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L’horizon bouché du Hamas à Gaza

mercredi 11 juillet 2007 - 06h:02

Patrick Saint-Paul - Le Figaro

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Les islamistes font régner l’ordre mais le blocus les pousse à s’entendre avec leurs frères ennemis de Cisjordanie.

Après l’entrevue, dimanche, entre le ministre des Affaires étrangères israélien et le premier ministre palestinien, une rencontre est programmée la semaine prochaine entre le premier ministre israélien, Ehoud Olmert, et le président palestinien, Mahmoud Abbas. Mais ce dernier, dépositaire des subsides de la communauté internationale qui le soutient, ne règne plus sur la bande de Gaza depuis le coup de force du Hamas en juin dernier.

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Manifestation pour l’ouverture du poste-frontière de Rafah bouclé par les israéliens et les égyptiens et abandonné par l’union européenne

Le fonctionnaire qui tente de se rendre à son bureau du ministère des Travaux publics, ce jour-là, est refoulé. Deux barbus en armes revêtus d’un uniforme noir et coiffés d’une casquette verte du Hamas, membres de la Force exécutive du mouvement, lui barrent l’entrée. S’opposant à une directive du cabinet d’urgence de Cisjordanie, fidèle au président Mahmoud Abbas, le gouvernement islamiste, qui règne sur la bande de Gaza, a décrété que les deux jours non travaillés de la semaine sont dorénavant le jeudi et le vendredi. La dispute paraît dérisoire, mais le Hamas ne laisse pas échapper la moindre occasion de montrer qu’il règne en maître sur Gaza.

Pris au piège entre le pouvoir de Gaza dont ils dépendent directement et l’administration de Cisjordanie, qui verse leurs salaires grâce aux fonds récupérés par le premier ministre, Salam Fayad, les fonctionnaires de Gaza ne savent plus à quel saint se vouer. « Cela fait 10 ans que je travaille le jeudi », proteste Hassan Khattaz, ingénieur du ministère des Travaux publics, avant d’expliquer qu’il a reçu l’ordre de son administration à Ramallah de se rendre au travail. « C’est Ramallah, qui verse mon salaire, soupire-t-il. Si je ne viens pas au bureau le jeudi je risque de ne plus le toucher. Mais à Ramallah, le deuxième jour du week-end est le samedi. Le même problème se reposera donc le samedi : si je viens au travail j’aurais des problèmes avec le gouvernement de Cisjordanie. Si je ne viens pas, je serais viré par le gouvernement de Gaza. Ils vont nous rendre fous avec leurs disputes ridicules. »

« Nous ne céderons pas »

Le Dr Bassem Naïm, ministre du gouvernement Hamas de Gaza, contourne l’interdiction de travailler en recevant chez lui. « Le gouvernement de Cisjordanie n’a ni programme économique, ni projet politique, ni majorité au Parlement, assène Bassem Naïm. Son seul pouvoir c’est l’argent reçu de l’étranger, grâce auquel il pratique le chantage. » Il dénonce notamment les pressions de Ramallah, qui incite les fonctionnaires de Gaza à ne plus travailler sous les ordres du gouvernement destitué du Hamas. Notamment en garantissant le versement de leurs salaires, même s’ils restent chez eux.

Les membres des services de sécurité, affiliés au Fatah et qui ont été défaits par les combattants du Hamas, refusent ainsi de collaborer avec le nouveau pouvoir. Y compris les simples policiers. Résultat : les brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas, et la Force exécutive du gouvernement islamiste ont pris en charge la sécurité dans la bande de Gaza. Voleurs et trafiquants de drogue sont jetés en prison sans ménagements. Des volontaires portant des gilets jaunes fluorescents et des casquettes vertes du Hamas remplacent la police de la circulation. Pour l’instant l’ordre règne à Gaza.

