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La feuille de route de Blair vers la rédemption ?

samedi 21 juillet 2007 - 07h:22

Par Donald Macintyre - The Independent

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Dans son nouveau rôle d’envoyé spécial
au Proche-Orient, l’ancien Premier ministre
britannique est confronté à l’histoire d’un échec

Tony Blair est arrivé à Lisbonne la nuit dernière pour débuter une seconde carrière, pour laquelle il doit savoir qu’il pourrait s’avérer plus difficile de réussir cette mission que d’avoir été le premier travailliste britannique à remporter trois élections de suite.


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Tony Blair sera sacré ’envoyé du Proche-Orient’

M. Blair sera sacré ’envoyé au Proche-Orient’ par le Quartet international (l’UE, l’ONU, la Russie et les Etats-Unis), en sachant que l’histoire de cette région est jonchée des échecs de ses prédécesseurs en tant qu’artisans de la paix internationale.

D’un côté, Tony Blair n’arrive pas à ce boulot les mains vides : il a réussi en Irlande du Nord et il porte au conflit israélo-palestinien un intérêt réel, lequel s’est sans aucun doute avivé (et n’a pas été suscité) avec son désir de réussir après le fiasco de l’Irak.

D’un autre côté, il est difficile, à présent, de voir comment il peut réussir sans entrer en collision, à un moment ou à un autre, à la fois avec Israël, qui le considère à juste titre comme un ami, et avec son sponsor en chef, le Président Bush.

La question aiguë est : Parlera-t-il, tôt ou tard, avec le Hamas, ne serait-ce que pour encourager un rapprochement avec ses rivaux du Fatah ?

Dans la situation actuelle, le faire encourrait la colère d’Israël, qui a déclaré qu’il ne parlerait pas aux personnalités internationales qui engagent le dialogue avec cette faction islamique. C’est vrai aussi pour le Président George Bush et le Président palestinien Mahmoud Abbas, qui a lancé hier l’une de ses plus féroces dénonciations du Hamas, proposant à nouveau de nouvelles élections dans l’espoir de les priver d’un mandat.

D’autre part, même le propre successeur de Blair au gouvernement britannique [Gordon Brown], dans lequel son ancien conseiller politique, David Milliband, est secrétaire des affaires étrangères, fait partie de ceux en Europe qui reconsidèrent timidement s’il est vraiment intelligent de poursuivre une politique sans doute ratée d’isolation internationale totale du Hamas.

Aucune décision n’a été prise, mais l’argument pour un changement est que plus d’exigences réalistes, comme un arrêt immédiat des attaques Kassam contre Israël et peut-être une promesse de ne pas reprendre les attaques-suicides, pourraient produire des résultats plus sûrs. Et ceux qui plaident pour un dialogue sous condition, y compris des experts israéliens de premier plan, pensent que cela pourrait renforcer l’aile plus pragmatique de cette faction, aux dépends des tenants de ligne dure, qui pourrait, avec le temps, préférer l’opposition violente à Israël, pouvant inclure des attaques-suicides, ainsi qu’à la nouvelle administration d’urgence de M. Abbas à Ramallah.

La semaine prochaine, M. Blair fera un voyage à Jérusalem et à Ramallah, avant d’y retourner au moins une semaine par mois, à partir de septembre. De façon ironique, sa base probable sera la Résidence du Gouverneur, qui fut le siège de l’ancien Mandat Britannique, mais qui est à présent le QG de l’Onu. Et c’est alors que les chosent sérieuses commenceront.

Même si Blair considère, comme Bush l’a bien fait comprendre, que la tâche principale est de soutenir le gouvernement du nouveau Premier ministre, Salam Fayyad, et M. Abbas à Ramallah, alors qu’il cherche à améliorer les relations avec Israël en poursuivant la voie de la "modération", il se retrouvera face à une série de problèmes. M. Blair doit savoir qu’il est assez difficile d’aider Abbas à construire des institutions d’Etat, incluant un système judiciaire et un ministère de la sécurité efficace lorsqu’il n’y a pas d’Etat. Mais il sait aussi que cela est impossible, à moins qu’il y ait une contrepartie tangible de la part d’Israël qui aille plus loin que tout ce qui a été proposé jusqu’à maintenant.

Cela signifie, par exemple, améliorer "le déplacement et l’accès", terme diplomatique pour dire démanteler certains checkpoint et barrages accusés par la Banque Mondiale de l’effondrement de l’économie en Cisjordanie (une chute de 10% du PIB pour la seule année dernière). Et cela veut dire parler un peu plus fermement à Israël, dont l’armée a été réticente à desserrer un tel enfermement. Et, quelle que soit la pression qu’il subira pour ignorer le Hamas, M. Blair pourra difficilement ignorer Gaza. John Ging, le directeur de l’agence de l’Onu pour les réfugiés à Gaza, et un groupe d’entrepreneurs de Gaza ont demandé directement à M. Blair et au Quartet d’utiliser leurs bons offices pour rouvrir le passage de Karni, dont la fermeture, disent-ils, est à l’origine de la perte de 68.000 emplois depuis la prise sanglante par le Hamas, en juin, de la Bande de Gaza.

