16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Jouer lâchement avec les mots

dimanche 30 septembre 2007 - 11h:35

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Pour Israël, déclarer Gaza « entité hostile » n’est qu’une manière de se dédouaner de la famine imposée aux Palestiniens vivant sous occupation.

JPEG - 23.3 ko
Naplouse, septembre 2007 - Un homme constate ce qui reste de sa maison après le passage des bulldozers israéliens.

Une demi-heure après que la discussion entre eux ne soit devenue houleuse, Mahmoud Al-Radi n’a eu d’autre choix que d’être d’accord avec son épouse, Hinadi, pour acheter une nouvelle bouteille de gaz à utiliser pour faire de la lumière pendant les pannes de l’électricité dans leur maison du camp de réfugié d’Al-Nuseirat au centre de la bande de Gaza.

L’éclairage est devenu un objet de chantage suite à la décision du gouvernement israélien de considérer Gaza comme « entité hostile » dans le but de couper l’électricité dans le territoire. Avec l’hiver qui s’approche, beaucoup de familles dans Gaza essayent de se prémunir des répercussions de l’attitude draconienne d’Israël.

Tandis que quelques Palestiniens peuvent faire face aux coupures intermittentes d’électricité, il n’y a aucun doute sur le fait que les habitants de Gaza ne pourront pas surmonter les nouveaux moyens de punition collective approuvés par le gouvernement israélien. Israël fournit à la bande de Gaza 150 mégawatts d’électricité chaque mois, ce qui représente 45% des besoins en électricité dans la bande de Gaza.

Suivant la première étape du plan d’Ehud Olmert, le premier ministre israélien, si des missiles artisanaux continuent à être tirés vers les colonies israéliennes dans le Negev, les approvisionnements en électricité seront réduits par Israël de façon significative. Le plan déclare clairement que les approvisionnements suffiront seulement aux hôpitaux et aux équipements de santé.

La deuxième étape de ce plan prévoit de limiter de manière significative la quantité de combustible pouvant entrer dans Gaza. Cette étape signifierait que la station palestinienne de production d’électricité, qui satisfait 50% des besoins en électricité du territoire, cesserait de fonctionner. Sa production dépend du carburant dont Israël permet l’importation par le poste-frontière commercial d’Al-Mantar. Par conséquent, ce seraient approximativement 90% de l’actuel approvisionnement électrique qui ne seraient plus fournis, et Gaza serait plongée dans l’obscurité.

Le plan prévoit également de limiter aux médicaments et aux produits alimentaires la liste des marchandises peuvant être importées dans Gaza.

Suleiman Al-Salayma, âgé de 51 ans, dirige un atelier de mécanique pour les réparations de voiture. Il a déclaré à ?Al-Ahram weekly’ que l’exécution de la deuxième étape du plan d’Olmert détruirait radicalement son affaire. Le ministre israélien de la défense Ehud Barak, qui a commandité l’étude du plan de punitions collectives, a dit devant ses collègues du gouvernement que le plan visait à diminuer de manière significative le niveau de vie des Palestiniens.

L’exécution de ce plan signifierait que tous les services qui dépendent de l’alimentation électrique et du carburant cesseraient de fonctionner. Avec les usines et les ateliers, la construction et les transports s’arrêteraient eux aussi.

Et afin de couper davantage les ressources du gouvernement [dans Gaza] d’Ismail Haniyeh, le plan appelle à doubler le niveau de surveillance financière par les israéliens sur la bande de Gaza.

Si le fait qu’Olmert déclare Gaza « entité hostile » mène à l’imposition de punitions collectives, est-ce que ceci est légal au regard du droit international ?

Les conseillers juridiques au ministère israélien des affaires étrangères ont considéré qu’il était nécessaire de déclarer Gaza « entité hostile » pour pouvoir émettre « les formulations légales » qui permettraient l’imposition de mesures punitives collectives sur Gaza, « entité » qui continue à envoyer des missiles vers le territoire israélien.

Pourtant le droit international continue à considérer la bande de Gaza, comme la Cisjordanie, comme un territoire occupé et fait ainsi porter ainsi la responsabilité sur la puissance occupante de tous les besoins humanitaires de base des Palestiniens dans ces deux territoires.

En outre, la punition collective est interdite du point de vue du droit international.

