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Le Liban glisse dans la guerre par explosions successives incontrôlées

jeudi 28 juin 2007 - 06h:32

Alain Campiotti - Le Temps

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Proche-Orient. L’attentat qui a coûté la vie à six Casques bleus du contingent espagnol avait été annoncé. La menace partait du camp assiégé près de Tripoli que l’armée libanaise ne parvient pas à réduire. Qui tient le briquet ?

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Des soldats de la Finul secourent leurs collègues visés par l’attentat qui a coûté la vie à six soldats du contingent espagnol - Photo : Keystone

Au sud du lac Qaraoun, après un chapelet de villages décorés de fanions jaunes et de portraits des martyrs du Hezbollah, l’armée libanaise barrait le chemin. Raison donnée : « La route est trop mauvaise. » Même une autorisation du Ministère de l’information ne servait à rien. C’était dimanche, à la mi-journée. Peu après, deux véhicules de la Finul ont été soufflés par l’explosion d’une voiture piégée, dix kilomètres plus loin, avant Khiam. Opacité libanaise. Six soldats du contingent de Casques bleus espagnols venu renforcer la surveillance du pays au sud du Litani après la guerre de l’été 2006 ont payé de leur vie cette action annoncée.

Car l’ONU savait. A Beyrouth, la protection du QG de la Finul avait été consolidée par de hautes barrières. La menace venait de prisonniers du Fatah al-Islam, capturés à Nahr al-Bared, au nord de Tripoli, où ce mouvement ultra-violent soutient depuis trente-sept jours un siège face à l’armée libanaise. Ils avaient promis, selon les services de renseignement, d’autres actions contre « les juifs, les croisés et les infidèles » si le siège n’était pas levé, et en particulier des attentats contre la Force intérimaire de l’ONU (Finul).

Le Liban entre peu à peu dans une étrange guerre, faite d’actions violentes compartimentées, illisibles ou à lectures multiples.

Tripoli, pour la deuxième fois depuis mai, a été dans la nuit de samedi à dimanche le théâtre d’un épisode d’une extraordinaire violence. Il s’est terminé au matin par la quasi-destruction d’un immeuble de cinq étages dans le quartier populaire d’Abou Samra. L’armée libanaise, dont les chars sont dans toutes les grandes avenues, a voulu arrêter des membres d’un groupe djihadiste. Dans la maison en partie détruite, les soldats ont retrouvé, après une prise d’otages et dix heures de tirs, les cadavres de sept personnes, dont celui d’une femme : trois Saoudiens, un Tchétchène, des Libanais, dont certains avaient aussi la nationalité australienne. Ils appartenaient à un groupe de plus de 200 combattants, puissamment armés. C’est ce qu’affirme un résident de Tripoli bien connu en Europe : Cheikh Omar Bakri, prédicateur islamiste expulsé de Londres pour ses accointances supposées avec Al-Qaida.

Le 20 mai dernier, un assaut tout aussi violent dans la ville avait conduit à la liquidation d’une cellule d’un autre groupe, Fatah al-Islam, dont la base principale était à Nahr al-Bared, camp palestinien installé depuis plus d’un demi-siècle au bord de la mer, au nord de Tripoli. Le groupe s’est vengé en exécutant une trentaine de soldats libanais dans la périphérie du camp, souvent égorgés pendant leur sommeil. Le siège de la Rivière froide (en arabe, le nom du camp) a commencé le lendemain.

Elias Murr, le ministre de la Défense, a annoncé vendredi dernier la fin de la bataille. Il ne restait, disait-il, que quelques poches à réduire. Mais samedi matin, au nord de la ville-camp, sous un hangar du port, aucun des soldats couchés ou assis ne le croyait. Ils revenaient d’un assaut nocturne, exténués. Plusieurs étaient blessés, l’un à la joue, d’autres aux bras et aux jambes. Les combats, il y a un mois, avaient commencé là, où une extension récente du camp touche le village d’Al-Abde au bord de la route côtière. Les combattants du Fatah al-Islam ont été peu à peu repoussés vers le « vieux camp » des origines, où ils sont encerclés, sans accès à la mer.

