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Le pire des scénarios pour l’Egypte

mardi 4 septembre 2007 - 08h:54

Mohamed Abdel Salam

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Personne n’avait anticipé il y a deux ans de cela la situation actuelle dans la Bande de Gaza. Ce qui se passe actuellement est en train de devenir le pire des scénarios pour l’Egypte et les officiels égyptiens ne cachent pas leur avis à cet égard. Dans son éditorial, le journal semi-officiel Al-Ahram a commencé à parler du « courant fanatique » à l’intérieur du Hamas. Des déclarations répétées confirment que la tendance visant à séparer Gaza de la Cisjordanie ou d’établir un émirat islamique à Gaza menace la sécurité nationale de l’Egypte. Les officiels égyptiens espèrent que le Hamas comprendra que ses actions dans la Bande sont examinées de près et qu’il y a des lignes rouges à ne pas dépasser qui imposeraient une politique dure si jamais les intérêts de l’Egypte étaient affectés négativement.

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1° septembre 2007 - Impressionnante manifestation organisée par le Hamas au poste-frontière de rafah bouclé par les israéliens, les égyptiens et l’Union européenne
Photo : AP/Khalil Hamra

Le point-de-vue répandu en Egypte est que ce qui est arrivé n’est pas la conséquence inévitable du retrait israélien de la Bande de Gaza. Certains analystes estiment que les retraits qui se sont effectués sans arrangement politique préalable suffisant ou des élections menées sans prendre en compte les réalités politiques peuvent produire des effets négatifs alors même que ces mesures sont bonnes en soi. Mais l’Egypte ne pouvait pas s’opposer au retrait israélien des territoires palestiniens. Au contraire, l’Egypte pensait qu’une gestion disciplinée des affaires de Gaza après le retrait pourrait devenir un modèle pour d’autres retraits des territoires palestiniens. L’Egypte a joué un rôle direct en gérant les dispositions sécuritaires avant et après le retrait. La sécurité en était le facteur clé.

Ce qui s’est passé à Gaza après le retrait a été le résultat d’une série de problèmes apparemment incontrôlables : la performance du mouvement Fatah a été épouvantable ; le Hamas a pensé qu’il avait une opportunité pour gouverner Gaza ; Israël n’a pas suffisamment soutenu Abu Mazen alors que lui, de son côté, jouait à des jeux dangereux ; l’influence des acteurs régionaux a commencé à pénétrer dans la Bande de Gaza. Le siège imposé sur le gouvernement palestinien suite aux élections de janvier 2006 a embrouillé tout le monde. Toutes ces routes menaient à la catastrophe.

Certains disent que l’Egypte aurait pu intervenir plus durement afin de contrôler la situation et qu’elle a été plus complaisante qu’elle n’aurait dû être vu la situation. Mais les Palestiniens ne sont pas des acteurs faciles, le comportement des pays partenaires n’a pas aidé et l’Egypte était réticente à adopter des pressions tactiques par crainte de donner l’impression que le vieux « gouverneur de Gaza » était revenu. Personne ne sait si la situation aurait pris une autre tournure si l’Egypte avait appliqué une autre politique.

Mais partout, on a bien compris que la politique de l’Egypte vis-à-vis de la Bande de Gaza était liée non seulement à son engagement à la cause palestinienne et à son sens de responsabilité envers la population de Gaza mais aussi envers sa propre sécurité. Aucun pays au monde ne serait prêt à vivre à côté d’une bombe potentielle (que ce soit la « Bande ratée » du Fatah ou un émirat radical sous le pouvoir du Hamas) surtout quand la bombe se trouve directement sur la frontière avec le Sinaï dont le statut sensible vient de son emplacement stratégique, d’investissements touristiques et de la nature de sa population. Les défis sécuritaires auxquels l’Egypte a dû faire face après le retrait israélien se sont multipliés.

