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Il ne s’agit pas seulement de territoire, mais de viabilité

samedi 25 août 2007 - 03h:20

Jeff Halper - Ma’an News Agency

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Sur papier, les titres étaient prometteurs, voire enthousiasmants. Le Premier Ministre Ehud Olmert, aurait dit au Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, lors de leur réunion à Jéricho, qu’il promouvrait l’établissement d’un Etat palestinien « aussi rapidement que possible » sur « l’équivalent de 100 pour cent des territoires conquis en 1967 ». Selon l’annonce, les Palestiniens ne cèderaient que 5% de la Rive occidentale en échange des territoires cédés. En d’autres termes, Israël se retirerait de 95,6% de la Rive occidentale et de Gaza combinés - chiffre qui ne comprend toutefois pas Jérusalem Est, qu’Israël ne considère pas comme occupée.

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Village de Tell and Sarra, près de Naplouse, 20 août 2007 - Les villageois, assistés par des internationaux, déplacent les blocs installés là par les Israéliens pour empêcher la libre circulation - Photo : Nasser Ishtayeh/AFP

Cela ressemblait à une autre « offre généreuse » que les Palestiniens ne pouvaient absolument pas refuser. Le problème est qu’elle était beaucoup trop généreuse pour que les Israéliens l’acceptent. Quelques heures après l’annonce, le cabinet du Premier Ministre nia jusqu’à l’existence de cette proposition. « Nous ne connaissons pas le plan dont il est question dans l’article [de Haaretz] » déclara le cabinet du Premier Ministre. « Nous aimerions préciser qu’un tel plan n’a pas été envisagé et qu’il n’est abordé dans aucun débat ».

Chapitre clos. Il est toutefois utile d’examiner cette proposition ne fût ce que pour sa qualité de « meilleur » scénario. Celui-ci semble céder la quasi-totalité du territoire occupé aux Palestiniens ; c’est apparemment le maximum absolu qu’Israël peut offrir aux Palestiniens. Démontrer qu’il ne s’agit en fait que d’une tentative sophistiquée d’étendre le contrôle israélien jusqu’au Jourdain sans aucune chance de mettre fin au conflit avec les Palestiniens, illustrera abondamment la futilité d’un processus de paix reposant sur le simple transfert de territoire plutôt que sur la viabilité de la solution. Comme vous le savez, le diable se cache dans les détails. Voyons donc ce que ce plan de 100% cache, même s’il ne s’agit pas réellement d’un plan.

Ce n’est pas un Etat palestinien sur l’équivalent de la totalité des territoires occupés (qui ne représentent, faut-il le rappeler, que 22% de la Palestine historique) qui est en question. Le problème est de savoir, comme la feuille de route le précise, si un Etat palestinien est véritablement souverain et viable, peu importe la partie des territoires sur laquelle il sera créé. Je dirais que même si d’après ce plan Israël ne gardait que 5% de la Rive occidentale un Etat palestinien ne pourrait pas voir le jour. Quels sont les détails qui distinguent une paix juste et durable de l’apartheid ?

La souveraineté : la base des négociations dit Olmert, « continuera d’être la feuille de route, qui est acceptable pour les deux parties ». Cela est vrai en général, mais avec quelques réserves majeures. La deuxième phase de la feuille de route est le cauchemar des Palestiniens et ils ont constamment insisté pour qu’elle soit supprimée. Cette phase stipule la création d’un Etat palestinien « transitoire » dans des « frontières provisoires ». Ils craignent que si tout est calme, qu’Israël peut prétendre qu’il existe un Etat palestinien et que l’occupation est terminée, qui garantira que la feuille de route se poursuivra en une phase III sur la négociation des épineux détails finals et dont un véritable Etat palestinien émergera ? Leurs craintes sont justifiées et ceci peut être le « piège ». Israël considère ses « 14 réserves » comme partie intégrante de la feuille de route. La réserve No 5 dit : « L’Etat provisoire aura des frontières provisoires et certains aspects de souveraineté ; il sera complètement démilitarisé, il n’aura aucune autorité pour contracter des alliances de défense ou de coopération militaire. Israël contrôlera toutes les entrées et sorties des personnes et des marchandises, tout comme son espace aérien et son spectre électromagnétique ».

