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Le Liban, l’eau, la souveraineté

vendredi 24 août 2007 - 06h:49

Pierre Blanc - Confluences Méditerranée

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Depuis sa création en 1920, le Liban fait figure de château d’eau dans une région en proie à l’aridité. Avec le Mont Liban et le Mont Hermon au Sud, ce pays reçoit en effet un grand volume de précipitations qui se retrouvent tôt ou tard dans les eaux superficielles et dans les nappes souterraines. Cependant, malgré une dotation convenable, ce pays pourrait manquer d’eau dans la décennie qui vient, car si l’or bleu est réputé couler au Liban, il n’est pas très bien valorisé.

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Vue du fleuve Litani et du lac de Qaraoun

En effet, sur un total de 9,6 milliards de m3 de précipitations annuelles, seuls 1,3 milliard sont utilisés (1), le reste s’évapore, se perd dans la mer ou gagne d’autres territoires. Tandis que les pays voisins comptent nombre de retenues d’eau, le barrage de Qaraoun, édifié dans les années 1960 sur le Litani, est ainsi l’unique ouvrage d’envergure au Liban. A l’évidence, les choix de politique publique opérés après l’indépendance en 1943 n’ont pas privilégié la mise en place d’une grande politique d’irrigation, l’agriculture, qui est le grand consommateur d’eau, ne faisant pas véritablement l’objet d’une attention soutenue de la part des autorités dont l’intérêt s’est plutôt porté sur le secteur des services, moins dispendieux en eau, qui se concentre surtout dans les villes, en particulier à Beyrouth (2). En outre, ce déficit d’équipements hydrauliques participe des vicissitudes que le Liban a traversées et qui ont ralenti les projets d’aménagements. En effet, alors que bon nombre de pays méditerranéens lançaient des programmes d’équipements hydrauliques à partir des années 1960 et 1970, le Liban connaissait une guerre civile de quinze ans, achevée en 1990, qui devait obérer la politique de construction des canaux d’amenée d’eau.

Oronte, Litani : des fleuves libérés ?

Cependant, ce retard dans la politique de mise en place des infrastructures hydrauliques procède également d’une souveraineté réduite en la matière, du fait des convoitises que les pays voisins exercent sur les eaux du Liban. Il en est ainsi du fleuve Oronte (Nahr el Assi) qui prend sa source au Liban avant de traverser la Syrie puis de déboucher en Méditerranée via la Turquie, ce pays ayant récupéré le sandjak d’Alexandrette en 1939.

Vu l’importance de son débit, ce fleuve aurait pu participer beaucoup plus au développement de la région pauvre du Hermel, réputée pour être actuellement un fief du Hezbollah. Certes, depuis longtemps, nombre d’agriculteurs libanais puisent l’eau dans le bassin versant de ce fleuve, mais le déficit d’infrastructures, qui traduit le désintérêt de l’Etat libanais pour les régions périphériques en général et pour les ouvrages hydrauliques en particulier, les empêche de procéder à des prélèvements plus conséquents. Force est de reconnaître aussi que l’occupation syrienne n’a pas facilité l’exploitation de cette ressource par l’Etat libanais.

Longtemps Damas et Beyrouth ont en effet exprimé leur désaccord au sujet du partage de cette ressource commune, la tutelle syrienne consacrée en 1990 empêchant le Liban d’obtenir gain de cause. A propos de l’irrigation de quelque 6000 hectares dans les régions de Kaa et de Hermel, le Liban prétendait depuis longtemps retenir 126 millions de mètres cubes sur les 400 millions que compte en année moyenne le débit du fleuve, tandis que la Syrie ne souhaitait en concéder que 60. Après de nombreuses années de désaccord entre le Liban et la Syrie sur ce partage des eaux de l’Oronte, la commission libano-syrienne pour l’étude de celui-ci a fini par aboutir en 1994 à un “accord entre la République libanaise et la République arabe syrienne relatif au partage des eaux de l’Oronte sourdant dans le territoire libanais”. En particulier, cet accord affirme que l’Etat libanais a un droit de prélèvement de 80 millions de m3/an, ce qui est bien en deçà des 126 envisagés. D’autre part, selon l’article 2, les puits forés dans la partie libanaise sont considérés comme des droits acquis pour le Liban, exception faite de ceux situés dans la zone des 500 mètres, de part et d’autre des rives de l’Oronte et de ceux situés dans un cercle de 1500 mètres de rayon autour des sources, qui sont défalqués des 80 millions de m3.

