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Iran : Eviter la catastrophe

mercredi 3 octobre 2007 - 05h:50

Pascal Boniface - Réalités Online

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En déclarant que le monde devait se préparer au pire, à savoir à la possibilité d’une guerre contre l’Iran, Bernard Koucher le ministre français des Affaires étrangères a certainement beaucoup plus attiré l’attention qu’il ne l’avait prévu. Immédiatement un flot de questions a été posé. La France se préparerait-elle à soutenir des opérations militaires américaines contre l’Iran, voire à y participer ? Est-elle désormais alignée sur l’agenda stratégique américain ou israélien, mettant ainsi fin à la position traditionnelle d’indépendance stratégique, qui est la marque de fabrique de la diplomatie française depuis le début de la Ve République ?

Les principes mis en place par de Gaulle, et appliqués, chacun avec leur personnalité, par Mitterrand et Chirac allaient être relégués au musée de l’histoire. Quelle différence entre une France qui approuverait une guerre contre l’Iran après avoir mené la bataille pour s’opposer à celle d’Irak ! Bernard Kouchner a très rapidement mis un bémol à ces interprétations. Il ne souhaite pas la guerre bien au contraire, il la craint et il veut tout faire pour l’éviter par le biais d’une politique mélangée de négociations et de sanctions, a-t-il déclaré. Par la suite, le président Sarkozy, tout en déclarant de nouveau que la perspective d’un Iran nucléaire serait inacceptable, a reconnu son droit au nucléaire civil et regretté que le mot « guerre » ait été prononcé.

En réalité, la diplomatie française est sur la ligne de crête dans cette affaire. Personne ne peut accepter de voir l’Iran se doter de l’arme nucléaire car ce serait un coup fatal porté au Traité de non-prolifération, sans parler des conséquences stratégiques dans la région. En même temps, chacun est conscient des conséquences catastrophiques que pourrait avoir une guerre contre l’Iran, même par le biais de frappes limitées contre les installations nucléaires. Celles-ci pourraient au mieux retarder le programme nucléaire iranien tout en resserrant les liens entre le régime d’Ahmadinejad - malgré son impopularité - et la population.

C’est un phénomène habituel en cas d’agression extérieure. Cela renforcerait également la volonté à long terme de l’Iran d’avoir l’arme nucléaire. Bref cela ne règlerait en rien le problème, et cela l’aggraverait au contraire. Les conséquences négatives sur la stabilité régionale, le développement du terrorisme, et la relation entre Monde occidental et Monde musulman, sont faciles à deviner. Pourtant, autour de Dick Cheney une partie de l’establishment américain continue de privilégier l’option militaire. C’est le cas également chez certains Israéliens. Le déclenchement de telles opérations placerait Sarkozy devant un dilemme impossible à résoudre. S’il suit ou ne condamne pas l’action américaine, la France perdrait une grande partie de son crédit international.

L’opinion française pourrait se retourner contre lui, même si l’Iran et le régime d’Ahmadinejad n’ont pas une très bonne image en France. Les Français, comme tous les Européens, pensent qu’une opération militaire serait un remède pire que le mal. Mais, à l’inverse, si Sarkozy devait se désolidariser de Washington, lui qui veut reprendre une bonne relation avec les Etats-Unis, il serait de nouveau considéré comme un ennemi par Bush. Sarkozy pense qu’il y a encore de l’espace pour une solution sur le plan stratégique. Tactiquement, il choisit de se rapprocher de la position américaine afin d’éviter la tentation d’agir seul et de renforcer les pressions sur Téhéran. Il a par ailleurs demandé à Total d’arrêter ses investissements en Iran. Il songe également à des sanctions européennes prises en dehors du cadre de l’ONU.

Mais cette stratégie comporte ses propres limites. Si la France passe à côté du Conseil de sécurité, ne risque-t-elle pas d’affaiblir la portée de son discours sur le multilatéralisme et le respect des organisations internationales ? Ne s’affaiblit-elle pas elle-même, elle qui est membre permanent du Conseil de sécurité ? Par ailleurs, si l’Iran effraie le monde, l’Iran est effrayé par le reste du monde. Il se sent, pas toujours à tort, au vu de l’histoire et de l’actualité récente, menacé. Pour qu’il ne se dote pas d’armes nucléaires, ne serait-il pas judicieux de le priver de cette raison de vouloir s’en doter ? Les Etats-Unis ne pourraient-ils pas prendre l’engagement de ne pas porter atteinte à la sécurité de l’Iran ? Pourquoi avoir, à plusieurs reprises, refusé la négociation globale proposée par Téhéran ?

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Pascal Boniface




Du même auteur :

- Proche-Orient : L’épicentre stratégique du monde
- Il faut aider El Baradei et l’AIEA à trouver une solution diplomatique

- Nicolas Sarkozy et le Proche-Orient
- Les Américains et la course à l’armement

Pascal Boniface - Réalités Online, le 27 octobre 2007


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