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Gaza va s’effondrer si les frontières restent fermées

samedi 21 juillet 2007 - 23h:55

S. Erlanger - The New York Times

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« Si la fermeture actuelle continue, nous craignons de devenir une société pratiquement et totalement dépendante de l’aide »

Les hommes d’affaires de Gaza et les officiels des Nations Unies disent que l’économie déjà très affaiblie de Gaza risque de s’effondrer à moins que le passage frontalier entre Gaza et Israël ne soit ré-ouvert.

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18 juillet - Distribution de nourriture dans le camp de réfugiés de Jabalya au nord de la bande de Gaza - Photo : AP/Hatem Moussa

Le passage de Karni est fermé depuis le 12 juin car les Palestiniens affiliés au Fatah qui le faisaient fonctionner ont fui quand le Hamas a pris Gaza lors des combats sanglants. Mais Israël comme le président du Fatah, Mahmoud Abbas, ne se pressent pas pour aider le Hamas en travaillant pour régulariser la vie économique de Gaza.

Karen AbuZayd, la commissaire générale de l’UNRWA qui s’occupe des réfugiés palestiniens, a dit lors d’une interview : « Sans Karni, l’économie de Gaza va s’effondrer à moins qu’il ne s’ouvre aussi pour les exportations et pas seulement les importations et ce, afin de ne pas punir tout un peuple ».

Elle dit que son agence, l’UNRWA, fait pression à la fois à Ramallah et en Israël pour la réouverture de Karni. L’agence apporte déjà une aide alimentaire à 825.000 personnes à Gaza soit 80% de la population de réfugiés alors que le PAM (Programme Alimentaire Mondial), une autre agence des Nations Unies, nourrit les autres 250.000 personnes qui ne sont pas des réfugiés.

Cela représente près de 1.1 millions de personnes dans un territoire qui comprend seulement 1.4 à 1.5 millions d’habitants « et une dépendance à l’aide encore plus importante nous inquiète » dit Mme AbuZayd qui est américaine.

Son directeur à Gaza, John Ging, dit que « si la fermeture actuelle continue, nous craignons de devenir une société pratiquement et totalement dépendante de l’aide, une société à qui on a volé toute possibilité d’autosuffisance et de dignité par le travail ».

Alors qu’Israël traite les importations nécessaires de nourriture, combustible et médicaments, les passages ouverts plus petits nécessitent que les containers soient déchargés et à nouveau rechargés, ajoutant de ce fait encore 300$ par tonne au prix ce qui restreint dramatiquement le flux.

Certaines marchandises commerciales pour les épiceries sont maintenant importées grâce à des accords entre les fournisseurs israéliens et les marchands de Gaza. Mais l’importation de matériel de construction tels que le béton et les matières premières pour les usines a été arrêté provoquant de ce fait un important chômage pour les habitants de Gaza.

Plus de 68.000 travailleurs ont perdu leurs emplois depuis mi-juin ce qui représente plus de 80% des emplois dans le secteur privé rapporte Nasser al-Hilou, un important homme d’affaires. L’UNRWA a arrêté les projets de construction évalués à 93 $ millions par manque de matériaux de construction et a mis les ouvriers en congé.

Un phénomène qui est peut-être plus grave encore est le fait que même si les usines peuvent toujours produire, elles ne peuvent pas exporter.

Gaza a plein de légumes et de fleurs qui ont été cultivés pour les marchés à l’exportation et qui, aujourd’hui, se vendent à très bas prix ou qui pourrissent.

« On ne meurt pas de faim à Gaza, mais il n’y a plus ni prospérité ni vie ici » dit M. Hilou. « Gaza a besoin de faire du commerce et pas d’être assisté ».

M. Ging a fait appel au Quartet (Etats-Unis, Union Européenne, Russie et Nations Unies) qui ?uvre pour la paix au Moyen Orient et qui se réunit jeudi au Portugal pour qu’il aide à l’ouverture de Karni. « Nous leur demandons de prendre en considération ce qui est en train de se passer ici » dit M. Ging. « Ils doivent prendre des décisions politiques pour que tous les passages soient ouverts. Les solutions de fonctionnement pourront alors être trouvées ».

Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a également demandé l’ouverture des passages de Gaza. « C’est une première démarche vitale pour sauver ce qui reste de l’économie palestinienne » dit M. Ging. Si le secteur privé fait banqueroute, « l’UNRWA est dans l’impossibilité de répondre aux demandes : nous n’en avons pas les moyens financiers ».

En termes de sécurité, le fait de faire entrer des importations dans Gaza ne représente pas un grand problème pour Israël. Mais pour les exportations, c’est une autre histoire. Sans Karni et ses scanners sophistiqués, chaque exportation, même autorisée, devra être examiné de fond en comble et si ce n’est manuellement, alors avec des scanners plus petits et ce, pour s’assurer qu’aucun explosif ni arme ne sorte frauduleusement de Gaza.

