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Comme ça, tout à coup, au milieu des vacances

dimanche 22 juillet 2007 - 06h:50

Meron Benvenisti - Ha’aretz

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Contre toute attente, une intense activité diplomatique - ce que dans un passé lointain, on appelait « processus de paix » - s’est mise en branle juste à l’approche des vacances de juillet-août. Rencontres de hauts responsables, libération de prisonniers, gestes à portée économique, déclarations optimistes et plans politiques : tout cela fait naître le sentiment qu’effectivement quelque chose de sérieux se passe. Sinon, des personnalités aussi importantes ne consacreraient pas tant de temps à s’occuper du processus diplomatique, surtout en pleine période des vacances d’été.

Même Tony Blair se lance dans le renforcement des institutions palestiniennes comme base pour l’établissement d’un Etat, bien qu’en attendant, « du fait des prix élevés dans l’immobilier », il n’a pas trouvé d’immeuble pouvant accueillir ses bureaux à Jérusalem. Haim Ramon est un homme pressé : il n’a pas encore eu le temps de chauffer le fauteuil de vice-premier ministre, que le voilà déjà à faire savoir publiquement qu’il a conçu un plan politique, dénommé « convergence light », tout en reconnaissant « que ce projet n’est pas même encore dans les langes ».

De nombreuses explications ont été avancées pour expliquer cette subite flambée d’énergie diplomatique : la nécessité pour George Bush de proposer un plan qui sauve ce qui peut lui rester d’estime dans la région d’ici la fin de son malheureux mandat ; la nécessité pour Ehoud Olmert de présenter une réalisation politique à la veille de la publication du rapport complet de la commission Winograd ; la nécessité de combler l’exigence, qui se fait entendre partout, de « renforcer Abou Mazen » ; le profond besoin de sortir le camp de la paix du désespoir qui s’est attaché à lui et de le doter d’une dose d’optimisme qui lui permette de continuer à croire qu’effectivement la majorité du public israélien appuie la solution à deux Etats et que l’idéologie du Grand Israël a disparu, y compris dans la camp de la droite.

Le processus politique conduit par Olmert et Bush fait office de patère à laquelle accrocher cet optimisme. Le problème, c’est que la réalité n’offre pas de signes montrant qu’elle se plie à la théorie et aux aspirations. La construction israélienne en Cisjordanie se poursuit à un rythme soutenu et le réseau d’infrastructures couvre la région tout entière ; le régime de rupture et d’écrasement de la communauté palestinienne se consolide ; la construction de la clôture se poursuit ; la séparation entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza est en train de prendre les caractéristiques d’une coupure géopolitique qui a tout l’air définitive ; et les chances qu’Abou Mazen parvienne à établir un gouvernement stable en Cisjordanie paraissent bien lointaines.

La possibilité qu’avec la « convergence light » de Ramon et Olmert, on voie bourgeonner un Etat palestinien viable est tout bonnement une supercherie. Ce fossé entre théorie et réalité conduit les Palestiniens à penser que les Israéliens, délibérément ou non, leur « injectent de la morphine pour les paralyser jusqu’à ce qu’eux-mêmes aient mené leur projet à bonne fin », comme disait l’ancien ministre palestinien Ziad Abou Zayyad. De fait, ce qu’on appelle le « processus diplomatique » ainsi que l’optimisme qu’il crée ne sont pas sans avoir un prix. De quel lourd tribu n’a pas déjà été payé, dans un passé proche, le fait d’avoir entretenu des illusions qui ont volé en éclats ? Voyez les accords d’Oslo.

Lorsque les Palestiniens ont vu comment, sous couvert d’Oslo, les colonies avaient doublé et comment un régime d’occupation draconien avait été instauré, leur illusion s’est évanouie en suivant la voie de la violence, brisant l’illusion israélienne qui voulait qu’il fût possible de mettre un terme au conflit pour rien, pour un plat de lentilles. L’actuel processus diplomatique risque bien de répéter le chemin destructeur d’Oslo - forgeant l’illusion d’une avancée, illusion alimentée par un besoin naturel de nourrir un espoir, lequel espoir sera exploité par des cyniques qui croiront qu’il est en leur pouvoir de dicter les règles du jeu et aussi de décider qui en est le perdant.

Ceux qui s’amusent du processus, ceux qui l’exploitent pour aider à l’avancement de leurs objectifs politiques, ceux qui ne peuvent plus s’en passer pour combler leurs désirs, comme ceux qui cherchent à améliorer grâce à lui leur pénible situation sous l’occupation, tous devraient se rappeler qu’il est aisé de faire fleurir des illusions, aisé de s’y abandonner, mais que le prix, tout le monde le paiera, y compris ceux qui se contentent de faire tourner le processus avec de vaines paroles.

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Meron Benvenisti

Le conflit israélo-palestinien ne peut endurer une nouvelle illusion qui volerait en éclats et les initiateurs de cette activité diplomatique en pleines vacances de juillet et d’août doivent être conscients de la responsabilité qu’ils prennent.



Du même auteur :

- Gaza : Séparation au barrage d’Erez
- Faire la paix n’a jamais fait partie de la politique d’Israël
- Le sionisme des fossés

Meron Benvenisti - Ha’aretz, le 19 juillet 2007
Version anglaise : Beware of Oslo’s destructive route
Traduit de l’hébreu par Michel Ghys


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