« Il y avait peu de Palestiniens au départ, dit un ferrailleur qui a ses locaux à côté du hangar des soldats, mais beaucoup se battent maintenant avec eux. » Des habitants d’Al-Abde sont revenus petit à petit, à l’abri des murs côté route, regardant par les fenêtres le résultat du pilonnage de l’artillerie installée sur les collines. Les véhicules blindés entrent et sortent du camp par une espèce de piste au milieu des maisons détruites.

Le long mois de combats a été ponctué par sept attentats dans la région du grand Beyrouth. Le dernier - déjà une voiture piégée - a coûté la vie au député Walid Eido. Il y a une dizaine de jours, à Bar Elias, dans la Bekaa, à côté de la ville de Zahle, les services de sécurité ont réussi un coup de filet sur un autre groupe. Dans un garage, ils ont retrouvé trois voitures, bourrées d’explosifs, prêtes à l’emploi.

Qui veut faire sombrer le Liban ? Le gouvernement des sunnites, des chrétiens et des druzes, soutenu par les Etats-Unis et - apparemment encore - par la France, accuse la Syrie de vouloir récupérer sa mise perdue en 2005, après l’assassinat de Rafic Hariri. L’opposition (le Hezbollah et ses petits alliés), qui s’est retirée il y a sept mois du cabinet pour le faire tomber, dénonce une manipulation américaine pour défendre un point d’appui au Proche-Orient. Les deux camps s’invectivent avec la même passion. On ne voit pas ce qui empêchera le feu de prendre dans la montagne.

Alain Campiotti

Espoirs libanais à la réunion du Mont-Pèlerin

Une seconde rencontre interlibanaise soutenue par la Confédération s’est achevée dimanche.

Des députés, des professeurs, des conseillers politiques, des avocats : de jeudi soir à dimanche, des Libanais représentant toutes les sensibilités du Pays du Cèdre se sont réunis au Mont-Pèlerin pour échafauder des pistes pour sortir le Liban de l’impasse dangereuse dans laquelle il se trouve. Organisée par l’Association suisse pour le dialogue euro-arabo-musulman avec un appui important du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), la réunion a débouché sur l’élaboration d’un document. Celui-ci s’attelle aux causes profondes de la crise et devrait être soumis aux leaders politiques.

Les Libanais en conclave sur les hauts du Léman ont appelé à l’application complète des accords de Taëf, conclus en 1990 en Arabie saoudite pour mettre fin à la guerre civile. Aujourd’hui, l’organisation politique de l’Etat libanais est l’otage du communautarisme : la présidence revient à un chrétien maronite, celle du gouvernement à un sunnite et celle du parlement à un chiite. Le document élaboré au Mont-Pèlerin invite à la suppression de ce confessionnalisme politique.

Crainte du Hezbollah

Autre impératif : rétablir les institutions de l’Etat qui est particulièrement affaibli. Dans les discussions est apparue une crainte énorme du Hezbollah alimentée par la prise de Gaza par le Hamas. Mais l’esprit coopératif du représentant du Hezbollah a apparemment montré que le Parti de Dieu n’a rien à voir avec le Hamas palestinien et qu’il peut être davantage pris au sérieux dans le jeu politique libanais.

Si le DFAE soutient pour la seconde fois une telle réunion au Mont-Pèlerin - la première s’est tenue les 20 et 21 avril -, il a aussi exposé l’expérience suisse en matière de neutralité. En bref, les enseignements historiques qu’a tirés la Suisse à propos de ses relations avec ses voisins ou de l’organisation sécuritaire de son territoire peuvent servir au Liban. Un porte-parole du DFAE estime que la rencontre nourrit des espoirs : « Le groupe du Mont-Pèlerin peut produire des effets positifs sur le dialogue interlibanais. On espère que ce dialogue puisse s’instaurer à un plus haut niveau. » Berne met en tout cas les moyens. Depuis le mois de mars, l’ambassadeur Didier Pfirter s’est rendu à trois reprises à Beyrouth.


Stéphane Bussard

Alain Campiotti, Beyrouth, Nahr al-Bared - Le Temps, le 26 juin 2007

Par Alain Campiotti :
- Les Palestiniens devraient coloniser la Palestine
- « Pour la paix, nous les Palestiniens avons fait notre partie du chemin »


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