Relisez cela et essayer de concilier cette réserve avec la notion de souveraineté palestinienne. Tzipi Livni a travaillé pendant des mois sur ce qu’elle appelle « L’initiative israélienne de la solution des deux Etats » basée précisément sur le remplacement de la phase I de la feuille de route (qui exige le gel de la construction de colonies par Israël) par la phase II à problèmes. Rice a dit que l’administration Bush travaillera en vue d’un Etat palestinien provisoire, laissant « les détails » à l’ administration suivante.

Un Etat n’a pas de souveraineté sans frontières. Outre le problème du caractère provisoire de la proposition, Olmert a-t-il l’intention d’accorder une frontière non supervisée avec la Jordanie ? Si Israël insiste pour contrôler les frontières, ou si le Jourdain fait partie des 5% que les Palestiniens doivent céder, il n’y a pas d’Etat palestinien même s’il reçoit la totalité du territoire.

Viabilité : Israël pourrait effectivement céder 95% de la Rive occidentale mais garder le contrôle total d’un Bantustan palestinien sans économie viable. S’il insiste pour contrôler les frontières, refusant aux Palestiniens le libre mouvement des marchandises et des personnes, l’Etat palestinien ne sera pas viable. Si les 5% que les Palestiniens doivent céder comprennent un couloir traversant la Rive occidentale ou si Israël insiste pour garder la colonie de Ma’aleh Adumim avec son corridor “E-1” jusqu’à Jérusalem détruisant ainsi la continuité territoriale d’un Etat palestinien, celui-ci ne sera pas viable. Si le plan prévoit le contrôle par Israël de toutes les ressources en eau, l’Etat palestinien ne sera pas viable. Si Jérusalem n’est pas intégrée totalement dans un Etat palestinien aux plans politique, géographique et économique - et je parie que le c ?ur de Jérusalem Est n’est pas inclus dans les 95% - il n’y a pas d’Etat palestinien viable. Selon la Banque mondiale, Jérusalem entre pour 40% dans l’économie palestinienne du fait du tourisme, potentiellement la principale industrie.

La différence entre un Etat palestinien véritablement souverain et un Bantustan tient à quelques points de pourcentage de territoire stratégique. Il est évident qu’Israël pourrait lâcher 95% de la Rive occidentale, de Gaza et de parties de Jérusalem tout en maintenant un contrôle complet. La conception même d’une solution fondée sur le territoire est viciée. Elle ne correspond pas au droit des Palestiniens à un Etat souverain et viable ; elle perpétue simplement le contrôle israélien. Une solution réalisable exige une approche acquise à un Etat palestinien viable. Il faut donc se pencher sur les questions présentées ci-dessus.

Entre temps, les plans fondés sur le territoire réitérés par Israël et dont certains sont plus « généreux » que d’autres, ont tous le même objectif : la continuation des colonies, un « grand » Jérusalem israélien et le contrôle de la totalité du pays. A moins que cette matrice de contrôle ne soit détruite et que l’on n’autorise la création d’un véritable Etat palestinien - à supposer que ce soit possible vu les « actes pratiques » posés par Israël - nous devrons soigneusement surveiller chaque proposition pour déterminer si elle mettra vraiment fin au conflit ou se bornera à remplacer l’occupation par un régime sophistiqué d’apartheid. La construction continue des colonies par Israël et son parti de garder des parties stratégiques de la Rive occidentale et du « grand » Jérusalem jettent à juste titre le doute sur les intentions de ce pays.

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Jeff Halper

* Jeff Halper est le coordonnateur du Comité israélien contre les destructions de maisons. Vous pouvez lui écrire à jeff@icahd.org

Du même auteur :

- Garder le cap sur l’apartheid

8 août 2007 - Ma’an News Agency - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.maannews.net/en/index.ph...
Traduction : amg


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