Même ?Yediot Aharonot’, le journal israélien à plus large diffusion, a rapporté les avis d’un certain nombre de juristes de premier plan en Israël qui ont confirmé que la décision du gouvernement israélien de considérer Gaza « entité hostile » ne libèrait pas Israël de ses engagements en tant que puissance occupante.

Il est frappant de noter que la décision israélienne a provoqué de sévères critiques en Israël, en particulier dans les services de sécurité.

Les journaux israéliens ont cité un certain nombre de hauts fonctionnaires au ministère de la défense lui-même avertissant que la décision a été prise à la hâte et pour assouvir un désir de se venger des Palestiniens. Ces hauts fonctionnaires ont averti que l’imposition de punitions collectives, plutôt que de d’affaiblir le Hamas, amènera seulement plus de Palestiniens à lutter contre Tel Aviv.

Assurément la décision israélienne a porté un coup dur aux efforts en cours pour convaincre le Hamas et les factions palestiniennes de la résistance de cesser les tirs de fusées vers Israël.

Peu avant que la décision ait été prise, ces efforts avait atteint un seuil décisif — quelques cercles du gouvernement en Israël avaient ouvert des canaux de communication avec le gouvernement de Haniyeh. Ghazi Hamed, ancien porte-parole du gouvernement de Haniyeh, a indiqué à ?Al Ahram Weekly’ qu’il y avait eu des contacts indirects entre lui-même et le Général Matan Vilnai, l’adjoint au ministre israélien de la défense, dans le but de conclure un accord qui garantirait l’engagement des mouvements de résistance à stopper les opérations visant Israël en échange de l’engagement israélien de cesser ses opérations en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Hamed a ajouté que la décision du gouvernement d’Olmert avait mis un terme à ces contacts et que tout était revenu à la case départ.

Selon l’ancien ministre israélien de la justice Yossi Beilin, n’importe quel gouvernement israélien qui ignorerait une occasion de dialoguer avec le Hamas afin de maintenir le calme « commettrait une erreur stratégique ». Beilin avertit que les nombreuses tentatives israéliennes de régler le conflit israélo-palestinien par des moyens militaires ou par des pressions économiques « ne réussiront jamais ».

Ce point de vue a été soutenu récemment par un grand nombre d’écrivains et d’intellectuels israéliens qui ont signé un communiqué exigeant d’Olmert qu’il mette un frein aux campagnes militaires ou aux punitions collectives.

Sami Abu Zahri, porte-parole officiel du Hamas, prévient que les Palestiniens traiteront la décision israélienne comme une déclaration de guerre et agiront en conséquence.

Il soutient qu’il sera difficile pour le gouvernement du Président Mahmoud Abbas et de Salam Fayyad de convaincre les Palestiniens qu’il faille continuer à rencontrer les responsables israéliens, exigeant un boycott de la réunion internationale prévue en novembre à Washington. Ahmed Youssef, conseiller politique auprès du premier ministre Ismail Haniyeh du Hamas, a indiqué ?Al Ahram weekly’ : « nous n’accepterons pas ni ne nous soumettrons pas au destin qu’Israël projette pour nous, et les faiseurs de décision de Tel Aviv se rendront compte que leur dernière décision n’était que la dernière des stupidités. »

Ibrahim Ibrash, ministre de la culture dans le gouvernement de Fayyad, estime que la décision israélienne a dépassé les habituelles allégations selon lesquelles le Hamas était une organisation de « terroristes » et revient à dépeindre plus d’un million de Palestiniens dans Gaza comme des agresseurs afin d’essayer de justifier le siège israélien et l’imposition de la famine.

Ibrash, comme beaucoup de Palestiniens, interprète la décison israélienne comme une autre tentative de couper Gaza de la Cisjordanie. Qu’Israël indique vouloir traiter Gaza comme entité hostile suggère que les secteurs sous contrôle de l’Autorité Palestinienne ne sont pas hostiles à Israël, ce qui pourrait « approfondir les différents entre les Palestiniens et provoquer des ruptures entre eux. »

Sur le même thème :

- Gaza : le peuple d’abord
- Entendez-vous les cris de Gaza ?
- Israël prépare une guerre totale contre la bande de Gaza
- Gaza abandonnée

28 septembre 2007 - Al-Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/864...
Traduction : Claude Zurbach


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.