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Irak : diviser pour régner puis piller

jeudi 31 mai 2007 - 06h:56

Nermeen Al-Mufti - Al Ahram Weekly

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Les Irakiens ne sont pas mis au courant des conséquences de la loi sur le pétrole proposée par Al Maliki et Bush et qu’ils essaient d’imposer à l’Irak, écrit Nermeen Al-Mufti.

La loi sur le pétrole et le gaz, qui est en discussion devant le Parlement, a soulevé beaucoup de polémique à l’extérieur de l’Irak mais les médias irakiens qui l’ont traité comme un fait divers, ont failli dans leur mission d’information en ne rendant pas compte à leur public de sa véritable signification.

L’insistance avec laquelle les autorités de l’occupation poussent à son adoption, est alarmante notamment au moment où tous les travaux de reconstruction sont à l’arrêt à cause du chaos généralisé dans le pays. Si la loi devait passer, disent les experts, les USA et les compagnies multinationales en tireraient profit au détriment de l’Irak.

Le Parlement est divisé au sujet de cette loi. Ceux qui ne se soucient guère d’un Irak déchiré et divisé, louent cette loi pour l’équité qu’elle peut apporter en matière de redistribution de la manne pétrolière. Les Kurdes par contre, qui espéraient obtenir la part du lion des revenus pétroliers, s’opposent à la loi tout comme ceux qui pensent qu’elle peut conduire à la partition du pays.

La plupart des gouvernements récents ont promis une redistribution juste des revenus pétroliers. Chaque gouvernement a présenté son propre plan, mais aucun n’a été mis en application. Un de ces plans propose d’ajouter directement aux salaires mensuels, une allocation monétaire tirée des revenus pétroliers mais ne propose rien pour ceux qui ne travaillent pas. L’Irak importe maintenant le carburant de l’étranger, bien qu’il possède la deuxième réserve mondiale du pétrole dans le monde. L’Irak souffre toujours des pénuries de carburant bien que le gouvernement ait annulé des subventions pétrolières sur le conseil de la banque mondiale.

Jenan Ali, un expert des affaires irakiennes, indique que la secrétaire d’état Condoleezza Rice a demandé au premier ministre, Nuri Al-Maliki de faire approuver la nouvelle loi. Le Président Bush a lui-même exprimé à plusieurs reprises le même souhait. Toute ceci montre, dit Ali, que le président américain veut le pétrole comme butin de guerre. « Le président américain veut croire qu’il a gagné le pétrole bien qu’il ait perdu la guerre. » Ali déteste le caractère vague du projet de loi. « En ce qui concerne les contrats avec les compagnies étrangères, nous ne savons pas si elles ont l’intention d’exploiter les champs pétrolifères existants ou de développer des nouveaux. »

D’après le projet de loi, les revenus de pétrole et de gaz seraient distribués à toute la nation, en fonction de la densité de la population de chaque région. Le projet de loi donne aux régions le droit de négocier et de signer des contrats pétroliers mais elles doivent en final obtenir l’approbation du gouvernement central.

Issam Al-Chalabi, ancien ministre du pétrole de l’Irak de 1978-1990 et expert très respecté à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, dit que le projet de loi est « une recette prête à l’emploi pour diviser l’Irak. » Interviewé par Al-Ahram Weekly, il a admis que l’Irak avait besoin d’une loi sur le pétrole mais il a ajouté. « L’Irak doit aussi restructurer son ministère du pétrole, mais est-ce bien le moment ? »

Le gouvernement du Kurdistan a promulgué des lois pour attirer les investisseurs et il a signé des contrats pour développer l’industrie pétrolière. Un tel comportement selon Chalabi est « prématuré ». Chalabi demande aux experts pétroliers d’exiger l’ajournement de la loi. Selon lui, la loi ne devrait être discutée qu’après l’approbation des amendements constitutionnels. « Le secteur pétrolier en Irak a besoin de maintenance. L’industrie pétrolière est dans un état lamentable compte tenu de la situation générale du pays. Les installations pétrolières sont sujettes à beaucoup de sabotage, de contrebande, et de pillage. »

Selon Chalabi, les racketteurs ont saboté les canalisations irakiennes pour voler le pétrole et pour le passer en contrebande aux pays voisins. Les contrebandiers utilisent de petits bateaux pour traverser le détroit Shatt al Arab. Il y a sept docks sur le Shatt al Arab, tous sous contrôle des milices et des racketteurs ayant des soutiens politiques. Selon lui, « Les manque-à-gagner dépassent le milliard de dollars chaque année. » Chalabi craint qu’en raison de l’imprécision du projet de loi, les sociétés étrangères se contenteraient d’exploiter les gisements pétrolierss existants au lieu d’investir pour découvrir de nouvelles ressources.

Donnant suite à un colloque portant sur la nouvelle loi, 61 experts dans la pétrole irakien ont signé une pétition adressée au parlement pour poser la question de l’opportunité de la loi, de sa « compatibilité » avec la constitution, et de son « intérêt économique » pour le pays dans son ensemble.

L’opposition à la loi ne vient pas seulement des experts tels que Chalabi. Des politiciens de renom l’ont aussi critiquée. Al-Hassani d’Abdul-Hadi est l’un d’eux et il est membre du parti politique du premier ministre. Il a fait part de ses remarques au cours d’une conférence qu’il a organisée à Londres.

La loi est censée donner naissance à un organisme central (le Conseil fédéral pour le pétrole et le gaz (FCOG)), qui sera chargé d’établir la politique pétrolière en la matière. Le FCOG ferait appel à « un bureau de conseillers indépendants » pour l’aider à définir les détails techniques des concessions, des contrats et de la production.

Un expert pétrolier irakien a déclaré sous l’anonymat au Weekly que le « bureau des conseillers indépendants » n’est autre qu’un prête-nom pour les puissantes corporations des sociétés américaines. Il a déclaré en outre : « La nouvelle loi placerait les gisements pétroliers irakiens pour des décennies sous le contrôle des compagnies étrangères, et une fois que ces dernières auraient pris leurs bénéfices, les Irakiens seront tondus et laissés avec peut-être moins de 14% des revenus pétroliers »

En attendant, le premier ministre Nuri Al Maliki a invité les compagnies iraniennes à construire quatre raffineries de pétrole dans le sud de l’Irak. Le ministère irakien du pétrole a confirmé que les compagnies iraniennes soumettront des offres pour la construction de raffineries. Selon cet expert cité plus haut, si on laissait faire les Iraniens, ils se saisiraient d’une grande partie du pétrole irakien, pour le raffiner et l’exporter à partir d’un pipe-line passant par Abadan.

Interviewé sous l’anonymat par le Weekly, un parlementaire a dit que ce serait une erreur d’approuver d’abord la loi pour l’amender par la suite comme le suggèrent certains car cela mettrait le pays dans une débâcle semblable à celle créé par la constitution nationale approuvée dans la hâte.

24 mai 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/846...
Traduit de l’anglais par D. Hachilif


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