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L’Égypte redoute des infiltrations islamistes de Gaza

mercredi 27 juin 2007 - 22h:03

Ludovic Gonty - Le Figaro

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L’instabilité à la frontière nord-est du pays fait craindre aux autorités égyptiennes une reprise du terrorisme.

La prise du pouvoir par le Hamas à Gaza inquiète Le Caire. Pour l’Égypte, l’enjeu n’est pas seulement régional. La nouvelle donne à Gaza pourrait également avoir des répercussions internes. L’instabilité à la frontière nord-est de l’Égypte fait d’abord craindre une reprise du terrorisme dans le Sinaï. « La région est très étroitement surveillée, mais on redoute des infiltrations de militants et d’armes », explique Mohammed Kadry Saïd au Centre al-Ahram d’études stratégiques et politiques.

Surtout, c’est la menace d’une contagion islamiste qui inquiète Le Caire. « Le régime voit d’un très mauvais oeil l’arrivée du Hamas au pouvoir à Gaza et le risque d’établissement d’un État islamiste fondamentaliste à la frontière de l’Égypte, observe Emad Gad, politologue au Centre al-Ahram. La crainte est d’autant plus grande que le Hamas est issu des Frères musulmans, avec qui le régime égyptien a ses propres démêlés », souligne le chercheur. La confrérie islamiste, très populaire en Égypte, représente la principale force d’opposition au pouvoir d’Hosni Moubarak.

Fin 2005, les Frères musulmans ont remporté un cinquième des sièges au Parlement, sous l’étiquette d’indépendants, le mouvement étant officiellement interdit. Dans cette partie d’échecs entre le pouvoir égyptien et les Frères musulmans, la crise de Gaza, au-delà des risques qu’elle implique, pourrait cependant permettre au régime d’avancer de nouveaux pions.

« Le pouvoir peut en tirer des arguments 
 supplémentaires contre les Frères musulmans, observe Tewfik Aclimandos, spécialiste de la confrérie islamiste au Centre d’études économiques, juridiques et sociales du Caire. La prise du pouvoir à Gaza par le Hamas va donner du poids à la thèse des services de sécurité, selon laquelle le Grand Soir n’est jamais totalement absent de la pensée des islamistes », estime-t-il.

Si en Égypte, les Frères musulmans demeurent de fait un mouvement pacifique, la crédibilité de l’islamisme modéré dont ils se réclament pourrait se trouver entachée par le coup de force du Hamas. Un prétexte tout trouvé pour accentuer encore les campagnes d’arrestations contre les Frères musulmans ?

Pour Emad Gad, « plus qu’à une répression accrue de la confrérie, c’est à une guerre d’images que le pouvoir égyptien va se livrer. Le régime sait que l’argument du danger islamiste est beaucoup plus efficace que les arrestations, estime le politologue. Le Hamas s’est pris lui-même au piège en s’enfermant dans une bande de Gaza exsangue. La situation humanitaire est catastrophique. »

Les Frères musulmans appellent au dialogue

La confrérie islamiste, de son côté, a conservé depuis le début de la crise une attitude prudente. Après la prise de pouvoir par le Hamas dans la bande de Gaza, le numéro deux des Frères musulmans Mohammed Habib démentait à l’AFP toute satisfaction. « Nous n’avons jamais souhaité que la situation atteigne ce point », affirmait-il.

Seul point de divergence affiché de la confrérie avec le régime : sa condamnation du « coup d’État du Hamas » et le soutien sans faille du pouvoir égyptien à Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne. « Ce n’est pas notre rôle [en Égypte, NDLR] de pencher vers l’un des deux camps. Notre rôle est de travailler à ramener tout le monde vers le dialogue », affirmait jeudi Saad al-Katatni, le président du groupe parlementaire des Frères musulmans, en réponse à un communiqué de la commission des affaires arabes du Parlement qualifiant les dirigeants du Hamas de « seigneurs de guerre à la recherche de gloire, ayant oublié les défis auxquels fait face le peuple palestinien ».

Deux images du Hamas sont en balance. D’un côté, le Hamas est auréolé d’une réputation d’intégrité, face à la corruption d’un Fatah qui n’est pas sans rappeler celle du pouvoir égyptien. Mais en contrepoint, les télévisions ont montré des images symboliquement dures : la mise à sac de ce qui fut la résidence de Yasser Arafat, ou encore celle de ces membres du Fatah obligés de se dévêtir pour se rendre. « Ce sont des images que le public associe habituellement aux exactions israéliennes. Or, là, ce sont des Palestiniens contre des Palestiniens », estime Emad Gad.

Ludovic Gonty, Le Caire - Le Figaro, le 26 juin 2007


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