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Le mirage de la solution à deux Etats

mardi 5 juin 2007 - 09h:03

George Bisharat - San Fransisco Chronicle

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Tout comme l’eau chatoyante du mirage dans le désert, la solution à deux Etats s’éloigne hors de portée à chaque fois qu’on croit avancer.

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Des Palestiniens du village de Deir Al-Ghosoun, en Cisjordanie, examinent la notification israélienne leur annonçant la confiscation de leur terre pour la construction du mur de séparation (Moud Ashqar, Maan Imges)

Il y a quarante ans cette semaine, Israël conquérait la Cisjordanie et la bande de Gaza, réinstaurant un système politique dans lequel une seule souveraineté gouvernait toute l’ancienne Palestine. Ce que le monde ne vit pas, c’est que cela avait conduit à une version de la « solution à un seul Etat » au conflit palestino-israélien - quoique un Etat dans lequel les Palestiniens et les Juifs n’étaient pas à égalité de droits.

Israël a préféré régner sur la Cisjordanie et la bande de Gaza avec des gouvernements militaires contrôlant la vie quotidienne de millions de Palestiniens dans tous ses domaines et dans lesquels ils n’avaient pourtant rien à dire. Bien que les Palestiniens aient élu aujourd’hui leurs représentants à l’Autorité palestinienne, ces officiels n’administrent que la minuscule bande de Gaza et moins de 20% de la Cisjordanie. Leur autorité excède à peine celle des responsables d’un comté.

Pendant ce temps, l’opinion internationale s’est cristallisée solidement derrière une « solution à deux Etats ». Dans ce scénario, un Etat juif et un Etat palestinien indépendant divisent la terre entre la côte méditerranéenne et le fleuve du Jourdain. Dans le milieu des années 70, la plupart des Etats à l’assemblée générale des Nations unies soutenaient le principe de la nationalité palestinienne. En 1988, l’OLP a reconnu explicitement Israël dans les frontières d’avant 1967, acceptant de gouverner sur la Cisjordanie et la bande de Gaza qui représentent ensemble juste 22% de l’ancienne Palestine.

Les Etats-Unis ont finalement pris le train en marche en 2002, quand le président Bush a demandé deux Etats démocratiques vivant côte à côte dans sa « Feuille de route pour la paix ». Même Israël s’est engagé, mais sa conception du territoire et du pouvoir qui reviendrait à un Etat palestinien était plus étriquée qu’aucune autre.

Ironiquement, cette unanimité si laborieusement élaborée pendant des décennies défend une solution maintenant impossible à mettre en ?uvre. Le programme d’Israël pour la colonisation de la Cisjordanie est avancé au point d’être devenu irréversible, et la base territoriale pour un Etat palestinien viable n’existe plus. Plus de 450 000 colons israéliens occupent actuellement 143 colonies officiellement reconnues, à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Ces colonies juives, les bandes de sécurité tout autour, les routes qui les raccordent les unes aux autres et à Israël, ainsi que le « mur de séparation », ensemble, enferment les Palestiniens dans des îlots de terre toujours plus réduits. Les colons juifs occupent à la fois les propriétés privées palestiniennes saisies sans aucune indemnisation et les terres de l’Etat dans lesquelles les Palestiniens comptent exercer leurs droits traditionnels et qu’Israël refuse de respecter.

Pendant ce temps, le poids lourd de la colonisation israélienne avance rondement. Récemment, un projet pour la construction de 20 000 logements destinés à des colons israéliens dans trois nouvelles colonies de Jérusalem-Est a été annoncé, et les ordres ont été donné pour continuer la construction du « mur de séparation » dans la Vallée du Jourdain. Il semble qu’il n’existe aucune force politique capable de ralentir, à défaut de l’arrêter, ce mouvement.
Une illusion réconfortante a été encouragée qui laissait croire que si les Palestiniens et les Israéliens pouvaient seulement être ramenés à des négociations, la solution insaisissable de deux Etats pourrait, d’une façon ou d’une autre, se matérialiser. Cette fiction répondait aux intérêts des dirigeants de tous les côtés, bien que pour des raisons différentes.

Pour le président Bush, un semblant de progrès vers une paix palestino-israélienne étoufferait l’hostilité à l’égard des USA au Moyen-Orient, et assouplirait les options politiques dans le reste de la région, notamment en Iraq.

La direction de l’OLP, personnalisée par l’infortuné Mahmoud Abbas, avait misé toute sa légitimité politique sur les accords d’Oslo et « un processus de paix » interminable qu’elle a inauguré. Abandonner les négociations d’une solution à deux Etats serait pour elle reconnaître qu’elle a conduit les Palestiniens dans une épouvantable impasse.

Israël a calmé les Etats-Unis en s’engageant dans une parodie de négociations, exploitant cette indétermination continuelle pour poursuivre sa colonisation de la Cisjordanie, et avancer vers son objectif stratégique pour un contrôle permanent sur la plus grande partie de toute l’ancienne Palestine.

Tout comme l’eau chatoyante du mirage dans le désert, la solution à deux Etats s’éloigne hors de portée à chaque fois qu’on croit avancer.

La tragédie est que de temporiser face à cette vérité incontournable ne sert finalement ni les Juifs israéliens, ni les Arabes palestiniens, ni les Américains. Un conflit permanent dans la région, à l’évidence, nuit aux premières parties concernées, il sape aussi profondément le statut des Etats-Unis dans les mondes arabe et musulman. Notre soutien réfléchi à Israël, même dans sa politique suicidaire, est une cause première de l’hostilité envers nous.

Les nombres de Juifs israéliens et d’Arabes palestiniens vivant dans les limites de l’ancienne Palestine sont maintenant à peu près équivalents, un peu plus de 5 millions chacun. La question est : le pouvoir dans cet unique système politique continuera-t-il d’être exercé dans ce que l’ancien membre de l’ANC et ministre actuel des Renseignements d’Afrique du Sud, Ronnie Kasrils, et d’autres, ont décrit comme une forme aiguë d’apartheid ? Ou les Arabes palestiniens et les Juifs israéliens jouiront-ils des mêmes droits et partageront-ils honnêtement le pouvoir dans ce qui serait déjà une politique commune ? Pour ceux qui défendent la paix, la justice et le respect du droit international, le choix devrait être évident.


George Bisharat vit à San Francisco. Il est expert en droit pénal et en affaires juridique et politiques du Moyen-Orient. Il a vécu, étudié et voyagé dans l’ensemble du Moyen-Orient, notamment en Cisjordanie occupée, et en Afrique du Nord. Il dirige le centre de pratique criminelle à San Francisco et enseigne la procédure pénale. Il peut être joint à l’adresse : bisharat@uchastings.edu

4 juin 2007 - article original publié sur San Francisco Chronicle ; source : IMEU - traduction : JPP


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