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Imbroglio présidentiel au Liban

dimanche 20 mai 2007 - 07h:01

Mouna Naïm - Le Monde

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C’est une échéance qui, depuis trois ans, s’imprimait en filigrane de l’imbroglio des crises libanaises et qui est désormais le fil rouge de toutes les manoeuvres politiques. Il s’agit de l’élection du président de la République qui, le 24 novembre, succédera à Emile Lahoud, reconduit pour trois ans dans ses fonctions à l’automne 2004 par la volonté de l’ancien tuteur syrien et boycotté par la majorité parlementaire et par une grande partie de la communauté internationale.

Les plus optimistes veulent voir dans ce scrutin la chance à saisir pour amorcer une réconciliation nationale par le biais d’une entente préalable sur le candidat idoine. Compte tenu toutefois des profondes divisions qui minent la classe politique, l’élection risque de ne pas avoir lieu. La vacance de la présidence ouvrirait alors la voie à des initiatives intempestives lourdes de dangers pour le pays.

Au Liban, le président de la République est élu par le Parlement pour un mandat de six ans non renouvelable. Le scrutin doit être organisé dans le courant des deux mois qui précèdent l’expiration, le 23 novembre à minuit, du mandat présidentiel. M. Lahoud a déjà annoncé que, si les députés ne parviennent pas à lui choisir un successeur, il refusera de confier la présidence au gouvernement actuel dirigé par Fouad Siniora. A l’unisson de l’opposition, le président conteste la légitimité de cette équipe ministérielle depuis la démission, en novembre 2006, de six ministres, dont les cinq représentants de la communauté chiite.

"Je prendrai la décision de moindre mal" pour le Liban, s’est borné à déclarer de manière elliptique M. Lahoud dans un récent entretien à la chaîne satellitaire France-24. L’intention lui est prêtée - qu’il ne dément ni ne confirme - de confier à une personnalité de son choix la tâche de former un gouvernement bis, à qui il remettrait les pouvoirs présidentiels. Il s’agirait là d’une double violation de la Constitution. Celle-ci dispose qu’en cas de vacance de la présidence, "pour quelque raison que ce soit", c’est le conseil des ministres qui assure les pouvoirs à titre intérimaire. Elle prévoit aussi que la désignation d’un premier ministre doit se faire "sur la base de consultations parlementaires", ce qui veut dire que le président doit se soumettre à l’avis de la majorité des députés. Dans la configuration actuelle, celle-ci lui est hostile.

Autre problème et pas des moindres, dans la mesure où il met en danger le processus électoral : la majorité et l’opposition font des lectures différentes de la Constitution à l’endroit du quorum requis pour que le Parlement se constitue en collège électoral. Le texte stipule que, au premier tour, "le président de la République est élu au scrutin secret, à la majorité des deux tiers des suffrages". Il s’agit des deux tiers des voix des députés présents, clame la majorité, alors que pour l’opposition la présence d’au moins deux tiers des 127 membres du Parlement est la condition sine qua non du déroulement du premier tour électoral.

Nul, à ce jour, ne conteste l’attribution de la présidence à la communauté maronite (catholique), en vertu d’un pacte non écrit qui remonte à l’indépendance. En revanche, et bien que les candidats susceptibles de compromis ne manquent pas, chacun des deux camps en présence clame à l’envi qu’il n’acceptera de hisser à cette fonction qu’un homme - ou une femme mais c’est bien plus aléatoire - sorti de ses propres rangs. L’objectif, de part et d’autre, est de se prémunir contre l’arrivée d’un "président adversaire" qui contrarierait l’avenir à court et moyen termes. La question de l’armement du Hezbollah tient à cet égard une importance capitale. Le Parti de Dieu et ses alliés veulent à tout prix en garantir le maintien, alors que, avec une égale détermination, la majorité est résolue à y mettre un terme.

"Pour une seule et unique fois"

Au sein du camp politiquement majoritaire, les présumés postulants à la présidence sont nombreux, mais aucun ne s’est encore officiellement porté candidat. Avec 70 députés, ce camp tient la clef de la victoire au second tour du scrutin, une majorité absolue des voix étant suffisante. Les formations de l’opposition ont pour leur part déjà adoubé, ou sont en voie de le faire, le général Michel Aoun, chef du Courant patriotique libre. Mais, avec 56 députés, elles ne disposent d’aucune des majorités requises pour le hisser à la première magistrature. Convaincu que l’opinion publique lui est favorable, ainsi qu’à ses principaux alliés de l’opposition, M. Aoun réclame des élections législatives anticipées ou un scrutin présidentiel au suffrage universel "pour une seule et unique fois".

L’une et l’autre proposition sont appelées à demeurer lettre morte, parce que la dissolution de la Chambre des députés - en vue de législatives anticipées -, aussi bien qu’un amendement de la Constitution - pour une élection présidentielle au suffrage universel - requièrent l’assentiment de la majorité parlementaire qui s’y oppose. La formule "pour une seule et unique fois" ressuscite du reste dans l’esprit d’une grande partie des Libanais le souvenir amer de deux bricolages constitutionnels imposés dans un passé tout récent par l’ancien tuteur syrien. C’était en 1996 et en 2004, lorsque Damas avait exigé la reconduction dans leurs fonctions des présidents Elias Hraoui et Emile Lahoud. Dans les deux cas, l’amendement était prévu "pour une seule et unique fois".

L’échéance présidentielle a quelque peu occulté les autres divergences qui séparent la majorité de l’opposition, notamment à propos de deux questions-clefs. La première, prioritaire aux yeux de la majorité, est la création du tribunal "à caractère international" chargé de juger les présumés coupables de l’assassinat de l’ancien premier ministre, Rafic Hariri. Il est désormais pratiquement acquis que le Conseil de sécurité de l’ONU imposera la création de cette juridiction, faute d’accord inter-libanais à ce sujet.

L’autre question conflictuelle est la formation d’un gouvernement dit "d’union nationale" réclamé par l’opposition, qui entend y disposer d’une minorité de blocage. Cette revendication a perdu de son souffle, dans la mesure où l’élection présidentielle entraînera ipso facto la formation d’une nouvelle équipe ministérielle. Les opposants n’en baissent pas pour autant la garde. Ils ont l’intention de maintenir en place le village de tentes dressé depuis le 1er décembre 2006 sur deux des principales places du coeur de Beyrouth. Ils ont même récemment enfourché un nouveau cheval de bataille : la dénonciation de la politique gouvernementale d’indemnisation des sinistrés de la guerre de l’été 2006, qui a opposé le Hezbollah à l’armée israélienne.

Mouna Naïm - Le Monde, le 17 mai 2007


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