Les journées du Dr Naïm, un chirurgien formé en Allemagne, sont bien remplies. Avant l’effondrement du gouvernement d’union nationale, conséquence du coup de force des islamistes dans la bande de Gaza, il était ministre des Sports et de la Jeunesse. Désormais, il gère aussi les portefeuilles de la Santé et des Prisonniers. Comme tous les autres ministres du Hamas, ses journées se découpent entre les différents ministères dont il a la responsabilité. « Je ne suis pas le plus à plaindre, dit-il. La plupart de mes collègues gèrent au moins cinq ministères simultanément. »

Depuis la prise de pouvoir du Hamas à Gaza, Israël a renforcé son blocus sur ce territoire qu’il considère désormais comme une entité terroriste. Les points de passage pour les personnes et les marchandises sont fermés. Seuls les biens de première nécessité arrivent au compte-gouttes. « Les trois scanners de la bande de Gaza sont tombés en panne, raconte le Dr Naïm. Nous attendons les autorisations israéliennes pour les pièces de rechange. 300 patients ayant besoin de soins à l’étranger attendent aussi une autorisation. Tout cela procède d’un chantage visant à nous pousser à quitter le pouvoir. Nous ne céderons pas. » En attendant, Gaza survit, mais ne vit pas.

À Ramallah, le gouvernement d’urgence espère asphyxier financièrement le Hamas en participant au boycottage de la bande de Gaza. Mais les dirigeants du Hamas, rodés au blocus depuis plus d’un an, affirment qu’ils tiendront bon. « Avec la TVA et les taxes locales, nous avons suffisamment d’argent pour fonctionner, affirme Khalil Abou Leila, responsable des relations extérieures du mouvement. L’économie souffrira un peu de la situation. Mais pour la population la souffrance économique n’est en rien comparable au martyr de l’insécurité qu’elle a enduré ces derniers mois. Qu’ils empêchent les fonctionnaires de travailler pour nous s’ils le souhaitent. En réalité nous pouvons fonctionner avec 20 % des effectifs de la fonction publique, tellement il y a d’emplois fictifs. Et nous avons les moyens de les payer. »

Qu’entendent faire les islamistes de leur pouvoir à Gaza ? « Ce qui est certain, c’est que nous ne voulons pas établir un émirat islamique à Gaza, affirme Ghazi Hamad, le porte-parole du gouvernement Hamas. Ces accusations sont ridicules. » Le Hamas affirme que la prise de Gaza par la force n’était pas prévue. Cette option se serait, selon les islamistes, imposée en raison des circonstances, pour mettre un terme aux affrontements armés. Et, un peu comme après les élections législatives, lorsque sa victoire l’avait pris par surprise, le Hamas se serait retrouvé avec Gaza sans vraiment l’avoir planifié.

« Un dialogue avec le Fatah »

Mais maintenant, les islamistes doivent tenter de gérer au mieux cette conquête. Ils ont décidé d’en faire un modèle de gestion, une vitrine pour marquer des points en Cisjordanie. « Notre priorité est d’instaurer la sécurité à Gaza, affirme Hamad. Ce n’est pas si facile. Mais ce sera un gros succès si nous y parvenons. Nous devons aussi nous préoccuper d e fournir de l’eau, de l’électricité et de l’essence à la population. Mais le plus gros défi est d’éviter un éclatement définitif entre Gaza et la Cisjordanie. Pour cela nous devons parvenir à rétablir le dialogue avec le Fatah, qui refuse tout contact pour l’instant. Il n’y a pas d’alternative. Car même si l’on organise des élections anticipées et qu’un des deux partis obtient une majorité, il ne peut plus gouverner sans l’autre. Le Hamas et le Fatah sont comme les deux ailes d’un oiseau. La seule solution c’est de reformer un gouvernement d’union nationale. »

Patrick Saint-Paul, envoyé spécial à Gaza - Le Figaro, le 10 juillet 2007

Du même auteur :
- Gaza : Cette Armée de l’islam issue du clan Doghmosh
- Vente d’armes : discorde israélo-américaine


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