" La raison pour laquelle le rapport Baker-Hamilton a été bien reçu par les Palestiniens, par l’opinion comme par les dirigeants, est qu’à bien des égards il a repris des arguments qu’ils avançaient eux-mêmes tant sur le conflit israélo-palestinien que sur la situation régionale dans laquelle le problème palestinien est crucial."

La cause palestinienne est un élément significatif du psyché arabe et islamique. Laisser se poursuivre cette injustice que les Palestiniens subissent à cause d’un parti pris occidental injustifié en faveur d’Israël contribue grandement à créer l’hostilité de la région à l’égard de l’Occident. Cela convainc aussi les peuples de cette région que le prétendu attachement occidental à la légalité internationale et à la comptabilité entre les civilisations n’est pas crédible.

En tous les cas, le rapport ne change pas vraiment les choses. Le problème qu’ont les Palestiniens avec la politique américaine n’est pas tant dans les positions affichées par Washington que dans la différence entre les positions et les actes US. Donnons un exemple, la position américaine officielle a toujours été de dire que les colonies juives dans les territoires occupées étaient illégales ou un obstacle à la paix. Et pourtant, Washington ferme les yeux sur l’expansion permanente de ces colonies.

L’échec US en Iraq et plus largement dans la campagne anti-terroriste - tout comme le sentiment qui se développe surtout en Europe que l’approche américaine du conflit Palestine/Israël a été un élément majeur de ces échecs - est l’élément qui a incité le Congrès à commander le rapport en priorité. Mais la radicalisation croissante de la région, avec une extension de l’attitude anti-occidentale, n’est pas simplement un phénomène sécuritaire ou politique, c’est beaucoup plus large.

Pour mieux appréhender la situation, nous devons d’abord admettre l’importance des facteurs socio-économiques - en particulier l’augmentation du chômage et de la pauvreté, des difficultés auxquelles sont confrontés les secteurs sociaux, spécialement ceux de l’enseignement - et de façon primordiale, de l’écart qui se creuse, en termes économiques et sociaux, entre cette région et l’Occident.

Il faut noter à ce point de la réflexion que les gouvernements et régimes qui ont failli à appliquer et encourager les programmes de développement économique et social sont essentiellement ceux qui soutenaient et écoutaient les gouvernements occidentaux, spécialement américain. Ceci crée le sentiment que ce soutien a été l’une des raisons des problèmes économiques et sociaux.

Il y a également des problèmes culturels et identitaires. Du point de vue des gens de cette région, la globalisation, spécialement la globalisation économique, a engendré une hégémonie culturelle qui a créé une crise identitaire et affaiblit la cohésion de la société.

Les éléments socio-économiques, culturels autant que politiques et sécuritaires ont tous besoin d’être examinés si ont veut comprendre vraiment les racines profondes de la frustration qui enfle, de la colère et de la radicalisation de la région à l’égard des régions plus privilégiées dans le monde, des privilèges perçus comme partiellement responsables des souffrances de cette région, et d’autres.

Résoudre la contradiction d’une stratégie américaine qui défend une réforme et une démocratisation tout en en rejetant les résultats quand ils donnent le pouvoir à des groupes politiques islamiques pourrait ne pas être une mauvaise chose pour commencer.

Ghassan Khatib est co-rédacteur en chef du groupe Bitterlemons pour les publications internet. Il a été ministre de la Planification de l’Autorité palestinienne, analyste politique et responsable des relations avec les médias pendant de nombreuses années.

le 11 décembre 2006 - http://www.bitterlemons.org/issue/p...
Traduction : JPP