Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexandre Lossioukov, réagit dans une interview aux déclarations de plus en plus belliqueuses des Occidentaux à l’égard du régime iranien. Selon lui, bombarder l’Iran serait une erreur.

Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad - Photo : AFP

Téhéran doit accueillir, le 16 octobre, le sommet des Etats riverains de la Caspienne. On y attend le président russe, alors même que les Etats-Unis évoquent de plus en plus la possibilité de bombardements massifs de l’Iran [justement aux alentours de cette date]. Vladimir Poutine ne prendrait-il pas trop de risques en se rendant à ce sommet ?

J’ignore si les Américains bombarderont pendant le sommet des pays de la Caspienne. Je pense qu’ils s’abstiendront au moins jusqu’à la tenue du sommet - dans le cas contraire, ils auraient de sérieux problèmes. Plus globalement, bombarder l’Iran serait une initiative erronée qui entraînerait des conséquences catastrophiques.

Existe-t-il un dispositif de consultations avec les Etats-Unis, afin que la Russie puisse, en cas de bombardements, sauver ses citoyens qui travaillent en Iran, en particulier ceux qui participent à la construction de la centrale nucléaire de Bouchehr ?

Vu la complexité de la situation qui prévaut en Iran, nous avons des plans d’évacuation de nos ressortissants. Ils sont au point et peuvent être mis en ?uvre en cas de besoin. Mais j’escompte bien que le scénario violent ne se concrétise pas. D’une part, il engendrerait une aggravation extraordinaire de la situation au Proche-Orient, qui est déjà pire que tout. D’autre part, il susciterait une réaction extrêmement négative du monde musulman. Bien sûr, je ne peux pas savoir comment évolue le processus de réflexion aux Etats-Unis sur le sujet, mais des actions militaires constitueraient une énorme erreur diplomatique et politique.

On a l’impression que plus l’Iran coopère avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), plus cela irrite Washington, comme cela avait été le cas à l’époque avec l’Irak. Est-il possible de prévenir des actions militaires inappropriées de la part des Etats-Unis ?

Certes, la pression qu’exercent les Etats-Unis et les pays occidentaux sur l’Iran est très forte. On peut, pour une part, comprendre leurs craintes. Afin d’éliminer ces craintes, l’Iran devrait se montrer plus ouvert, faire preuve de plus de bonne volonté. Mais tout ce que nous pouvons faire, c’est exprimer notre point de vue. L’Iran a sa propre façon de voir, et il se base là-dessus. Dans notre dialogue avec l’Iran, nous insistons sur le fait que Téhéran doit chercher à satisfaire la communauté internationale, comprendre les inquiétudes qui existent et se montrer plus ouvert. Notre dialogue avec les Iraniens sur ce thème est permanent, et il va se poursuivre.

De graves questions se posent à l’Iran, et il doit y répondre. Nous devons obtenir que cela se passe par le biais de l’AIEA ou pas des biais analogues. Il n’y a pas d’autre solution. Quant à accumuler les interventions militaires et créer un nouvel Irak, en plus de l’Afghanistan, voilà qui déstabilisera alors toute la région. Cela n’est absolument pas dans nos intérêts, ni, à mon avis, dans ceux des Américains. Nous sommes persuadés qu’il n’existe aucune solution militaire au problème iranien. C’est impossible. D’ailleurs, il est tout aussi évident qu’il n’existe pas non plus de solution militaire au problème irakien. Mais avec l’Iran, les choses risqueraient d’être encore plus compliquées.

Propos recueillis par Katerina Labetskaïa

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A propos de l’Iran :

 Bush prévoit d’attaquer l’Iran, par Marjorie Cohn
 De l’« american way of life » à l’« american way of war », par Chems Eddine Chitour
 Pourquoi Bush peut déclencher une attaque contre l’Iran, par Jean Bricmont

Alexandre Lossioukov & Katerina Labetskaïa - Vremia Novostieï (via le Courrier international), le 17 septembre 2007