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On affame Gaza

jeudi 23 août 2007 - 06h:36

Chris Hedges - The New York Times

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Gaza est devenue la Sarajevo du Moyen-Orient.

Israël avec un comportement semblable à celui des Serbes en Bosnie, a encerclé et coupé près 1.5 millions de Palestiniens dans la Bande de Gaza depuis que le groupe islamiste Hamas a en pris le contrôle en juin. Des clôtures électriques et des tours de garde tenues par des soldats israéliens piègent les Palestiniens à l’intérieur de la Bande. Le blocus par terre et par mer, l’arrêt de pratiquement toute l’aide humanitaire et le refus de permettre à Gaza de recevoir le soutien financier écrase l’industrie, l’agriculture et les infrastructures.

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Un Palestinien marche à côté du mur frontalier de Rafah au sud de la Bande de Gaza. Dans l’obscurité souterraine, sous une chaleur étouffante et une alimentation en air insuffisante, les habitants de Gaza trouvent un antidote à leur isolement grandissant : creuser des tunnels sous la frontière avec l’Egypte afin de faire passer pour les citoyens tout ce qui est possible allant des armes aux cigarettes - Photo : AP

La tactique est claire : Israël et les Etats-Unis vont étrangler Gaza en coupant l’argent et les biens de consommation y compris le combustible et une grande partie de la nourriture et ce, afin de réduire un des endroits les plus peuplés du monde en un ghetto appauvri. La faim et l’anarchie, espèrent-ils, motivera les habitants de Gaza à se retourner contre le Hamas et ainsi l’anarchie justifiera peut-être une réoccupation par l’armée israélienne et le retour du président collabo Mahmoud Abbas qui avait été évincé après avoir mené un coup raté pour renverser le gouvernement élu démocratiquement du Hamas. Abbas est aujourd’hui en Cisjordanie.

L’administration Bush, dans un effort pour renforcer la crédibilité d’Abbas, a promis d’apporter à son gouvernement 190 millions de $ d’aide et 80 millions$ en assistance sécuritaire. Et le premier ministre israélien est parti à Jéricho pour racoler Abbas en tant que partenaire pour la paix.

Les effets de ce siège sont désastreux. Les Palestiniens de Gaza n’ont pas le droit de partir à l’étranger. Ils ne peuvent pas entrer en Israël pour travailler. Ils ne peuvent pas pêcher car les bateaux de guerre israéliens ouvrent le feu sur tout bateau qui est à plus d’un ?mile’ de la côte. Selon la Banque Mondiale, 75% des usines de Gaza ont fermé depuis juin et plus de 68.000 emplois ont été perdus. Le taux de chômage est de 70% et 1.1 millions des 1.5 millions de Palestiniens vivant à Gaza dépendent de l’aide des Nations Unies pour survivre. Le boycott a obligé les Nations Unies à suspendre pour 93 millions de $ de projets de constructions pour des maisons, écoles et traitement des eaux d’égouts à Gaza car le ciment et les autres matériaux de construction ont été épuisés. Ces projets employaient 121.000 personnes. Environ 80% des Palestiniens de Gaza survivent avec 2$ par jour ; Les produits alimentaires de base comme le lait en poudre, le lait pour bébés, l’huile végétale et l’approvisionnement en médicaments commencent à manquer. Les familles qui ne peuvent ni acheter de la nourriture ni travailler, vivent pratiquement que avec du thé et du pain.

L’instabilité est intensifiée par la violence réciproque parmi les factions palestiniennes, par les gangs, les clans, les milices et les criminels ainsi que par les avions israéliens qui bombardent les camps de réfugiés en essayant d’atteindre les militants et par les patrouilles israéliennes qui font des incursions dans la Bande pour rafler les suspects. Il est pratiquement impossible pour les Palestiniens d’entrer ou de sortir de Gaza. La seule connection au monde extérieur pour la population piégée est à travers des tunnels profonds que les palestiniens ont creusé sous la frontière avec l’Egypte. Ces tunnels sont utilisés pour faire passer en contrebande des marchandises, armes et gens tout comme le tunnel sous l’aéroport de Sarajevo l’était durant la guerre en Bosnie.