En revanche, rien n’est défini quant à la disponibilité en eau pour la partie libanaise pendant les années humides, ni vis-à-vis des possibilités de stockage des eaux de l’Oronte dans le territoire libanais. Cet accord est encore souvent considéré comme inéquitable par les Libanais, ceux-ci considérant que les droits d’eau sont insuffisants pour une expansion notoire de l’irrigation. Mais dans cette région dominée par les formations politiques pro-syriennes (Amal, Hezbollah, parti social national syrien et Baas), les voix pour dénoncer l’accord n’ont quand même pas été très bruyantes, alors même que les troupes syriennes occupaient le Liban. Il n’empêche : malgré ces différends encore notoires qui soulignent au Liban l’impression de faible souveraineté hydraulique, des travaux de construction de barrage sur l’Oronte ont été entamés avant que la guerre de l’été 2006 entre Israël et le Hezbollah ne les interrompe. Si l’aménagement de l’Oronte a été entravé par un pays voisin, en l’occurrence la Syrie, il en est de même du Litani qui coule pourtant exclusivement au Liban mais qu’Israël a longtemps convoité. Déjà au moment de la création du Liban, les sionistes avaient exprimé, à propos du territoire qui leur serait un jour dévolu, le souhait que celui-ci soit bordé au nord par le Litani, ce que les Français refusèrent.

Et l’histoire montre que jamais les sionistes puis les Israéliens n’acceptèrent ce fait territorial. Il a fallu attendre le début des années 1970 pour que le Liban puisse utiliser les eaux du Litani à l’intérieur de son territoire, l’agriculture de la bande côtière entre Tyr et Saïda profitant déjà quelque peu de cette ressource. Assurément, les pesanteurs propres à la société libanaise - difficulté du processus décisionnel, rivalités entre régions chiites qui exigeaient que le Litani les servît en priorité, choix de politiques publiques peu tournés vers l’agriculture - ont obéré cet aménagement, mais Israël, par ses menaces récurrentes, avait également contribué à le ralentir. Cependant, quels qu’aient pu être ces obstacles, le Liban avait finalement engagé des travaux au début de la décennie 1970, afin d’irriguer une partie de la Bekaa sud, grâce à un canal d’adduction, nommé canal 900 parce qu’il était situé à une altitude de 900 mètres.

Néanmoins, la nouvelle infrastructure allait être détruite au moment de l’invasion du pays par Israël en 1982. Cependant, la période de reconstruction entamée en 1990 allait permettre la réhabilitation de ce canal qui, une fois restauré, allait irriguer quelque 2000 hectares. Est-ce le signe que le Liban a enfin recouvré sa souveraineté sur le Litani ? Rien n’est moins sûr puisque, à la faveur de la guerre de l’été 2006 entre le Hezbollah et Israël, ce canal a été victime de dégâts collatéraux. Dans ces conditions, la mise en place d’un nouveau canal capable de convoyer les eaux du Litani vers le Sud risque d’être ralentie, ce qui va encore entraver la valorisation du Litani par le Liban. Après le départ des Israéliens en mai 2000, le Liban a vite envisagé de valoriser un territoire méridional en déshérence, en particulier en recourant davantage à l’eau du Litani, via un canal dit canal 800. Les cazas de Bent-jbeil, Marjayoun, Hasbaya, Jezzine, Tyr et Nabatieh, qui ont été occupés totalement ou en partie par Israël, souffrent de difficultés économiques, particulièrement les deux premiers.

La volonté affichée aujourd’hui d’encourager le développement de ces régions ne peut en particulier s’exonérer d’une approche intégrée, avec bien évidemment une composante agricole. Or ce qui frappe dans cette région, c’est notamment l’importance des terres agricoles abandonnées, en particulier dans la partie la plus méridionale qui a été la plus longuement occupée par l’Armée du Liban-Sud (ALS), alliée d’Israël. L’agriculture a été très souvent abandonnée au profit des produits agricoles israéliens.

Ceci traduit le fait que, jusqu’au retrait israélien, prévalait dans la zone une “économie d’occupation” qui était basée sur le travail saisonnier ou permanent en Israël, l’enrôlement dans l’ALS et dans son administration civile, ainsi que sur les trafics avec l’Etat hébreu. La reconversion de cette région du Sud en souffrance appelle donc la mise en oeuvre d’investissements hydrauliques. Ainsi le départ des troupes israéliennes en mai 2000 a poussé les autorités à envisager la construction de l’adducteur 800, celui-ci faisant l’objet de deux lois (lois 415 et 416), votées le 5 juin 2002.

