ressources de l’État. Le rapport de l’an dernier révélait une chute de dix pour cent des budgets alloués à la population arabe.

Ces constats se traduisent par des données détaillées sur la discrimination du secteur arabe dans les domaines de l’emploi, de l’acquisition de terrains, du développement, des droits à la planification, de l’allocation des budgets et des emplois dans le secteur public.

Arrive maintenant la Commission ministérielle spéciale décidée à attirer les regards sur la création de commissions, de cadres et de conseils, dont la fonction est soi-disant d’abolir la discrimination. Même la seule décision concrète de la Commission consiste en l’aveu que l’application du programme publié - quatre milliards de shekel à investir dans le secteur arabe - a été arrêtée.

Les relations entre Juifs et Arabes à l’intérieur de l’État sont, depuis le début, compliquées et découlent, d’un côté, de ce que les citoyens arabes ne sont pas disposés à accepter l’identité sioniste-juive de l’État, et d’un autre côté, du refus de la majorité d’accorder à la minorité une véritable égalité.

Le moyen d’affronter cette difficulté structurelle - si tant est qu’elle soit soluble - est de la traiter à la racine et ne réside pas dans des gestes superficiels. Le chef du gouvernement se devrait de le savoir. En particulier à la veille de la publication des conclusions de la commission Or.

Uzi Benziman, le 31 août 2003

Sur le même sujet :

- Sept ans après les événements d’octobre 2000, aucun policier israélien n’a comparu

Uzi Benziman
Ha’aretz, le 31 août 2003 - Version anglaise : Throwing a bone to the Arab sector
Ha’aretz, le 7 octobre 2007 - Version anglaise : Suspect, but feign respect
Traduit de l’hébreu par Michel Ghys, pour les deux textes


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