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Jérusalem : 40 ans après

mercredi 6 juin 2007 - 06h:20

Karim Lebhour - RFI

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Considérée par Israël comme sa « capitale éternelle et indivisible » de l’Etat d’Israël, Jérusalem est aussi revendiquée par les Palestiniens aspirant à y créer la capitale de leur futur Etat. Sous souveraineté israélienne depuis 1967, Jérusalem demeure divisée entre les quartiers juifs et arabes.

Une vieille maison arabe isolée, perdue dans un vaste chantier de construction de logements sur les hauteurs de Jérusalem-Est.

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Vue générale de Jérusalem-Est. (Photo : AFP)

C’est sans doute l’image qui résume le mieux les bouleversements qu’a connus la Ville sainte depuis cette journée du 7 juin 1967 où le général israélien Moshe Dayan s’exclamait en vainqueur devant le mur des Lamentations : « Nous avons réunifié Jérusalem ». Quarante ans plus tard, « l’unification » de Jérusalem reste largement illusoire.

Il suffit pour s’en rendre compte, de prendre la route qui descend depuis les remparts de la vieille ville vers le quartier arabe de Silwan. La chaussée étroite, trouée de nids-de-poule, contraste avec le bitume impeccable de Jérusalem-Ouest, quelques centaines de mètres plus haut. Bâti à flanc de colline, en contrebas de la vieille ville, Silwan est l’un des quartiers arabes les plus pauvres de Jérusalem-Est. Les bennes à ordures n’y sont ramassées que deux fois par semaine et débordent largement. Le soir, l’éclairage public est presque inexistant. « Le réseau électrique est le même qu’en 1967, assure Fakhri Abou Diab. Nous payons nos taxes, mais on ne reçoit aucun service. Les Israéliens disent que c’est la même ville, mais quand mes enfants vont à l’Ouest, ils ont l’impression d’être à Paris ». Dans les faits, les parties juives et arabes de la ville sont loin de recevoir le même traitement. Avec 33% de la population de la ville, les quartiers arabes de Jérusalem-Est ne reçoivent que 8,4% du budget de la municipalité de Jérusalem.

« Jérusalem-Est n’existe pas ! »

Les seules rues pavées et éclairées sont celles à l’usage des colons israéliens qui ont pris pied à Silwan, à l’endroit des ruines enfouis de la « Cité de David », où le premier roi hébreu aurait fondé Jérusalem, il y a quelque trois mille ans. Soutenu par Elad, une puissante organisation qui se donne pour but d’encourager la présence juive dans le « bassin sacré » de Jérusalem. Car depuis quarante ans, Jérusalem s’est étirée en tout sens sur le sol des vaincus. Aussi loin que porte le regard, on devine les colonies de Har Homa au sud, Kidmat Zion, Neve Yaacov et Pisgat Ze’ev, au nord, qui ont vu le jour dans les limites géographiques de la Jérusalem orientale. « Jérusalem-Est n’existe pas ! martèle Rami Nasrallah, directeur du Centre d’études pour la coopération et pour la paix. Israël a réussi a fragmenter Jérusalem-Est et à isoler les quartiers arabes entre eux, sur le modèle de ce qui a été fait en Cisjordanie avec les villes palestiniennes. Le but est de casser la continuité territoriale arabe. Si une future capitale palestinienne devait être proclamée à Jérusalem-Est, elle n’aurait aucune fonctionnalité et ne pourrait s’étendre dans aucune direction », observe le chercheur.

Après 1967, Israël a annexé 70 km2 de terres autour de la vieille ville et des quartiers arabes, dont 54 % ont été déclaré « zone verte », réservés aux espaces verts, routes, bâtiments publics, etc. Une vingtaine de kilomètres carrés ont été confisqués pour y installer des résidents juifs, ne laissant aux Palestiniens seulement neuf kilomètres carrés constructibles. Or, les quartiers arabes de Jérusalem-Est, comme Silwan, étouffe sous le poids de la démographie. Construire relève de l’impossible. « A moins d’avoir beaucoup d’argent, de très bons avocats et énormément de patience, il est quasiment impossible pour un Palestinien d’obtenir un permis de construire à Jérusalem, même s’il possède la terre. Alors les gens construisent quand même, sans autorisation », explique Angela Godfrey-Goldstein, du Comité israélien contre les destructions de maisons (Icahd), une organisation de gauche. « Pendant quatre ans, j’ai demandé un permis pour construire ma maison sur le terrain de mon père, sans résultat », témoigne Fakhri Abou Diab. Construite illégalement, sa maison, comme les quatre-vingt huit autres qui l’entourent dans le même quartier, est sous le coup d’un ordre de démolition. « Ce que veulent les Israéliens c’est nous chasser de Jérusalem et nous envoyer derrière le mur, en Cisjordanie. Ils veulent prendre la terre, mais sans les Palestiniens qui y vivent », poursuit-il.

En limitant au maximum les constructions palestiniennes, la municipalité de Jérusalem entend de cette manière afin de conserver une large majorité juive à Jérusalem. Aujourd’hui, la ville abrite 720 000 habitants dont 66 % sont Juifs et 34% sont Palestiniens. Selon les projections l’Institut de Jérusalem pour les études israéliennes, la proportion des Arabes devrait passer à 40% en 2020 et parvenir à 50% après 2035. La municipalité a donné son feu vert à la construction de trois nouveaux quartiers juifs à Jérusalem-Est, pour empêcher ce renversement démographique.

Karim Lebhour, correspondant à Jérusalemen - RFI, le 5 juin 2007

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