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Libérations de circonstance

dimanche 22 juillet 2007 - 06h:44

Monique Mas - RFI

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Les deux premiers bus chargés de prisonniers palestiniens sont arrivés de bon matin, ce 20 juillet, au barrage militaire de Beytounya, en Cisjordanie, pour entrer à Ramallah où siège le chef du Fatah, Mahmoud Abbas, président d’une Autorité palestinienne brisée par le coup de force du Hamas dans la bande de Gaza en juin dernier.

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L’arrivée, à Ramallah, des prisonniers palestiniens libérés (Ph. : Karim Lebhour/RFI)

Israël explique la libération de 256 des 11 000 Palestiniens détenus dans ses prisons par sa volonté de « renforcer » Mahmoud Abbas, de lui ouvrir un « horizon politique », selon les mots du président américain, George Bush, qui préconise une réunion internationale sur le conflit israélo-palestinien en septembre. Dans l’immédiat, il s’agit de soutenir toute initiative visant à redonner crédit à Mahmoud Abbas qui entend organiser des élections anticipées pour écarter le Hamas, majoritaire dans le Parlement des territoires palestiniens.

L’objectif de ces libérations anticipées était clairement affiché, tant par Israël que par Washington. Il s’agit de rehausser l’image du chef du Fatah, Mahmoud Abbas, sinon de lui redonner autorité sur des Territoires palestiniens en situation de partition depuis la prise de pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza. Pour des raisons opposées, la priorité commune de part et d’autre du mur israélo-palestinien est en effet aujourd’hui de se débarrasser du mouvement islamiste. C’est donc très solennellement et à grand renfort de portraits de Yasser Arafat et de Mahmoud Abbas, mais aussi de banderoles aux couleurs du Fatah et de sa branche armée, les Brigades des martyrs d’al-Aqsa, que les prisonniers palestiniens ont été transférés de la base militaire israélienne pour embarquer dans des bus à destination de Ramallah où les attendait le président de l’Autorité palestinienne.

Des « héros de la liberté » triés sur le volet

Plus des deux-tiers des prisonniers relâchés sont issus du Fatah, les autres proviennent pour la plupart du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Parmi eux figurent six femmes et onze mineurs. Aucun d’entre eux n’est impliqué dans l’assassinat d’Israéliens et tous se sont engagés avant leur libération à renoncer à toute « activité terroriste ». Le plus lourdement condamné d’entre eux, Mouhannad Jaradat, avait écopé de vingt ans de prison en 1989. Il devait être élargi en septembre 2009. Pour ses compagnons de libération aussi, les remises de peine sont modestes. Ils ne les ont pas moins appréciées, bien sûr, écoutant sans mauvaise grâce Mahmoud Abbas les saluer comme des « héros de la liberté » avant de rejoindre leurs familles. Parmi eux, le numéro deux du FPLP, le sexagénaire Abdelrahim Mallouh, très proche de Mahmoud Abbas et membre du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à laquelle appartient le Fatah. Il avait été condamné en avril 2004 à neuf ans de prison, dont deux avec sursis.

Israël a en revanche refusé la libération de Marwan Barghouti, ex-chef des Tanzim, la branche armée du Fatah en Cisjordanie. Il a été condamné à la détention à perpétuité en 2002 pour son rôle dans la deuxième Intifada mais sa stature de « présidentiable » dans la galaxie palestinienne en fait un enjeu politique de premier plan. Sa libération aurait donné une tout autre dimension au geste d’Israël. Au total, ces libérations participent en effet d’une série de mesures de peu de frais programmées le 25 juin dernier en Egypte, à Charm el-Cheikh, où Mahmoud Abbas et Ehud Olmert s’étaient rencontrés pour confronter leurs inquiétudes après la prise de pouvoir du Hamas à Gaza. Le Premier ministre israélien avait alors également consenti à reverser au chef du Fatah une partie des taxes de douane et autres frais de port dus à l’Autorité palestinienne et gelés depuis la victoire du mouvement islamiste palestinien aux législatives de janvier 2006. Depuis cette entrevue égyptienne, le gouvernement d’urgence formé par les partisans du Fatah a effectivement reçu d’Israël 118 millions de dollars (sur 650).

Le 16 juillet dernier, Abbas s’est rendu à Jérusalem pour reprendre langue avec Olmert. Pendant ce temps, à Washington, George Bush exprimait son soutien à toute initiative de nature à écarter le Hamas au profit du Fatah, se disant prêt à donner tout le ressort financier et politique nécessaire à Mahmoud Abbas et lançant l’idée d’une réunion internationale sur le Proche-Orient, sans doute en septembre. « Les participants clés à cette réunion seront les Israéliens, les Palestiniens et leurs voisins dans la région », a indiqué George Bush en précisant que cette réunion serait présidée par la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice. Ce 19 juillet, en toute logique, ce projet de conférence de paix a été approuvé à Lisbonne par le Quartet des médiateurs internationaux pour le Proche-Orient qui rassemble les Etats-Unis, les Nations unies, l’Union européenne et la Russie et qui n’a pas manqué d’assurer de son soutien tous les Palestiniens, Gazaouis compris, sans jamais pour autant nommer le Hamas, plus que jamais paria international.

Des airs de cadeau empoisonné

« Le Quartet a salué le déclaration du 16 juillet du président Bush renouvelant l’engagement des Etats-Unis pour une solution négociée à deux Etats » a indiqué le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. En attendant la réalisation de cette promesse de longue haleine, le chef de la diplomatie européenne, Javier Solana, a promis de « continuer à aider le peuple palestinien vivant à Gaza ». Le Quartet a « salué la reprise des discussions bilatérales » entre Olmert et Abbas. Une manière de faire l’impasse sur l’épineuse question de la partition palestinienne et de la place du Hamas sur l’échiquier politique palestinien. A charge pour Mahmoud Abbas d’y répondre. Le 18 juillet, il a proclamé son intention d’organiser « des élections législatives et présidentielles anticipées », sans attendre « l’approbation de ceux qui restent assis là-bas à Gaza ou à l’étranger », les élus du Hamas.

A défaut de légitimité institutionnelle sinon politique, Mahmoud Abbas, successeur de Yasser Arafat, se cherche une légitimité historique en se réclamant de l’OLP contre les militants du Hamas qui, dit-il, « se sont dépouillés eux-mêmes de toute légitimité » en chassant le Fatah de Gaza. Le porte-parole du Hamas réplique que Mahmoud Abbas « ne sera pas en mesure d’organiser un quelconque scrutin sur le terrain sans un accord national ». Fort des soutiens internationaux qui ont encouragé le limogeage du gouvernement d’union nationale Hamas-Fatah en juin dernier, Mahmoud Abbas paraît très loin de songer à un quelconque accord inter-palestinien. A défaut d’entente, l’heure reste donc à la confrontation, le Hamas apparaissant cette fois comme l’ennemi principal d’Israël et du Fatah. Dans ce contexte, la libération des 256 Palestiniens prend des airs de cadeau empoisonné.


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Monique Mas - RFI (Radio France Internationale), le 20 juillet 2007


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