La zone frontalière fut le premier défi. La question n’est pas tant le corridor de terre qui s’étend sur 14 kilomètres que la présence de près de 1.5 millions de personnes vivant sur 350 km2 directement de l’autre côté du corridor. La seule véritable sortie vers le monde extérieur se fait par l’Egypte. La frontière divise une ville, Rafah. Des dispositions sécuritaires égypto-israéliens limitent le personnel armé sur la frontière à un nombre insuffisant. Il y a des déplacements énormes de personnes mues par des besoins humanitaires et des énormes écarts de prix de part et d’autre de la frontière. Il n’y a pas d’autorité stable de l’autre côté avec laquelle il est possible de se coordonner de façon régulière et fiable. Il y a également une circulation souterraine illégale de marchandises, narcotiques, armes et individus passant par des tunnels ce qui représente une menace sécuritaire pour l’Egypte et Israël mais un profit économique pour ceux qui les creusent.

Dès le début, l’Egypte a dû s’occuper des problèmes administratifs concernant le point de passage et la fermeture des tunnels ; cela a provoque des frictions avec les Palestiniens comme avec les Israéliens. Immédiatement après le retrait israélien, l’Egypte a été prise de court lorsque 250.000 Palestiniens se sont précipités vers la ville d’al-Arish. D’autres problèmes ont suivi. Le Sinaï a été le théâtre de trois grandes opérations terroristes dont il a été démontré que les auteurs avaient des liens avec des radicaux de Gaza. La fermeture des passages frontaliers ont provoqué la mise en place de camps de réfugiés pour les Palestiniens furieux bloqués du côté égyptien. Les tentatives visant à démolir les maisons des habitants de Rafah le long de la frontière et ce, dans le but de freiner le creusement de tunnels, ont provoqués des protestations, des manifestations et des morts. Des problèmes plus récents ont été provoqués par les tentatives de réfugiés soudanais de s’infiltrer en Israël.

Les problèmes de l’Egypte avec la Bande de Gaza ont été aggravés après que le Hamas ait pris contrôle de la Bande au milieu de cette année. Une nouvelle étape dans les relations entre les deux partis s’en est suivie. Le Caire avait traité le Hamas en tant qu’acteur principal qui ne pouvait pas être ignoré et il pensait qu’il pouvait parvenir à une relation de travail sérieuse avec certains de ses dirigeants, relation basée sur un certain degré de confiance en même temps qu’une coexistence pacifique, et une attitude de bon voisinage. Mais le Caire a aussi réalisé la fourberie du Hamas car, comme lors de la période précédant la guerre civile à Gaza, celui-ci était tombé de plus en plus sous le contrôle de ses dirigeants en exil et de ses branches militaires. Les alliances externes du Hamas avec l’Iran, la Syrie et peut-être même le Qatar, ont commencé à le pousser à changer ses engagements avec l’Egypte.

L’Egypte n’a pas non plus accepté sans réserve le coup du Hamas à Gaza ni les explications qui ont été données sur ce qui s’était passé. Mais cela ne voulait pas dire qu’elle allait adopter des mesures inhabituelles comme celle d’imposer un siège sur la Bande. C’était clair que l’Egypte ferait la distinction entre l’aspect politique et l’aspect humanitaire et, au moment venu, elle impulserait un dialogue entre le Fatah et le Hamas. En fin de compte, le Hamas encerclé par Israël, la mer et l’Égypte, ne peut pas aller très loin. L’Egypte adopte donc une nouvelle stratégie basée sur la reconnaissance des dangers résultant du contrôle du Hamas sur la Bande mais sans les aggraver ni empêcher une solution au problème. Des questions pragmatiques ont déjà refait surface. Mais durant tout ce temps, aucune opportunité n’a été perdue pour faire comprendre au Hamas qu’il y avait des lignes rouges égyptiennes à ne pas franchir.

Mais le Hamas réalisera-t-il cela ? S’il ne le fait pas, que décidera de faire l’Egypte ? Ce sont là des questions auxquelles les officiels égyptiens espèrent ne pas avoir à chercher des réponses dans le futur proche à moins qu’un scénario encore pire que celui-ci n’émerge.

*Mohammed Abdel Salam est le directeur du Programme de Sécurité Régional au Centre Al-Ahram pour les Etudes Politiques et Stratégiques, au Caire.

30 août 2007 - Bitterlemons - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Ana Cléja


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