Vendredi dernier, près de 500 femmes palestiniennes, principalement du mouvement Hamas, se sont opposées aux forces israéliennes qui avaient encerclé 50 résistants à l’intérieur de la mosquée Al-Nasser à Beit Hanoun.

Une Palestinienne de Beit Hanoun brandit un foulard noir couvert de sang en criant « Dieu est grand », après que deux femmes aient été tuées près d’elle par les forces israéliennes qui menaient à l’intérieur de la Bande de Gaza l’opération banalement nommée « Nuages d’automne ».

Les troupes de l’infanterie israélienne et les véhicules blindés sont entrés dans Beit Hanoun mercredi dernier, commençant la plus grande incursion militaire israélienne dans Gaza depuis le 25 juin. Les troupes israéliennes ont entamé leur retrait mardi matin après avoir imposé un siège à 40 000 habitants pendant toute une semaine, sans approvisionnement ni électricité ni eau.

Manifestation de femmes du mouvement Hamas à Gaza, le 3 novembre, en protestation contre les crimes israéliens - Photo : MaanImages/Wesam Saleh

Soixante-deux Palestiniens ont été tués, dont 32 civils, quatre femmes, 11 enfants et deux médecins. 201 personnes ont été blessées, dont plus d’une centaine de femmes et 57 enfants, selon les chiffres fournis par le Ministre palestinien de la Santé. Un soldat israélien a été tué, tandis qu’Israël revendique avoir abattu 50 résistants du côté palestinien.

« Ce n’est pas une escalade, c’est un massacre, ce sont des crimes de guerre perpétrés par le gouvernement israélien sous les yeux du monde entier, » a déclaré le Premier Ministre Ismaïl Haniyeh. « Ces pays qui nous incitent à nous soumettre à cette occupation aveugle se trompent, » a-t-il ajouté à l’occasion de la prière du vendredi dans la ville de Gaza.

Vendredi dernier, près de 500 femmes palestiniennes, principalement du mouvement Hamas, se sont opposées aux forces israéliennes qui avaient encerclé 50 militants à l’intérieur de la mosquée Al-Nasser à Beit Hanoun, puis ont réussi à les sauver. Un grand nombre de femmes portant foulard et long monteau ont franchi des tas de terre pour atteindre la mosquée, se faufilant entre les chars pour éviter les tirs, certaines portant des enfants et agitant des drapeaux blancs.

« En tant que femmes, nous avons la capacité de combattre et de faire face à l’ennemi israélien, » nous dit Jamila Shante, députée du Hamas qui a participé à la mission de sauvetage. « Nous avons lancé des appels par haut-parleurs le matin en encourageant les femmes à venir, et elles sont venues, portant des vêtements en plus pour permettre aux militants de fuir au milieu d’elles, » raconte Shante. Selon le Hamas tous les combattants ont pu s’échapper sains et saufs. « Nous sommes fières de nous ; nous sommes venues sans armes et nous avons permis aux combattants de prendre la fuite, » dit-elle encore.

Cela a été un des jours les plus sanglants de l’incursion. Les forces israéliennes ont abattu une femme en tirant sur elle à hauteur de la bouche et une autre en tirant à la tête, alors que les femmes se précipitaient pour ramasser celles qui étaient tombées pour les porter aux ambulances stationnées non loin de là. Un flot continu de victimes est arrivé jusqu’à l’hôpital Kamal Edwan à Beit Lahiya en dehors de Beit Hanoun. Le personnel de l’hôpital a tenté désespérement de faire face à l’afflux de blessés, alors qu’il était à court de produits de base tels que des bandages et des antibiotiques. « Les israéliens tirent directement sur les femmes, » nous dit le Docteur Saed Judah, directeur de l’hôpital, qui nous apprend qu’une troisième femmes a été touchée par un tir à la poitrine. « La majorité des blessés sont des femmes et des enfants de moins de 16 ans, » ajoute Judah.

« Les morts ont été amenés à l’hôpital Al-Shiffa [premier hôpital de Gaza], gravement sectionnés et même en morceaux, la peau et les tissus profondément brulés, » nous dit le Docteur Juma As-Saqa, chirurgien et responsable des relations publiques ; « les victimes étaient constellées de centaines d’éclats d’obus. » Il nous a assuré que depuis le 25 juin les israéliens utilisaient des armes non conventionnelles contre la population de Gaza, citant le grand nombre d’amputés, certains étant totalement défigurés par les armes utilisées.

“Nuages d’automne” a frappé la population civile plus durement encore que les opérations qui ont eu lieu tout au long de l’incursion de quatre mois à l’intérieur de Gaza, soit-disant pour faire cesser les tirs de fusées Al-Qassam vers Israël et pour retrouver le soldat israélien fait prisonnier par le Hamas. Au cours de cette invasion 352 Palestiniens sont morts et 1283 ont été blessés dont 415 enfants, selon le Ministère de la Santé de l’Autorité Palestinienne.

