16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Les entreprises qui tuent

vendredi 8 décembre 2006 - 11h:24

Emad Mekay

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Les parents d’une militante pacifiste US qui a été écrasée par un bulldozer israélien fabriqué par le constructeur géant mondial Caterpillar ont affronté la société la semaine dernière pour la première fois, invitant les actionnaires dans leur assemblée annuelle, à cesser les ventes de « bulldozers équipés militairement à Israël ».

Cindy et Craig Corrie, les parents de Rachel, décédée, ont assisté à l’assemblée avec le mandat de certains investisseurs institutionnels juifs et chrétiens ayant déposé une résolution visant à une plus grande responsabilité solidaire de Caterpillar.

« Pourquoi paierions-nous nos propres maisons avec la destruction des maison des autres ? Pourquoi investisserions-nous nos pensions de retraites dans la destruction des oliveraies des autres ? » ont demandé les Corrie aux actionnaires. « [Les actionnaires de Caterpillar] devraient savoir qu’il y a des gens bons et respectables en Israël, en Palestine... et [les actionnaires] devraient les soutenir et non pas soutenir la violence » ont-ils exprimé dans une déclaration.

Pour les activistes qui soutiennent les parents dont la fille est décédée en 2003, en vendant des engins à l’armée israélienne, la société engage sa responsabilité en tant que telle, sachant pertinemment que l’équipement sera utilisé pour la destruction des maisons et des fermes palestiniennes.

« Nous faisons partie d’un mouvement qui prend de la force pour une responsabilité solidaire aux Etats-Unis » dit Matt Gaines de la campagne « STOP CAT » dans un entretien téléphonique, à l’extérieur de l’assemblée des actionnaires à Chicago. « Obtenir que le gouvernement américain prenne des mesures sur cette question a été très, très difficile, et nous y travaillons toujours. Nous nous en prenons directement aux sociétés impliquées en finançant, facilitant ou encourageant les crimes de guerre » dit-il.

Caterpillar est devenue l’affiche symbole des sociétés américaines visées par les campagnes de désinvestissements, pour leur rôle dans les violations des droits de l’homme par l’armée israélienne dans les terres palestiniennes occupées. La société est confrontée aussi à des accusations de crimes de guerre dans un procès [Corrie c/Caterpillar Inc] engagé par les parents de Rachel Corrie.

La société s’est défendue dans le passé de porter la moindre responsabilité dans l’usage que font ses clients de ses productions. Les porte-parole de la société n’étaient pas disponibles de suite pour faire des commentaires mais la société avait répondu récemment aux accusations de complicité et de coopération avec la destruction de maisons de civils par Israël, en lançant une campagne de relations publiques de plusieurs millions pour réduire au minimum les risques de la marque.

JPEG - 42.6 ko
Le but de notre voyage est de briser le siège illégal de Gaza, comme un pas vers la fin de l’occupation israélienne de la Palestine.

Rachel Corrie a été tuée à Rafah, dans la Bande de Gaza, alors qu’avec d’autres membres du mouvement ISM (The international solidarity movement) elle essayait d’arrêter la démolition d’une maison palestinienne, le 16 mars 2003.

Caterpillar avait fabriqué le bulldozer qui a écrasé Corrie, étudiante universitaire de 23 ans à Olympia, Etat de Washington. Sa mort a fait les titres de la presse internationale et a soulevé une condamnation générale. Les tribunaux israéliens n’ont encore poursuivi personne pour l’incident.

La SA Caterpillar basée en Illinois, dont les ventes et revenus annuels - plus de la moitié en outre-mer - montent à 36,3 milliards de dollars l’an dernier, était peu disposée à révéler son chiffre d’affaires avec Israël.

« Caterpillar gagne de l’argent sur chaque maison que ses bulldozers permettent à Israël de démolir, sur chaque centimètre du mur d’annexion que ses bulldozers permettent à Israël de construire, sur chaque olivier que ses bulldozers permettent à Israël de déraciner », dit Noura Erekat, de la campagne US pour la fin de l’occupation israélienne, à l’extérieur de l’assemblée des actionnaires.