On dit que M. Blair a été choqué par les conditions de vie dans une grande partie de Gaza, lorsqu’il a visité la Bande il y a aussi longtemps qu’en 1999, et qu’il serait encore plus choqué aujourd’hui. De façon similaire, est-ce que l’homme qui a libéré les prisonniers de l’IRA et des rangs loyalistes, dans la poursuite de la paix à un rythme qui a été souvent critiqué, tiendra compte des appels persistants de M. Abbas pour qu’Israël aille plus loin que les 250 prisonniers, essentiellement du Fatah, qui seront libérés vendredi ? Pendant de nombreuses années, M. Abbas a fait pression en vain pour la libération des hommes emprisonnés avant les accords d’Oslo, pour avoir pris part à des missions dans la lutte armée pour lesquelles ils ont été envoyés par ceux que M. Bush et Israël louent à présent comme des Palestiniens modérés, y compris M. Abbas.

Ce sont des détails, mais des détails importants. Mais le plus important est l’horizon diplomatique où les négociations pour un règlement final deviendra réalité. Selon certaines sources, M. Blair aurait été content que M. Bush ait indiqué, lundi, même si c’était de façon vague, qu’il voulait que de telles négociations se déroulent. La réussite de M. Blair sera jugé à la fin, de façon juste ou pas, sur jusqu’où il peut aider à faire de cette perspective lointaine une réalité.

Les gardiens internationaux

Le Quartet international - les Etats-Unis, l’ONU, l’Union Européenne et la Russie - a été établi comme gardien de la "feuille de route" de 2002, un processus en trois phases vers un règlement final du conflit israélo-palestinien, qui était censé arriver en 2005.

La feuille de route est peut-être en sommeil ou moribonde, malgré la persistance (en dehors des dates fixées) de la politique officielle des puissances occidentales. Mais le Quartet reste le forum international le plus actif pour discuter de ce conflit. Il est responsable de la politique d’isolation constante du Hamas, depuis que celui-ci a accédé au pouvoir après avoir remporté les élections législatives palestiniennes. Tandis que la Russie a désavoué cette politique, elle a eu tendance, grâce à la domination étasunienne, à engager l’Onu - une cause de frustration forte pour Alvaro de Soto, l’ancien envoyé spécial de l’Onu au Proche-Orient.

Tony Blair, qui participera aujourd’hui à la réunion des ministres des affaires étrangères du Quartet, a été nommé par lui comme envoyé spécial. Son prédécesseur immédiat était James Wolfensohn, l’ancien patron de la Banque Mondiale, qui avait été nommé pour s’occuper des questions entourant le retrait d’Israël de la Bande de Gaza. A cause des préoccupations sécuritaires d’Israël, la difficulté de garder les points de passages de Gaza ouverts, qu’il considérait comme essentiel pour régénérer l’économie de la Bande de Gaza, l’a contrarié de plus en plus et il est parti l’année dernière. Il a persuadé Condoleeza Rice, la Secrétaire d’Etat étasunienne, à négocier un accord, en novembre 2005, sur l’ouverture des passages frontaliers, mais celui-ci n’a pas été beaucoup appliqué, à cause de ces mêmes préoccupations sécuritaires. "Le déplacement et l’accès" des Palestiniens, l’une des principales préoccupations de Wolfensohn, feront aussi partie des attributions de M. Blair.

Bien que cette nomination doive être approuvée par le Quartet dans son ensemble, il y a eu quelque irritation à Moscou et à Bruxelles pour n’avoir pas été plus consultés par Washington sur cette nomination.

Le plan de paix

1. Démanteler les postes avancés israéliens d’implantation, comme celui du nord de la Cisjordanie, et geler immédiatement toute activité de construction de colonies.
2. Parler au dirigeant du Hamas, Ismail Haniyeh, et apaiser la division entre factions palestiniennes.
3. Atténuer les restrictions sur l’économie palestinienne et soutenir le Premier ministre Salam Fayyad.
4. Progresser en obtenant du Premier ministre israélien, Ehoud Olmert, qu’il accepte des pourparlers en vue d’un statut final.
5. Se servir de son expérience en Irlande du Nord pour précipiter les libérations de prisonniers, y compris Gilad Shalit.


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Traduction : Jean-François Goulon, Questions Critiques


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