La crise humanitaire qui se dessine, créée et orchestrée par le gouvernement israélien en violation de la loi internationale, est une forme brutale de punition collective. Mais cette politique a le soutien du gouvernement complaisant d’Abbas qui a ordonné à tous les officiels gouvernementaux à Gaza (dont la police) de refuser de travailler et aux bureaux gouvernementaux, de fermer leurs portes. Ceux qui se rendent au travail, dit-il, ne recevront plus leurs salaires. Il a suspendu le bureau du procureur général de la Bande de Gaza et, afin que l’argent ne tombe pas aux mains du Hamas dirigé par Ismaël Haniyeh, il a dit aux hôpitaux gouvernementaux de ne pas demander de paiement. Abbas a même menacé de ne pas reconnaître les résultats des examens des lycées à Gaza car le système éducatif est administré par ce qu’il appelle, un gouvernement illégitime.

Sur le front de relations publiques, Abbas, sachant quels boutons pousser à Washington, a lié le gouvernement du Hamas à Al-Qaïda et a marqué sa branche militaire du sceau « d’organisation terroriste ».

« Oui, à travers le Hamas, Al-Qaïda a pénétré dans Gaza et à travers le Hamas, Al-Qaïda est protégé » a-t-il déclaré le 10 juillet à Rome à la chaîne de italienne RAI TV.

La décision d’Israël et des Etas Unis d’élargir le schisme et d’augmenter les tensions entre le Hamas et Abbas est une erreur magistrale qui prend des proportions catastrophiques. La haine vis-à-vis d’Israël et des Etats-Unis qui est déjà profondément ancrée parmi les Palestiniens ne fera que grandir tant que le siège continuera. Abbas, en dansant au son de ceux qui sont considérés par les Palestiniens comme des ennemis, est en train de devenir une figure honnie, faible et discréditée. Le schisme rend tout accord de paix et de coopération future encore plus insaisissables. Le Hamas est une organisation désagréable mais tant qu’elle a un large soutien parmi les Palestiniens, ce qu’elle a, il faudra bien qu’elle soit incluse dans tout accord éventuel si la civilité et la paix doivent être restaurées à Gaza et en Cisjordanie. La tentative maladroite de faire partir le Hamas en distribuant des punitions draconiennes aux Palestiniens de Gaza ne fera que radicaliser encore plus de Palestiniens au risque de voir une guerre civile déborder en Cisjordanie. Malgré toute l’aide que reçoit Abbas, il risque d’avoir à engager bientôt des combats contre le Hamas à Ramallah.

La violence amène la violence. L’Irak aurait dû nous apprendre cela. La route choisie par l’administration Bush et le gouvernement israélien est une route qui a échoué en Irak, échoué au Liban et qui échouera dans les territoires palestiniens. Elle ne fera qu’augmenter le chaos, la souffrance et la mort. Le Hamas ne va pas disparaître à cause de la répression israélienne. Les organisations radicales comptent au contraire sur cette répression pour construire une base militante en faisant taire les voix de la raison dans leurs propres sociétés. Ces deux extrêmes apocalyptiques (représentés par le Hamas et la droite israélienne) ont besoin de l’un l’autre pour encourager leurs visions effrayantes. La droite israélienne rêve d’une population palestinienne brisée et servile vivant dans des réserves appauvries entourées par l’armée israélienne. Le Hamas rêve de détruire l’état juif. Aucun de ces rêves n’est basé sur la réalité. Aucun de ces rêves ne marchera. Mais beaucoup de personnes souffriront et mourront avant de le découvrir.

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Chris Hedges

* Chris Hedges, diplômé du Havard Divinity School a été pendant près de vingt ans un correspondant à l’étranger pour le « The New York Times ». Il est l’auteur de : « American Fascists : The Christian Right and the War on America ».



Du même auteur, en collaboration avec Laila Al-Arian :

- L’autre guerre : des vétérans d’Irak témoignent

20 août 2007 - truthdig.com - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.truthdig.com/report/item...
Traduction : Ana Cléja


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