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Israël 2007 : pire que l’apartheid

vendredi 1er juin 2007 - 23h:02

Ronnie Kasrils - The Guardian

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Un jeune Palestinien blessé arrive à l’hôpital après un raid des israéliens dans le nord de la bande de Gaza - photo : Reuters/Ibraheem Abu Mustafa

Mon voyage récent en Palestine à travers la Cisjordanie et la Bande de Gaza ressemblait à un de ces voyages surréalistes, me plongeant à nouveau dans le même sentiment d’urgence que je ressentais durant l’apartheid en Afrique du Sud.

Le fait de devoir passer par des myriades de check-points (plus de 500 en Cisjordanie) vous glace. Ces check-points sont contrôlés par des soldats lourdement armés, jeunes mais sinistres, qui surveillent, très tendus, chaque mouvement, leurs doigts sur la gâchette. Heureusement pour moi, le fait de voyager dans une voiture de l’ambassade sud-africaine avec des documents officiels et une escorte, les délais ont été brefs.

Passant rapidement le long de files de Palestiniens à pied ou en taxis me faisait penser à ces queues silencieuses et déprimantes devant les bureaux de pass de l’Afrique du Sud d’antan. (Loi sur les laissez-passer (Pass Law Act) de 1952 faisant obligation aux Noirs de plus de 16 ans d’avoir sur eux un laissez-passer, en l’occurrence un document ressemblant à un passeport qui stipulait s’ils avaient l’autorisation du gouvernement d’être dans certains endroits). Un trajet pour aller d’une ville de Cisjordanie à une autre qui pouvait alors prendre 20 minutes en voiture demande maintenant sept heures aux Palestiniens, accompagnées de multiples humiliations provoquées par les soldats adolescents.

Mon amie l’activiste de la paix, Terry Boullata, a pratiquement abandonné son métier d’enseignante. Le Mur monstrueux de l’apartheid coupe sa maison de Jérusalem Est de son école qui était autrefois juste de l’autre côté de la rue. Le trajet lui prend maintenant une heure pour l’atteindre. Mais elle est toutefois dans une meilleure situation que les fermiers de Qalqilya dont la ville agricole autrefois prospère est aujourd’hui totalement clôturée par le Mur et économiquement détruite. Il n’y a qu’un portail d’entrée. La clé est aux mains des soldats de l’occupation. Et souvent ils ne sont même pas là pour laisser entrer ou sortir les personnes.

Bethlehem est également entièrement clôturée par le Mur avec deux portails d’entrée. Les Israéliens ont ajouté l’insulte au préjudice en plâtrant les entrées de posters pittoresques géants pour souhaiter la bienvenue aux touristes dans le lieu de naissance du Christ.

La « Barrière de Sécurité » nommée ainsi par les Israéliens, vise à écraser l’esprit humain tout autant qu’à enfermer les Palestiniens dans des ghettos. Comme un reptile, elle se transforme et coupe à travers les terres agricoles en tant que barrière d’acier et de fer avec ses tours de garde, ses ravins, des routes de patrouille et ses systèmes d’alarme. Elle va mesurer 700 km de long et avec son hauteur de 8 à 9mètres, elle éclipse le Mur de Berlin.

Le but de la Barrière devient clair dans l’espace ouvert. Sa route coupe d’énormes étendues de champs de Cisjordanie pour les intégrer aux colonies illégales juives (dont certaines sont de véritables villes) et pour annexer de plus en plus de territoires palestiniens.

Les Israéliens prétendent que le but de ce Mur est de simplement empêcher les terroristes d’entrer (dans le pays). Si c’était le cas, disent les Palestiniens, alors pourquoi ne l’ont-ils pas construit sur la Ligne frontalière de 1967 ? On ne peut qu’être d’accord avec l’observation du Ministre auprès du bureau du Président de l’Afrique du Sud, Essop Pahad qui a déclaré : « C’est devenu tout à fait clair que le Mur et les check-points sont principalement là pour la sécurité, la commodité et le confort des colons ».