Le fait qu’il n’y a pas de Palestiniens du côté Gaza de Karni à qui les Israéliens fassent confiance a présenté jusqu’à présent un problème insurmontable pour les exportations. Israël n’a pas de relations avec le Hamas à Gaza et refuse même d’en avoir, et tandis que le Hamas a proposé de faire revenir le Fatah à Karni ou même d’engager une compagnie turque pour faire fonctionner le côté palestinien, les Israéliens disent que c’est le problème des Palestiniens.

Pour l’instant, la question politique semble être celle qui importe le plus avec Mahmoud Abbas qui essaye de consolider la Cisjordanie avec l’aide des Israéliens et des Etats Unis. Quant on demande à la porte-parole du premier ministre Ehud Olmert, si Israël et l’Egypte gardent Karni et Rafah fermés en partie parce que M. Abbas le leur a demandé de le faire, Miri Eisin répond : « Notre politique bien précise est de le faire en coordination avec le président Abbas. Nous ne faisons rien contre la volonté d’Abbas et nous nous ne sommes pas opposés à ce qu’il nous a demandé de faire. Nous sommes tous deux tombés d’accord pour mettre totalement à l’écart le Hamas ».

A Ramallah, lors de sa la rencontre avec le chef de la politique étrangère de l’Union Européenne, Javier Solana, Abbas a suggéré qu’il envisageait de faire appel à des élections présidentielles et législatives anticipées en organisant une réunion avec le Conseil Central de l’OLP. L’OLP est le seul représentant légal des Palestiniens dans le monde mais il n’inclut pas le Hamas qui avait néanmoins gagné les élections législatives en janvier 2006.

M. Abbas a demandé au conseil, rarement convoqué, de se réunir ce soir et jeudi en tant que remplaçant de l’assemblée législative élue et ce, afin de trouver une forme de mandat pour les décisions de son gouvernement ?intérimaire’ dirigé par Salam Fayyad, (un économiste indépendant) et qui n’inclut aucun ministre appartenant au Hamas.

Les Etats-Unis, Israël et l’Ouest ont adopté M. Fayyad.

La question des nouvelles élections « sera débattue au sein du conseil et lorsqu’une décision sera prise au sujet des élections anticipées, il sera de ma responsabilité d’émettre un décret sur cette question » a dit M. Abbas. Mais selon la loi fondamentale palestinienne, seule l’assemblée législative peut mandater des élections anticipées.

En décembre dernier, M. Abbas avait ordonné des élections anticipées mais il avait reculé face à l’opposition du Hamas qui avait dit qu’Abbas essayait illégalement de réduire à néant les dernières élections. Il est difficile d’imaginer comment M. Abbas pourrait tenir une élection sans l’accord du Hamas qui contrôle Gaza et qui pourrait aussi désorganiser les votes en Cisjordanie.

Qadura Fares, un jeune politicien du Fatah proche du dirigeant du Fatah emprisonné, Marwan Barghouti, a dit qu’Abbas n’exposait qu’une « idée ». « C’est une décision mais cela ne signifie pas que cette décision sera mise à exécution. Toute élection doit obtenir l’accord du Hamas ».

Mais si la Hamas se sent plus isolé dans un Gaza qui décline et s’appauvri, on peut penser qu’il pourrait être plus enclin à mettre fin à la division de la vie politique palestinienne en permettant de nouvelles élections tant que M. Abbas accepte aussi de mettre la présidence en jeu.

En Israël, le Président de la Cour des Comptes a émis un rapport cinglant, accusant Ehud Olmert et l’armée d’avoir échoué à protéger la population civile suffisamment lors de la dernière guerre au Liban contre le Hezbollah. Quelques 41 civils israéliens ont été tués par les attaques de roquettes du Hezbollah. Le leadership du pays, dit le rapport, « a failli gravement dans les domaines de prises de décisions, de préparation et de mise en ?uvre de la protection de la population civile ».

M. Olmert a répliqué que « ce n’était pas possible de promettre un protection totale à chaque citoyen » dans une guerre de roquettes et de missiles.

M. Olmert et son gouvernement sont déjà très impopulaires à cause de la guerre mais il a bénéficié de ce qui pourrait être un autre sursis aujourd ?hui quand la commission Winograd, en prenant en considération la question plus large du management de la guerre, a dit qu’elle pourrait retarder son rapport final jusqu’à l’année prochaine afin de permettre aux personnes de répondre à titre individuel aux accusations portées contre elles avant la publication du rapport selon le journal Ha’aretz.


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18 juillet 2007 - The New York Times - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.nytimes.com/2007/07/18/w...
Traduction : Ana Cléja


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