Avant cela, les études de faisabilité avaient été réalisées puis, après la promulgation des lois, les bailleurs, en particulier le Koweït, se sont manifestés pour construire le canal principal. Mais à l’heure de la reconstruction du Sud, après les affrontements de l’été 2006, il y a fort à parier que la mise en place de la canalisation primaire va être fortement ralentie, ce qui renvoie encore une fois à plus tard l’exploitation du Litani.

Le Hasbani-Wazzani : retour sur une crise

A la faveur du départ de Tsahal en 2000, le Liban allait également songer à exploiter un autre fleuve au Sud, le Hasbani, qui, avant de se retrouver en Israël, prend sa source sur le versant libanais du Mont Hermon. En vue de valoriser ces eaux pour le développement du Sud, des travaux de construction d’une nouvelle station de pompage ont été lancés dès le mois d’août 2002 par le Conseil du Sud, véritable Etat dans l’Etat, contrôlé par le mouvement chiite Amal, et qui avait été chargé lors de l’occupation israélienne de pourvoir aux besoins des familles expulsées de la zone occupée.

Dans le contexte de post-libération qui avait porté au pinacle le Hezbollah, eu égard à son rôle dans la résistance contre l’occupant, il n’est pas fortuit que le mouvement Amal ait alors cherché des moyens d’asseoir son influence dans une communauté plus encline à donner son soutien à la formation intégriste chiite. Il s’agissait donc bel et bien d’une initiative partisane par le truchement d’une institution autonome - le Conseil du Sud -, dans un contexte de course à la légitimité dans la communauté chiite, plutôt que d’un projet conduit par l’Etat libanais longtemps absent de ces régions périphériques (3). Cette pompe d’une capacité de 4,4 millions de m3 devait permettre de prélever de l’eau dans le Wazzani, un affluent du Hasbani. Il était prévu que cette station approvisionne une cinquantaine de villages de la région de Marjayoun - au moins dans un premier temps - et permette aussi l’irrigation des terres agricoles. Avec cette station, le Liban pouvait prétendre prélever pratiquement 10 millions de m3/an dans le Hasbani-Wazzani, étant donné qu’il en prélevait déjà.

Mais, très rapidement, cette implantation apparemment anodine allait donner lieu à une crise politique entre le Liban et Israël. En effet, l’Etat hébreu eut tôt fait de se mobiliser contre ces travaux assimilés à une provocation qui confinait, selon ses autorités, à une déclaration de guerre. Déjà en mars 2001, Israël avait manifesté son inquiétude en voyant le Liban installer une conduite destinée à alimenter en eau potable le village de Wazzani. Mais là, le projet allait plus loin, au point d’ailleurs qu’Ariel Sharon, coutumier d’une rhétorique martiale et outrancière, clamait le 10 septembre qu’il s’agissait d’un casus belli. Suite à cette déclaration tonitruante, les militaires israéliens menaçaient les ouvriers libanais et les survols de l’aviation israélienne se faisaient insistants, tandis que le chef d’étatmajor, Moshe Yaalon, faisait une visite à la frontière le 18 septembre 2002. De leur côté, certaines factions libanaises rivalisaient de formules va-t’en guerre.

Le Hezbollah, par la bouche de son leader Sayyed Nasrallah, appelait les Libanais à défendre leur eau avec leur sang (4). Le chef du comité exécutif du Hezbollah, Hachem Safieddine, invitait la résistance islamique à “couper la main israélienne” qui veut empêcher les Libanais d’utiliser leur eau (5). Le mouvement Amal, en particulier par la voix de son président Nabih Berry - lui-même semble- t-il initiateur de ce projet-, ne se privait pas de s’adonner à des déclarations fermes, dans le contexte décrit plus haut de course à la légitimité au sein de l’électorat chiite. Face à de telles démonstrations comminatoires, il n’est pas étonnant que la communauté internationale se soit mobilisée pour prévenir un embrasement au Sud-Liban. L’histoire de la zone a montré qu’Israël veille particulièrement sur le bassin du Hasbani. Déjà en 1964, l’aviation israélienne avait bombardé des ouvrages d’adduction d’eau sur le Wazzani.