La Cisjordanie qui représentait auparavant 22% de la Palestine historique, a été rétrécie à environ 10 à 12% d’espace de vie pour ses habitants et est divisée en plusieurs fragments dont la Vallée fertile du Jourdain qui est actuellement réservée pour les colons juifs et les forces de défense israéliennes. Comme la Bande de Gaza, la Cisjordanie est effectivement une prison hermétiquement scellée. C’est choquant de découvrir que certaines routes sont barrées aux Palestiniens mais réservées aux colons juifs. J’essaye en vain de me souvenir de quelque chose d’aussi obscène dans l’Afrique du Sud de l’apartheid.

Gaza montre une image désolée d’un paysage de pauvreté, et de structures sinistres bombardées. Très mal à propos, nous avons pu donner une réception pour « Freedom Day » d’Afrique du Sud (?Journée de la Liberté’ qui célèbre les premières élections démocratiques postapartheid tenues le 27 avril 1994 quand Nelson Mandela a été élu président) dans un restaurant surplombant le splendide port et la plage.

Des bruits de tirs résonnent dans les rues, interrompant brièvement notre événement tandis que des milices ou d’autres célèbrent les nouvelles provenant de l’hôpital du rétablissement d’un camarade blessé. Des bateaux de pêche dés ?uvrés dansent en longues lignes dans le port car les temps sont durs. Ils sont confinés par les israéliens à 3 km de la côte et la pêche est par conséquent improductive. Mais, d’une manière ou d’une autre, un bon festin est servi aux invités dans la meilleure tradition palestinienne.

Nous quittons en passant par l’aéroport de Tel Aviv et l’officiel israélien saisit mon accent : « Vous êtes sud-africain ? » demande-t-il avec son accent Gauteng (une province d’Afrique du Sud) immanquable. Le jeune homme a quitté Benoni comme enfant en 1985. « C’est comment Israël ? » je demande. « C’est un endroit complètement dément » dit-il en riant. « Je pars bientôt pour l’Australie ».

« Aux antipodes ? » je pense. J’étais juste comme ça, comme Alice (au pays des merveilles), dans un monde surréaliste bien pire que l’apartheid. Je serai en Irlande du Nord en quelques heures, invité à la prestation de serment du partage gouvernemental de Stormont entre Ian Paisley et Martin McGuinness.

Même PW Botha ou Ariel Sharon étaient aussi extrémistes qu’Ian Paisley à sa grande époque. L’Irlande était sous la botte des la Grande Bretagne depuis 800 ans. L’apartheid colonial sud-africain a duré 350 ans. Le projet colonial sioniste survient dans les années 1880. La classe dirigeante israélienne, corrompue et sans vision, ne peut plus diriger comme dans le temps. Les Palestiniens n’acceptent plus d’être opprimés. Ce dont on a besoin c’est d’une unité palestinienne derrière leur gouvernement nationale élu démocratiquement, renforcé par les luttes populaires des Palestiniens et des Israéliens progressistes, soutenus par une solidarité internationale.

La position déclarée de l’Afrique du Sud est claire. Une reconnaissance immédiate du gouvernement d’unité nationale, la levée des sanctions économiques et du blocus des territoires palestiniens, la fin de l’occupation militaire de 40 ans et la reprise des négociations en vue d’une solution de deux états.

Pour terminer, l’invitation faite au premier ministre Ismail Haniyeh comme dirigeant d’un gouvernement d’unité nationale a été accueilli favorablement par le président Mahmoud Abbas et sera prise en compte par notre gouvernement sud-africain.

Comme on dit en arabe : « Inch Allah »

*Ronnie Kasrils est le Ministre des Services de Renseignements d’Afrique du Sud. Kasrils a épousé passionnément la cause du peuple palestinien pour la justice et une auto-détermination nationale et il pense que c’est la seule façon pour assurer la paix et la sécurité entre le peuple israélien et palestinien. Il croit qu’en tant que sud africain d’origine juive il a une obligation morale de dénoncer la politique inacceptable d’Israël et il a fondé un groupe de solidarité sud africain appelé « Not in my Name » (Pas en mon Nom). Il a écrit de nombreux articles et lettres sur cette question et avait rencontré en février 2004 le président Yasser Arafat.

1° juin 2007 - The Guardian - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.mg.co.za/articlePage.asp...
Traduction : Ana Cléja

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