Les militants pour la paix estiment que depuis qu’Israël occupe la terre arabe, lors de la guerre de 1967, les bulldozers de Caterpillar ont illégalement rasé la maison de plus de 50 000 Palestiniens. Selon eux, durant les 5 années passées seulement, les engins de Caterpillar ont servi à arracher plus d’un million d’oliviers, qui étaient la propriété des Palestiniens. Les organisations internationales et les militants pour les droits de l’homme, tel le Haut commissaire pour les Droits de l’homme des Nations unies, Amnesty International et Human Rights Watch, ont à plusieurs reprises ciblé Caterpillar pour sa complicité dans les violations du droit dans les Territoires occupés palestiniens.

Mais c’est la campagne pour le désinvestissement - la plupart du temps conduite par des investisseurs institutionnels chrétiens, dont l’Eglise presbytérienne des Etats-Unis, le Conseil mondial des Eglises, l’Eglise d’Angleterre et l’Eglise d’Ecosse - qui a le plus inquiété les groupes pro-israéliens de droite aux Etats-Unis et l’entreprise. Des investisseurs juifs y prennent part également, notamment la Voix juive pour la paix. Ensemble, ces groupes représentent quelque 500 millions de personnes.

Le Comité pour l’exactitude de l’information sur le Moyen-Orient en Amérique, une organisation sioniste de droite qui surveille les médias américains pour les reportages manquant d’objectivité à l’égard d’Israël, a défendu l’armée israélienne, déclarant que Corrie et les autres militants pour la paix gênaient le travail de l’armée dans se recherche des suspects de terrorisme et de contrebande d’armes. Les pacifistes répliquent qu’aussi bien les maisons que les routes, l’armée israélienne détruit les oliviers, les fermes et même les puits d’eau - des cachettes bien difficiles pour les terroristes.

Ils citent aussi un certain nombre de tentatives visant à museler l’information et toute prise de conscience au sujet de la mort de Corrie. Récemment, une pièce sur la vie de Rachel qui avait connu deux succès à Londres, a été interdite au théâtre Workshop de New York, après la protestation de quelques groupes juifs. Des copies de la pièce, composées de lettres et des notes de son journal, intitulé Mon nom est Rachel Corrie, ont été dérobées sur des étagères et il n’en reste que quelques-unes de disponibles aux Etats-Unis, disent les militants.

De plus, quand les parents de Corrie ont demandé au Département d’Etat d’enquêter sur le meurtre, leur requête a été repoussée.

Ecrivant au quotidien conservateur Jérusalem Post, Elwood McQuaid, un soi-disant « chrétien sioniste » qui a servi de directeur exécutif aux Amis du ministère d’Israël aux USA, a dépeint la campagne pour la responsabilité de Caterpillar solidaire de l’armée israélienne comme faisant partie d’une conspiration. « C’est une question, ici, qui a peu à voir avec les valeurs de justice ; mais beaucoup plus avec une obsession radicale, libérale, gauchiste », indiquait le pasteur.

Les groupes sionistes ont vite réagi pour soutenir Caterpillar. Lors des réunions, Allyson Rowen Taylor, directeur associé du Congrès juif américain, argue que ceux qui s’inquiètent des violations des droits de l’homme contre les Palestiniens devraient aussi réclamer la fin des ventes des produits des sociétés chinoises et égyptiennes, pays où les violations des droits de l’homme sont endémiques.

Les paroles de Taylor n’ont pas dissuadé les groupes chrétiens de discuter ultérieurement sur les questions chrétiennes et morales. Un débat intense a fait rage la semaine dernière à Birmingham, en Alabama, où des milliers de délégués de l’assemblée générale des Presbytériens devaient décider des prochaines étapes de leur campagne de désinvestissement.

Les groupes sionistes chrétiens ont fait pression sur l’Eglise disant que le désinvestissement était une approche erronée et ils demandaient au contraire plus d’investissements pour construire des relations de bon voisinage entre les Palestiniens et les Israéliens.

Mais la semaine dernière, la réunion nationale des Presbytériens du Moyen-Orient, dans une déclaration, a indiqué que si une stratégie d’investissements positifs pouvait être constructive, elle ne pouvait " arrêter le gouvernement israélien dans la confiscation des biens des Palestiniens et l’expropriation de leur terre ".


Emad Mekay est correspondant à IPS (société civile d’information indépendante), Washington, D.C. Il a publié des ouvrages sur les activités de la Banque mondiale, de la Banque asiatique pour le Développement et du Fonds monétaire international ; ainsi que sur les activités du mouvement anti-mondialiste. - http://www.ips.org/noram_correspond....

http://weekly.ahram.org.eg/2006/800...
Traduction : JPP


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.