Soucieux de prévenir une aggravation de la situation à la frontière entre Israël et le Liban et alors qu’ils se situaient déjà dans la perspective d’une attaque contre l’Irak, les Etats-Unis se sont impliqués les premiers sur ce dossier, en dépêchant une première mission, dès le mois de septembre, à propos de laquelle beaucoup émettront des doutes au Liban, en particulier Sayyed Nasrallah, le leader du Hezbollah, qui déclarait le 21 septembre au sujet de cette venue, qu’”il n’y a rien de plus semblable que des Américains et des Israéliens". L’Union européenne n’était pas en reste non plus puisque Bruxelles envoyait aussi une mission d’experts en septembre, tout comme la France, qui en dépêchait une en octobre. Quant à la Russie et à la Ligue arabe, elles émettaient des communiqués au sujet du Wazzani.

Les médiateurs devaient évidemment concilier des argumentaires très opposés. Pour les Libanais, cet aménagement devait servir à valoriser une région en souffrance, à partir des ressources du Hasbani-Wazzani, dont Israël avait totalement joui pendant l’occupation. Utiliser cette eau constituait donc un juste retour des choses. D’autre part, cette ressource étant alimentée par des précipitations qui tombent sur la partie libanaise du bassin versant du Hasbani, les autorités considéraient que les projets du Liban sont non seulement légitimes mais aussi légaux, au regard de la convention de l’ONU sur les cours d’eau internationaux. Enfin, le fait que la partie supérieure du Hasbani soit pratiquement à sec de mai à novembre renforçait la légitimité des prélèvements sur le Wazzani qui coule toute l’année.

Les Israéliens, qui ont longtemps spolié les Libanais de leur eau, n’avaient bien évidemment pas la même grille d’interprétation. Le Hasbani est trop important dans l’approvisionnement du lac de Tibériade, dont l’eau est ensuite convoyée vers le sud du pays, pour que son débit puisse être notoirement réduit par les initiatives libanaises. Selon les Israéliens, le Hasbani assure 20 à 25% des eaux s’écoulant dans le lac de Tibériade et 9% de l’eau consommée en Israël (6). Dans une période marquée par la récurrence des sécheresses, il apparaissait particulièrement légitime aux autorités israéliennes de prévenir tout prélèvement conséquent en amont du lac de Tibériade. Cette vigilance israélienne n’était pas nouvelle. Le contrôle des ressources hydriques au Sud-Liban a toujours fait l’objet d’une vive attention de la part des Israéliens. Déjà, en 1916, les représentants sionistes demandèrent aux Britanniques d’intégrer l’ensemble des sources du Jourdain, dont le Hasbani, dans la Palestine, et de fixer les frontières septentrionales par rapport au tracé du Litani. Cette demande fut rejetée, tout comme le fut celle présentée en 1919 à la conférence de paix à Paris et qui allait dans le même sens.

Quelques années après la création d’Israël, Ben Gourion, Sharett et Dayan, qui étaient alors principaux leaders israéliens, se réunirent à plusieurs reprises en 1953 pour organiser la déstabilisation du Liban afin que, après son démantèlement, le Sud pût être annexé par Israël (7). Non seulement ce dernier pourrait ainsi contrôler le Litani, mais il serait aussi en mesure de s’arroger le contrôle du Hasbani. Par la suite, les opérations militaires israéliennes au Liban, menées à partir de 1978, allaient donner l’occasion à l’Etat hébreu de contrôler le Litani et le Hasbani.

En décidant de se retirer en mai 2000, Israël semblait admettre définitivement que le Litani appartenait au Liban, à moins que, comme des allégations le prétendent régulièrement, l’Etat hébreu ait eu le temps d’installer des conduites souterraines qui arrivent jusqu’en Israël (8). En se retirant du Sud-Liban, Israël n’entendait pas en revanche abandonner le contrôle du Hasbani, car il s’agit d’un fleuve international, à la différence du Litani. Toutefois, ce contrôle ne passait pas obligatoirement par l’occupation mais par la dissuasion. Cette théorie n’a pas été longtemps opérante, puisque, moins de deux ans après le retrait israélien, le Liban décidait les aménagements sur le Wazzani en profitant d’un contexte géopolitique favorable, les Etats-Unis étant très vigilants dans la perspective du conflit avec l’Irak. Au-delà de sa démonstration de force, Israël voulait aussi avancer des arguments dans ce contentieux. En particulier, les responsables de l’Etat hébreu considéraient que les Libanais pouvaient procéder à la mise en valeur de la région du Hasbani en convoyant l’eau du Litani dont les eaux sont très insuffisamment utilisées par les Libanais.