Les forces israélienns ont déclaré cet espace [Beit Hanoun] zone militaire fermée, confinant les habitants dans leurs maisons de façon à pouvoir porte après porte rafler tous les Palestiniens « recherchés » sur leurs listes et pour mener leurs interrogatoires. Les forces israéliennes ont ordonné par haut-parleur à tous les hommes de 16 à 45 ans à se rassembler en-dehors des maisons. Des centaines de Palestiniens suspectés de résistance ont été emmenés pour être soumis à un interrogatoire, l’armée israélienne prétendant qu’ils cachaient d’importants stocks d’armes. Les entrées principales dans cette zone ont été bloquées par des tanks israéliens et des tas de terre, pendant que les ambulances attendaient les victimes qui ne manqueraient pas d’arriver.

Pendant ce temps, Al-Qassam, l’aile militaire du Hamas et le Jihad Islamique annonçaient par la voie de communiqués officiels avoir combattu les forces israéliennes dans Beit Hanoun et avoir tiré des fusées en direction d’Israël. Le Hamas dit s’être interdit la lutte armée jusqu’au 25 juin et avoir perdu 5 ou 6 combattants la semaine passée.

Il y a une unité féminine spéciale à l’intérieur du Hamas qui est entraînée et qui milite pour son organisation. Selon un important responsable du mouvement Hamas, l’opération de sauvetage a été une décision prise par l’aile militaire de l’organisation. « Les femmes qui y ont participé étaient d’Al-Qassam, » nous dit ce responsable en ajoutant « Nous avons un service de renseignement qui a observé le mouvement des tanks israéliens et les combattants circulaient en fonction de cette information. Des femmes font partie de ce système de collecte de renseignements. » Une femme appartenant au Jihad Islamique a mené une opération suicide contre les forces israéliennes ce lundi. Cette femme s’est faite exploser après avoir été stoppée par les forces israéliennes, blessant un soldat.

« Trois cents fusées Al-Qassam ont été lancées depuis Beit Hanoun vers Israël » selon Avital Leibovitz, porte-parole de l’armée israélienne. Le but de l’opération serait de « frapper ceux qui sont impliqués dans ces tirs de fusées Al-Qassam » selon Leibovitz, bien que ce sont 40000 habitants qui aient été pris au piège dans Beit Hanoun toute une semaine pendant laquelle l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency), le Programme Alimentaire Mondial (UN World Food Programme) et la Croix Rouge ont tenté de fournir une assistance d’urgence.

« Dans Beit Hanoun, c’est une épouvantable situation de mort, de destruction et de désespoir, » a constaté John Ging, le directeur de l’UNRWA à Gaza après que son agence ait pu livrer une aide de première urgence comprenant de l’eau, de l’essence, des rations alimentaires et du matériel de literie. Les habitants ont appelé à l’aide les employés des nations unies mais ils n’ont eu le droit de quitter leurs maisons qu’un bref moment pour faire quelques réserves alors que beaucoup de magasins aient été fermés. Après avoir fourni de l’assistance pour la troisième fois, Ging a décrit les dégâts dans Beit Hanoun comme « la destruction à grande échelle des réseaux de routes, de transport de l’eau , d’électricité, ainsi que des systèmes de communication ». l’UNRWA a fait part des difficultés à coordonner les ambulances à cause des forces israéliennes stationnées à l’extérieur des hôpitaux. « Les civils innocents payent de leur vie le prix des échecs politiques, » a encore dit Ging.

Le secrétaire-général des nations unies Kofi Annan a publié un communiqué pour faire savoir qu’il était « profondément inquiet de l’escalade continuelle de violence et de l’augmentation du nombre de morts suite à l’opération militaire israélienne dans le nord de la Bande de Gaza », appelant les israéliens à se restreindre. Prenant une position différente, McCormack le porte-parole du département d’état américain a déclaré « que les premières raisons de cette situation sont les attaques permanentes vers Israël à partir des zones contrôlées par l’Autorité palestinienne. »

Le Président palestinien Mahmoud Abbas est arrivé à Gaza dans la nuit de lundi afin de poursuivre les discussions entre le Fatah et le mouvement Hamas pour la formation d’une gouvernement d’unité nationale. Les deux camps espèrent que le nouveau gouvernement permettra de briser l’embargo mis en place par les Etats-Unis et l’Union Européenne après que le Hamas ait été élu à la tête de l’Autorité Palestinienne.

Le Premier Ministre Ismaïl Haniyeh a déclaré à Al Ahram Weekly que « le Hamas a le droit de choisir le futur Premier Ministre qui s’exprimera alors seulement au nom du nouveau gouvernement et ne présentera pas forcément la position officielle du mouvement Hamas. » Jusqu’à ce mardi le choix du premier ministre n’avait pas encore été fait. Toujours selon Haniyah, « ceci permettra au président de tenter de relancer un processus de paix avec Israël et de négocier. Le Hamas ne créera pas d’obstacle à la démarche du président Abbas. »

11 novembre 2006 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2006/819...
Traduction : Claude Zurbach