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Bienvenue dans le creuset américain

mardi 11 septembre 2007 - 06h:43

Rick Hampson - USA Today

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L’avenue de Coney Island, à Brooklyn, accueille des communautés ethniques qui vivent en bonne intelligence.

"Qu’y a-t-il donc dans Coney Island Avenue, que l’on ne trouve pas ailleurs ?" se demande Jerry Krase, sociologue au Brooklyn College, en regardant par la fenêtre du bus B68 qui emprunte cette artère commerçante de 8 kilomètres de long. Selon les arrêts, c’est un genre différent de voyageurs qui attend : Antillais, Latino-Américains, Pakistanais, Indiens, Juifs orthodoxes, Chinois, Russes, Israéliens et Ukrainiens.

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Un bout de l’avenue Coney Island (Ph. Robert Deutsch, USA Today)

Comment tant de populations aussi différentes peuvent-elles vivre aussi pacifiquement les unes à côté des autres ? Le long du trajet du bus, les enseignes des magasins passent de l’anglais à l’arabe, à l’hébreu, au chinois et au russe. Des juifs ultraorthodoxes portant barbe, manteau noir et fedora partagent les trottoirs et les allées des magasins avec des musulmanes voilées et des hindoues en sari. A Glenwood Road, un juif de Moldavie et un Pakistanais musulman manient les ciseaux côte à côte dans un salon de coiffure. Un peu plus bas, un épicier musulman annonce en vitrine qu’un tiers de ses produits sont kasher.

Ailleurs dans le monde, certaines de ces populations - les musulmans et les juifs, les Russes et les Ukrainiens, les Pakistanais et les Indiens - sont à couteaux tirés. Ici, explique Jerry Krase, "les gens comprennent tout de suite que ce n’est pas l’endroit pour se battre".

Coney Island Avenue n’est pas les Champs-Elysées. Elle est bruyante, très fréquentée et pas vraiment belle : on y trouve des laveurs de voitures, des carrossiers, des magasins de matériel informatique et des commerces qui proposent en devanture des cartes téléphoniques, des voyages soldés, des transferts d’argent à l’étranger, des téléphones portables ou des contrats d’assurance. Il y a également toutes sortes de restaurants, de Tzar Boris ("Grande cuisine russe") à Thai Aroma en passant par El Alamo, Casa Italia (cuisine italienne kasher) et HFC, pour "halal fried chicken". "Il n’y a absolument rien à en dire du point de vue architectural ou historique", commente Ron Schweiger, spécialiste de l’histoire de Brooklyn. "Sa seule particularité est sa diversité ethnique."

Sa diversité et sa tranquillité, dans une ville surpeuplée et agressive où à peu près n’importe quoi, comme un accident de voiture, une insulte ou une bagarre, peut se transformer en quelque chose de plus grave, comme une manifestation, un boycott ou une émeute. Un bon exemple en est ce qui a failli se passer il y a quelques mois dans la partie juive orthodoxe où travaillent beaucoup de Pakistanais musulmans. Alors qu’il mangeait une glace devant un Dunkin’Donuts, un Pakistanais de 24 ans, Shahid Amber, a été pris à partie par un groupe de jeunes juifs orthodoxes. Il a raconté plus tard à la police qu’ils l’ont encerclé et traité de "terroriste". L’un des jeunes lui a craché dessus, un autre a fait tomber sa glace, et un troisième l’a frappé avec un coup-de-poing américain et lui a cassé le nez. Puis ils l’ont roué de coups de pied en lui disant de retourner dans son pays et de ne pas "chercher des crosses aux juifs".

Si l’on se fonde sur le déroulement des autres conflits raciaux et ethniques qui ont déchiré cette partie de la ville, cet incident était voué à devenir une grande cause, à être récupéré par les associations et les politiques et à faire l’actualité pendant plusieurs semaines. Mais, lorsque les journalistes ont débarqué dans Coney Island Avenue, ils ont été accueillis par les responsables juifs et musulmans du quartier, qui ont déclaré en ch ?ur que cette affaire était déplorable, qu’elle devait être réglée par la justice, pas par la rue ni par les médias, et qu’il s’agissait d’une conduite aberrante qui ne reflétait aucune tension sous-jacente entre les populations du quartier.

Plus encore : lorsque le Conseil pour les relations américano-islamiques, basé à Washington, a fait le lien dans un communiqué entre cette affaire et une vague d’agressions contre les musulmans dans tout le pays et réclamé l’ouverture d’une enquête fédérale, Mohammed Razvi, l’un des leaders de la communauté pakistanaise, s’y est opposé. "Certaines organisations nationales ont des objectifs bien précis, explique-t-il, et cela les intéressait de monter l’affaire en épingle. Mais notre communauté est très soudée, et nous avons fait en sorte que l’étincelle ne se transforme pas en feu. Il était hors de question de laisser cet incident nous dresser les uns contre les autres."


Sur un thème proche :

- Les Musulmans américains : l’inattendue intégration

Rick Hampson - USA Today (via le Courrier International), le 7 septembre 2007 : Brooklyn street proves yes, we all can getalong


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