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Iran : « Il faut aider El Baradei et l’AIEA à trouver une solution diplomatique »

vendredi 21 septembre 2007 - 07h:01

Pascal Boniface - L’Humanité

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L’analyse de Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

Comment réagissez-vous aux déclarations de Bernard Kouchner à l’égard de l’Iran ?

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Pascal Boniface

Il y a deux façons d’interpréter les propos de Bernard Kouchner. Une pessimiste et une qui l’est moins. La façon pessimiste de l’interpréter c’est d’y voir un ralliement aux thèses américaines dans la mesure où il n’y a pas de condamnation d’une éventuelle perspective de guerre. La version moins pessimiste c’est de considérer ces propos comme un simple constat puisque chacun sait qu’Israéliens et Américains chacun de leur côté ,envisagent des frappes militaires sur l’Iran si les choses n’évoluent pas selon leurs vues dans la crise nucléaire. Il faut donc attendre pour savoir si Bernard Kouchner a fait un constat, ou s’il a accepté une solution militaire. Le problème reste qu’il n’y a pas eu une condamnation a priori de la guerre. Il n’y a pas non plus eu une approbation, et la thèse officielle de la France c’est que la solution diplomatique reste préférable.

Cette formule de solution diplomatique « préférable » reste sujette à diverses interprétations...

Si on dit qu’une solution diplomatique reste préférable il faut à ce moment-là aider Mohamed El Baradei et l’AIEA qui sont en train de tenter de toute leur énergie quelque chose qui peut déboucher sur une solution tangible. Si on part du principe que la guerre est à éviter et qu’il faut trouver une solution diplomatique, il faut alors les aider à mettre en place cette solution diplomatique.

Ce qui est également problématique c’est de savoir si les pays européens vont prendre des sanctions en dehors de l’ONU. C’est vrai qu’il peut y avoir parfois des blocages à l’ONU. Mais il y a aussi eu des décisions unanimes, y compris sur l’Iran. La France, qui est membre de façon permanente du Conseil de sécurité, s’affaiblirait elle-même si elle prônait des sanctions en dehors du Conseil. La charte de l’ONU exclut le recours à la force dans les relations internationales, sauf dans les cas de légitime défense ou après une décision du Conseil de sécurité.

On a deux exemples en tête : les opérations militaires contre l’Irak qui avait été approuvées par l’ONU et celles de 2003 qui n’avaient pas été approuvées. Cette expérience montre que lorsqu’on fait une guerre illégale on se met devant les pires difficultés. Et il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir que la région a besoin de tout sauf d’une guerre supplémentaire. On ne résoudra jamais le programme nucléaire iranien avec des frappes limitées : d’éventuelles frappes ne seront pas limitées. Elles auraient des réactions en chaîne, dont on connaît le début, mais dont nul ne peut prévoir la fin. Ce qui s’est passé en Irak en 2003, même d’un point de vue stratégique, en dehors des questions humanitaires, devrait pousser à la plus grande prudence.

Justement, au moment où les États-Unis commencent à prendre conscience de l’échec irakien, le gouvernement américain pourrait-il se lancer dans une nouvelle guerre ?

Malheureusement, oui ! Il y a des gens qui souhaitent la guerre. Il y a des gens aux États-Unis qui pensent que, par rapport à l’Iran, seule une solution militaire peut être mise en place, et qui reprennent les mêmes arguments qui avaient été utilisés lors de la guerre en Irak. Certains dans l’entourage de Bush sont tentés de résoudre les difficultés devant lesquelles ils se trouvent par une sorte de fuite en avant que serait un nouveau conflit. Le pari de Sarkozy à l’égard des États-Unis qui est de dire « allié non aligné » a besoin pour être effectif qu’il n’y ait pas de guerre.

Si les Américains ou les Israéliens lançaient ces opérations militaires, il n’y aurait qu’une alternative : approuver et donc être aligné, ou condamner et ne plus être considéré en période de guerre comme un allié par les États-Unis. Non seulement une guerre contre l’Iran serait une catastrophe supplémentaire dans un monde qui n’en a pas besoin. Pour le positionnement choisi par Sarkozy jusqu’ici, ce serait également un échec personnel, car il ne pourrait plus tenir les deux bouts de la chaîne qu’il a choisi de tenir jusqu’ici.

Entretien réalisé par Anne Roy


Du même auteur :

- Nicolas Sarkozy et le Proche-Orient
- Les Américains et la course à l’armement
- Iran : le scénario catastrophe

Sur le même thème :

- Les avancées nucléaires font reculer la paix
- L’hypocrisie du nucléaire au Moyen-Orient

Pascal Boniface & Anne Roy - L’Humanité, le 19 septembre 2007


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