Beyrouth ne voulait pas entendre cet argument, étant donné que le convoyage serait très coûteux et que l’eau qui serait amenée depuis le Litani devrait être traitée du fait de l’état de pollution du grand fleuve libanais. Finalement, dans cette confrontation rhétorique, Israéliens et Libanais sont parvenus, sous l’influence des médiateurs, sinon à un accord, du moins à un modus vivendi provisoire. Israël a semblé accepter l’idée que les villages puissent être approvisionnés depuis le Wazzani, ce qui représente un prélèvement modeste de moins de 1 million de m3. Quant aux projets libanais d’irrigation, ils sont évoqués depuis avec moins d’insistance.

L’installation des canalisations destinées à transporter l’eau du Wazzani vers le réservoir à irrigation, situé dans la localité de Taybé, a été suspendue. Beyrouth attend maintenant les propositions de l’Union européenne, qui s’était engagée, au coeur de la crise, à étudier un schéma de développement pour le Sud, en vue de permettre au Liban de négocier un éventuel quota de prélèvement avec l’Etat hébreu. Dans un contexte apaisé, le Liban pouvait inaugurer la nouvelle station de pompage le 17 octobre 2002. La cérémonie réunissait les leaders libanais, y compris le président Lahoud. Le mouvement Amal, le Hezbollah, le Bloc national, les Kataëb, le parti socialiste progressiste mais aussi certains députés du mouvement d’opposition de Kornet Chehwane participaient à une fête qui exaltait la résistance libanaise et la souveraineté retrouvée par rapport à Israël. Sur des affiches placardées en beaucoup d’endroits pour la fête de l’indépendance, le 22 novembre 2002, on pouvait voir le président Lahoud buvant l’eau du Wazzani. Sur ces mêmes affiches on pouvait lire aussi : “Si quelqu’un avait dit que le sang pouvait se transformer en eau !”.

Mais tout ceci paraît quelque peu démesuré au regard du gain réel pour les Libanais qui sont loin d’avoir obtenu ce qu’ils désiraient : la valorisation agricole d’une partie du Sud par l’irrigation qui semble aujourd’hui encore plus éloignée après les événements de l’été 2006. Et force est de constater que, une fois de plus, la puissance de feu a prévalu dans l’allocation de l’eau. ■


* Pierre Blanc, né en 1966, est ingénieur agronome et enseignant en économie. Il est titulaire d’un doctorat en géopolitique de l’université de Paris VIII et d’une maîtrise ès-sciences. Passionné par la Méditerranée orientale et le Proche-Orient, il mène des activités professionnelles et de recherche dans cette région.


Notes :

1. In Fadi Karam et Karam Karaa, “Recent trends towards developing a sustainable irrigated agriculture in the Bekaa Valley of Lebanon”, Options méditerranéennes, n°31, p.73.
2. Voir “Développement régional et cohésion nationale au Liban”, article de Pierre Blanc, dans le numéro 56 de la revue Confluences Méditerranée.
3. Voir l’article de l’auteur, “Développement régional et cohésion nationale au Liban”, in Confluences Méditerranée, N°56.
4. As Safir, le 1er octobre 2002.
5. L’Orient le Jour, le 11 septembre 2002.
6. Haaretz, 13 octobre 2002.
7. Voir notamment l’étude de la journaliste israélienne, Livia Rokach, “Israël sacred terrorism”, Belmond, MA, 1986.
8. De fait, la baisse du débit que l’on constate après le coude du Litani, et qui était montrée comme la preuve irréfutable de ce prélèvement, est occasionnée vraisemblablement par la nature du sous-sol qui faciliterait les pertes. Voir à ce sujet, la thèse de François Boëdec, L’enjeu politique du contrôle des ressources hydrauliques entre le Liban, la Syrie et Israël. Thèse de Doctorat, Université de Paris-I Panthéon Sorbonne, mars 2002.


Confluences Méditerranée :

- Rapport sur Jérusalem-Est
- Les chiites du Liban : Comment ils se perçoivent
- Israël : une stratégie persévérante de dislocation du monde arabe

Pierre Blanc - Confluences Méditerranée, N° 58, été 2006


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