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Poker iranien

vendredi 12 octobre 2007 - 06h:44

Akram Belkaïd - Le Quotidien d’Oran

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A bien des égards, l’automne qui vient de débuter ressemble beaucoup, sur le plan géopolitique, à celui de 2002. Je veux parler, bien sûr, de la crise du nucléaire iranien qui présente nombre de similitudes avec la tension internationale qui a précédé l’invasion de l’Irak. On y retrouve, en effet, tous les ingrédients ou presque de la dramaturgie diplomatique qui a permis aux Etats-Unis d’abattre le régime de Saddam Hussein.

Résumons la situation. D’un côté, il y a les capitales occidentales qui exigent de Téhéran l’arrêt durable de son programme nucléaire civil. Une exigence formulée au prétexte que ce programme ne serait qu’un écran de fumée pour masquer l’objectif réel des dirigeants iraniens, à savoir se doter de l’arme atomique.

De l’autre côté, il y a l’Iran qui proteste de sa bonne foi et qui nie, avec véhémence et indignation, vouloir la bombe. En tant que signataire du Traité de non-prolifération, il rappelle qu’il a le droit de développer le nucléaire civil et de maîtriser la totalité du cycle du combustible ce qui signifie être capable de mener de bout en bout l’enrichissement de l’uranium.

Qui croire ? Il est important de noter que, jusqu’à présent, et quoiqu’en disent les va-t-en guerre, ni la communauté internationale ni l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) n’ont la moindre preuve de la volonté iranienne d’avoir la bombe. On pourrait en conclure que l’Iran est dans son bon droit et que les Occidentaux adoptent, une nouvelle fois, une position unilatérale contraire au droit international.

Oui, mais voilà... L’un des faits établis, c’est que depuis 2002, date à laquelle a débuté cette crise, l’Iran a menti à plusieurs reprises à l’AIEA, ne dévoilant son programme nucléaire que de manière parcellaire et en essayant de cacher certaines pratiques douteuses comme, par exemple, l’achat de plusieurs centrifugeuses -un équipement permettant d’enrichir l’uranium- sur le marché noir mondial. Du coup, les Etats-Unis ont beau jeu de dire que, dans cette affaire, les textes internationaux comptent moins que le peu de confiance que l’on peut avoir dans le pouvoir iranien. Et l’on est en droit, effectivement, de s’interroger sur les motifs de ces mensonges.

Il y a trois réponses possibles. La première, c’est que l’Iran cherche effectivement à se doter de l’arme atomique et que, comme jadis l’Inde ou le Pakistan, il a tenté de le faire de manière clandestine jusqu’à ce qu’il puisse mettre la communauté internationale devant le fait accompli. C’est, on le devine aisément, l’hypothèse que défendent tous ceux qui réclament une action « préventive » contre ce pays. La seconde hypothèse est que, sur la défensive depuis plusieurs décennies, le régime iranien a anticipé le fait que sa volonté de développer le nucléaire civil -qu’il justifie par l’épuisement inéluctable de ses réserves d’hydrocarbures- lui vaudrait sûrement des démêlés avec les Occidentaux. D’où sa décision de mener son programme nucléaire non militaire discrètement de façon, là aussi, à franchir un point de non-retour et à obliger la communauté internationale à se faire alors une raison.

De même, la volonté iranienne de contrôler tout le cycle d’enrichissement de l’uranium -et de refuser toute concession sur ce point controversé- résulterait du fait que Téhéran ne veut pas dépendre, à l’avenir, de fournisseurs étrangers qui pourraient exercer un chantage politique sur leurs livraisons de combustible. A quoi bon construire des centrales si, demain, un embargo international les met à l’arrêt, arguent les responsables iraniens.

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le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad

La dernière hypothèse n’est pas la moins pertinente. Selon elle, l’Iran serait incapable techniquement, humainement et financièrement de se doter de la bombe, voire même d’une technologie de pointe en matière de nucléaire civil. Du coup, ses confessions partielles et ses mensonges par omission relèveraient d’une stratégie destinée à entretenir le flou sur ses capacités réelles en matière de nucléaire et donc à faire douter ses adversaires. En somme, un bluff à la mode persane destiné à se préserver d’une attaque comparable à celle de l’Irak, Téhéran ne perdant jamais de vue que l’objectif principal-et permanent- des Etats-Unis, depuis 1979, est d’obtenir un changement de régime en Iran.

Ce à quoi nous assistons, n’est ainsi qu’une immense partie de poker qui dure depuis cinq ans. Pendant longtemps, les diplomates iraniens ont réussi à jouer finement et à diviser le camp occidental. Mais l’élection de Mahmoud Ahmadinejad a changé la donne. Avec ses provocations, son délire négationniste et ses surenchères sur le nucléaire, il a certes réussi à renforcer sa position sur le plan national - et à faire oublier sa gestion plus qu’hasardeuse de l’économie - mais il a surtout redonné l’initiative aux Etats-Unis. Avec lui au pouvoir, la propagande en faveur d’une intervention militaire contre son pays a le vent en poupe. Et même ses alliés russe et chinois ne pourront s’opposer à des sanctions, de plus en plus dures, même s’il est vraisemblable qu’elles seront prises en dehors du Conseil de Sécurité de l’ONU.

Il ne fait nul doute que quelque chose se prépare contre l’Iran. Il y a trop d’indices, de déclarations guerrières et de mises en garde sévères pour ne pas voir venir le conflit. Des expressions comme « toutes les options sont sur la table », « coalition de volontaires » ou « conséquences significatives » ont refait leur apparition. Les think tanks néo-conservateurs et pro-israéliens inondent les rédactions d’études démontrant la dangerosité des Mollahs tandis que l’« opposition » iranienne à l’étranger recommence à donner de la voix.

Ce qui n’a, longtemps, été qu’une crise diplomatique est désormais une logique de guerre. Et maintenant que la machine belliciste Etats-Unis s’est enclenchée, on se demande bien comment le pire sera évité. On peut réfléchir à l’infini sur la forme que ce conflit annoncé prendra mais une chose est certaine : ses conséquences risquent d’être dévastatrices non pas simplement pour le Moyen-Orient mais pour la planète entière.

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Akram Belkaïd - Le Quotidien d’Oran, le 10 octobre 2007


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