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La grande cassure des chrétiens libanais

jeudi 9 août 2007 - 06h:19

Alain Campiotti - Le Temps

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La défaite d’Amine Gemayel dimanche face au candidat de Michel Aoun consacre la déchirure des chrétiens en déclin.

Les chrétiens partent et se divisent. Leur proportion dans la population du Liban est passée en un demi-siècle de plus de la moitié au tiers, et dans leurs rangs la cassure ne peut être plus nette : 418 voix seulement, sur près de 80000, séparent les deux candidats maronites qui s’affrontaient dimanche dans le Metn, de la banlieue est de Beyrouth à la montagne.

Camille Khoury, le candidat du général Michel Aoun (Courant patriotique libre), a terrassé l’ancien président Amine Gemayel. Le chef vaincu du parti des Kataeb (phalanges) avait repris du service pour récupérer à l’Assemblée le siège de son fils Pierre, ministre de l’Industrie assassiné en novembre dernier. Une seconde élection partielle avait lieu à Beyrouth, pour repourvoir le siège d’un autre élu victime d’un attentat en juin, Walid Eido. Là, les sunnites ont conservé sans problème ce siège pour la faible majorité gouvernementale.

Deux catholiques maronites face à face pour un siège réservé à leur communauté : dans l’arrangement constitutionnel et confessionnel libanais, ça paraît normal. Mais, dans le Metn, il y avait en plus la haine. Après l’assassinat de Pierre Gemayel, l’an passé, Amine, le père, avait reçu les condoléances de Hassan Nasrallah, l’homme fort du Hezbollah. Cependant, quand Michel Aoun avait appelé, le chef des Kataeb avait refusé de prendre le téléphone.

Pourquoi cette différence de traitement, alors que le chiite et le général ont conclu une entente ? Trop de sang et de trahisons. Le secrétaire général du Hezbollah aime à rappeler que les chiites n’ont jamais massacré de chrétiens. Les maronites, entre eux, ne peuvent pas en dire autant.

Avant d’être violemment expulsé en 1990 du Liban par l’armée syrienne, Michel Aoun, chef d’état-major devenu chef d’un gouvernement provisoire, avait cherché à réduire sans ménagement les milices chrétiennes. Il prétendait mettre fin au règne des chefs de guerre et de clans qui tenaient lieu de pouvoir dans le pays abandonné à tous les trafics.

Quand Michel Aoun est rentré d’exil en 2005, se présentant en libérateur pour avoir défié les Syriens quinze ans plus tôt, le général n’a pas été bien accueilli par les animateurs de la Révolution du Cèdre qui a poussé dehors les forces de Damas. Alors, il a repris ses attaques contre les clans et les parrains politiques, dénoncés comme les pires plaies de la société libanaise. Cela n’a pas eu beaucoup d’effet : Samir Geagea, le chef des Forces libanaises, condamné pour crimes de guerre, a été libéré par le nouveau pouvoir. Le général, alors, s’est rapproché du Hezbollah, allié de circonstance de la Syrie. L’accusation de trahison vient de là. Mais, aux élections de la même année, son mouvement a ramassé plus des deux tiers des voix chrétiennes. Ça donne des ailes. Le général se voit président à l’automne.

Depuis deux ans, Mgr Nasrallah Sfeir, le cardinal des maronites, tente de recoller les morceaux cassés de sa communauté. Rien n’y fait. Il a encore essayé d’éviter l’affrontement électoral du week-end, qu’il trouvait néfaste, mais il n’a pas été entendu ; ou, plutôt, chaque camp accusait l’autre de ne pas écouter l’homme d’Eglise. Et le patriarche a d’autres soucis : ses ouailles s’en vont.

Les troubles du pays, qui viennent par vagues, font fuir les Libanais. Désormais, ils sont plus nombreux (6 millions) au-dehors qu’au-dedans. Et les chrétiens partent bien plus que les autres. Ils formaient une bonne partie des 900000 qui sont sortis pendant la guerre civile. Et les 60000 qui ont pris le large depuis la guerre de l’an passé sont pour la plupart chrétiens. Un sondage récent révèle que la moitié des maronites songent à quitter le pays, et que parmi eux un tiers ont cherché un visa. Les étudiants, après leur diplôme s’ils ne peuvent pas partir avant, rêvent d’Europe et d’Amérique.

Les institutions, à la fin de la guerre civile, ont été adaptées à ces nouveaux chiffres. A l’Assemblée nationale, les chrétiens n’ont pas perdu tous leurs privilèges d’autrefois : la moitié des sièges leur est encore réservée, mais plus la majorité. La présidence, qui leur est attribuée, a été dépouillée de la plupart de ses pouvoirs. Et elle est aujourd’hui occupée par un homme lige de Damas, Emile Lahoud. Le général Aoun espère mobiliser les chrétiens en sa faveur en leur promettant de rétablir les prérogatives anciennes. Mais ses ennemis maronites ne veulent pas de lui.

Du même auteur :

- Nahr el-Bared va tomber après deux mois de siège
- Le Liban glisse dans la guerre par explosions successives incontrôlées

Alain Campiotti - Le Temps, le 7 août 2007


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