16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Liban : Dans la tourmente des conflits régionaux

jeudi 31 mai 2007 - 06h:53

Georges Corm - La Vanguardia

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Face à une situation explosive créée par la crise constitutionnelle qui secoue le pays depuis novembre 2006, l’armée libanaise a assuré à tous des espaces de liberté. Mais elle se trouve aujourd’hui dangereusement exposée, politiquement et militairement.


La déstabilisation du Liban, initiée par la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations Unies en septembre 2004, amplifiée par l’assassinat de Rafik Hariri en février 2005 et ceux qui ont suivi, continue à un rythme plus inquiétant qu’auparavant.

JPEG - 51.1 ko
Georges Corm

Aujourd’hui, c’est un nouveau degré qui est franchi. La petite armée libanaise a, en effet, joué un rôle clé depuis deux ans en assurant avec efficacité la sécurité sur tout le territoire libanais. Elle a réussi, en outre, à rester neutre entre les factions libanaises, assurant la protection des différentes manifestations et empêchant tout dérapage grave des grands rassemblements populaires des pro-occidentaux qui gouvernent de façon contestée le pays, comme ceux de l’opposition qualifiée de prosyrienne.

Face à une situation explosive créée par une crise constitutionnelle grave qui secoue le pays depuis novembre 2006, l’armée a assuré à tous des espaces de liberté pour manifester et faire des sit-in. Elle l’avait déjà fait en 2005, lors de l’assassinat de Rafik Hariri, ce qui avait d’ailleurs entraîné la chute du gouvernement sous la pression des manifestants. Elle l’a fait à nouveau, à partir de décembre 2006, lorsque l’opposition commence à organiser des manifestations géantes et un sit-in public qui dure toujours. Cette fois cependant, le gouvernement libanais, malgré la démission des ministres de la communauté chiite et d’un ministre de la communauté grecque-orthodoxe, se refuse à partir ou à élargir le gouvernement pour prendre le caractère d’un gouvernement d’union nationale, et ceci malgré les manifestations géantes et la permanence du sit-in des partis de l’opposition. Le gouvernement, qui a perdu sa légitimité multicommunautaire, résiste à l’appel de la raison, fort du soutien des Etats-Unis et des Etats de l’Union Européenne.

Aussi, en ayant été entraînée sans y être préparée à une confrontation militaire avec les éléments armés du mouvement terroriste et jihadiste, dit Fath el Islam, qui se dit groupe dissident du Fath palestinien, l’armée libanaise se trouve-t-elle dangereusement exposée, politiquement et militairement. Sur le plan politique, le siège d’un camp palestinien rempli de civils, situé au nord de la ville de Tripoli, et que le groupe terroriste semble tenir en otage, rappelle trop les souffrances palestiniennes passées au Liban (entre 1975-1990) et bien sûr en Palestine occupée. Si la confrontation devait durer et que le nombre de victimes civiles palestiniennes augmente encore, la belle réputation de l’armée libanaise en sortira ternie. Bien plus, l’armée libanaise qui a déjà de nombreux effectifs immobilisés au sud, sur demande de l’ONU et des puissances occidentales, mais aussi dans la capitale, Beyrouth, et dans tous les grands centres urbains pour maintenir la paix civile, devra alors se concentrer sur le nord du pays et donc tirer à l’extrême sur ses effectifs et ses moyens limités ou en retirer d’autres zones sensibles. Le risque est aussi de voir des agitations dans d’autres camps palestiniens.

Il est donc clair que la provocation faite à l’armée libanaise par le groupe Fath el Islam n’est pas innocente. Bien plus, objectivement, elle arrange tous ceux qui, à l’intérieur du pays, comme en Israël ou en Occident, sont dépités de la coopération continue entre l’armée libanaise et le Hezbollah. Certains se sont en effet imaginés naïvement que l’armée libanaise se lancerait dans l’aventure suicidaire de retirer au Hezbollah ses armes, ce qui serait la voie ouverte à la guerre civile interne ; d’autres ont pensé ou souhaité que l’armée libanaise empêcherait l’opposition de continuer ses manifestations et son sit-in.

Aussi, ces désirs n’ayant pas été réalisés, quoi de plus simple que d’essayer d’entraîner l’armée dans une confrontation avec les camps palestiniens et, en cas d’échec à les désarmer, à la condamner pour son inefficacité à faire appliquer la fameuse résolution 1559 et celle plus récente, dite 1701. Le champ serait alors libre pour une autre intervention israélienne ou pour un appel du gouvernement libanais, à la légitimité fortement contestée, à de nouveaux contingents militaires internationaux à déployer aussi aux frontières avec la Syrie, accusée de fomenter ces troubles.

Tout ceci se déroule alors que la question du tribunal à caractère international pour juger des assassins de Hariri suscite toujours plus de polémiques internes libanaises, mais aussi entre membres du Conseil de sécurité. On n’oubliera pas aussi que le très sérieux journaliste américain Seymour Hersh nous a averti depuis mars passé, que certaines branches de l’Administration américaine et un membre très influent de la famille royale saoudienne (le prince Bandar ben Sultan, ancien ambassadeur à Washington) ont décidé de faciliter l’entrée au Liban et le financement de groupes sunnites jihadistes terroristes, notamment le Fath el Islam, hostiles aux chiites et ceci pour embarrasser le Hezbollah et attiser les tensions entre sunnites et chiites au Liban.

Georges Corm - La Vanguardia, le 24 mai 2007 : Líbano en la tormenta
Alternatives International

du même auteur :
- « La clé de la stabilité, c’est le règlement de la question palestinienne »
- Un rêve « dissident » de règlement global


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.