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"Les Américains ne sont pas en position pour une nouvelle guerre"

mercredi 25 juillet 2007 - 06h:47

Manouchehr Mottaki - Le Monde

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Manouchehr Mottaki est ministre des Affaires étrangères iranien

L’Iran participe, mardi 24 juillet à Bagdad, à une deuxième rencontre avec des représentants américains pour discuter de l’Irak. Qu’en attendez-vous ?

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Manouchehr Mottaki

Il s’agit d’aider le peuple d’Irak et d’aider le gouvernement irakien à administrer le pays. Notre intention ferme est de soutenir le gouvernement de M. (Nouri) Al-Maliki. Nous croyons que le gouvernement irakien doit avoir l’autorité nécessaire pour prendre en main les questions de sécurité. Cet aspect doit lui revenir.

Les troupes américaines doivent-elles se retirer ?

Le point de vue des pays de la région est clair. Un débat intense a par ailleurs lieu au sein de la société américaine. Il peut mener à une décision rationnelle. Une fois qu’une décision rationnelle sera prise, toute la région en bénéficiera. La sécurité en Irak affectera la sécurité de toute la région, y compris l’Iran. A l’inverse, l’insécurité à l’intérieur de l’Irak se traduit par de l’insécurité pour l’Iran.

Les Etats-Unis accusent l’Iran de déstabiliser l’Irak en aidant des insurgés irakiens.

Les Américains cherchent toujours des boucs émissaires quand il s’agit de l’Irak, pour imputer à d’autres l’échec de leur politique dans cette partie du monde. L’Iran a toujours été une partie de la solution, pas une partie du problème. Ces quatre dernières années, nous avons soutenu la mise en place du gouvernement irakien, la reconstruction et la régénérescence politique de ce pays.

Votre pays détient plusieurs Irano-Américains accusés de comploter contre l’Etat. Pensez-vous que les Etats-Unis cherchent à renverser le pouvoir en Iran ? Le sort de ces Irano-Américains est-il lié à celui des Iraniens arrêtés à Erbil, en Irak, par les troupes américaines ?

S’il l’était, nous aurions relâché ces personnes dont vous parlez. Ces deux affaires sont totalement distinctes. Au cours des 28 dernières années, les Américains ont employé différents moyens contre l’Iran. Ils ont notamment cherché à fomenter des troubles ethniques, au sein des différentes minorités de l’Iran. Ils ont aussi accusé l’Iran d’une série de crimes, comme les explosions en Arabie saoudite, celle d’un bâtiment du FBI aux Etats-Unis, celle visant la communauté juive en Argentine (en 1994), ou encore l’affaire de Lockerbie (en 1988), ou encore même le 11-Septembre. Pourquoi cela ? Notre seul crime était de vouloir tenir debout sur nos propres jambes et être indépendants.

La France a dépêché à Téhéran un émissaire, Jean-Claude Cousseran, pour parler du Liban. Quelle doit être à l’avenir la place du Hezbollah dans les structures politiques du Liban ?

La France, en raison de ses liens historiques avec le Liban, veut jouer un rôle dans les affaires de ce pays. Nous avons donc eu des échanges. L’an dernier, pendant la guerre, j’avais longuement parlé à Beyrouth avec le ministre (Philippe) Douste-Blazy dans les locaux de l’ambassade iranienne. Plus récemment, la France a pris des mesures pratiques, et nous avons aidé les Français. Toute solution durable au Liban doit prendre en compte les deux forces politiques majeures qui existent dans le pays. Le Hezbollah est une force politique influente au Liban, qui est très appréciée par le peuple. L’approche du Hezbollah est logique et sage, c’est une réalité indiscutable au Liban.

Les Etats-Unis accusent l’Iran d’aider les insurgés talibans en Afghanistan. Pourquoi votre pays renvoie-t-il par ailleurs un grand nombre de réfugiés afghans, ce qui cause d’énormes problèmes au gouvernement de Hamid Karzaï ?

Je rappelle d’abord que des groupes terroristes sont apparus en Afghanistan du fait de scénarios occidentaux, et sous l’effet des pétrodollars. Peut-être que cette approche avait du sens quand il s’agissait de combattre les Soviétiques, mais cela a en fait institutionnalisé une forme d’extrémisme dans cette partie du monde. Ces mêmes groupes se trouvent aujourd’hui à la source de l’instabilité et l’insécurité en Afghanistan. Les pays voisins s’en inquiètent.

Comme pour l’Irak, nous voulons la sécurité en Afghanistan. Et nous croyons qu’il n’existe pas d’alternative à M. Karzaï en Afghanistan. La seule alternative serait la guerre civile. Nous avons d’ailleurs restreint, à la demande du gouvernement Karzaï, les renvois de citoyens afghans entrés ou restés illégalement en Iran.

Concernant le dossier nucléaire, ne minimisez-vous pas le risque de frappes militaires contre des installations iraniennes si aucun règlement diplomatique n’intervient ?

Nous pensons que nos efforts renoués pour coopérer avec l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) ont contribué à renforcer la volonté politique (en Occident) de trouver une solution négociée à ce dossier. Il est vrai que la politique étrangère américaine est faite de tactiques brutales et d’unilatéralisme. Mais nous croyons que des éléments nouveaux sont apparus au Moyen-Orient ces dernières années. Tout observateur ou homme d’Etat rationnel aux Etats-Unis doit apprécier ces événements avec beaucoup d’attention. Il y a plus de 170 000 soldats étrangers en Irak et ils ne peuvent garantir la sécurité dans le pays, ni d’ailleurs leur propre sécurité.

Nous avons récemment marqué l’anniversaire de la guerre de 33 jours au Liban. L’année écoulée doit être étudiée avec soin. Je pense que les Américains doivent se demander pourquoi leurs différents plans pour la région ont échoué. La conférence de Madrid, Oslo, la "feuille de route", le grand Moyen-Orient... tout cela a échoué. Soyons réaliste. Les Américains ne sont pas dans une position pour infliger une nouvelle guerre au contribuable américain. Ce qui n’empêche pas certains, il est vrai, de battre les tambours de guerre.

L’essence vient d’être rationnée en Iran. Vous préparez-vous à un durcissement des sanctions internationales ?

Une nouvelle résolution de l’ONU en ce sens signifiera un scénario de la confrontation, la fin de la recherche d’une solution au dossier nucléaire. Il va sans dire que cela entraînera des mesures. Quant aux sanctions, il faut comprendre qu’elles n’ont jamais affecté les décisions de ce pays.

Propos recueillis par Natalie Nougayrède, envoyée spéciale à Téhéran


A propos de l’Iran :

- Plans américains pour refaire à l’Iran ce qui a été fait en Irak
- Iran-Irak : la volte-face des Etats-Unis
- Accuser l’Iran de « génocide » avant de l’atomiser

Manouchehr Mottaki & Natalie Nougayrède - Le Monde, le 24 juillet 2007


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