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Des rapports à la place des actes

jeudi 17 mai 2007 - 19h:30

Amira Hass - Ha’aretz

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Toutes les quelques semaines, un organisme international d’un genre ou d’un autre publie un rapport établissant un lien direct entre la politique de limitation des déplacements imposée par Israël et la dégradation économique dans les Territoires. Le rapport s’accompagne bien souvent de la mise en garde que cette situation ne peut pas durer. La semaine passée, c’était au tour de la Banque mondiale de publier sa mise en garde dans le cadre d’un rapport discutant les chances d’investissement et de développement dans le secteur privé palestinien.

Des dizaines d’inspecteurs internationaux, secondés par des experts en économie, s’affairent à examiner la dégradation de l’économie palestinienne, et des dizaines d’autres rapports semblables seront encore écrits, tant que les Etats qui les financent se contenteront de mots et ne prendront pas des mesures pour arrêter la destruction économique et sociale qu’Israël occasionne aux Palestiniens. Le nouveau rapport est parfaitement détaillé mais on n’y trouve rien de nouveau et il souligne ce qui a été dit et écrit depuis des années : qu’Israël cause un dommage terrible à l’économie palestinienne et à son secteur privé.

En 2002, lors la publication de l’un des rapports sur les conséquences de la politique de blocus, le précédent délégué de la Banque mondiale dans les Territoires, Nigel Roberts, louait la stabilité de la société palestinienne et estimait que n’importe quelle société occidentale se désintégrerait si elle devait subir un désastre économique pareil. Aujourd’hui, cinq ans après les mises en garde et les objurgations d’alors, la crise sociale est à son comble : essentiellement dans la Bande de Gaza et à Naplouse, qui sont - et ce n’est pas un hasard - les régions soumises au blocus israélien le plus dur.

Pourquoi Israël prendrait-il en considération les avertissements de la Banque mondiale alors que ceux-ci n’ont pas de dents ? Il ne suffit pas d’évoquer les routes de l’apartheid parallèlement à l’expansion des colonies, ou le fait qu’environ 50% des territoires de la Cisjordanie ne sont pas accessibles aux Palestiniens. Il ne suffit pas de compter les camions qui n’entrent ni ne sortent au point de passage de Karni, ni de faire le compte des quelques jours où le terminal de Rafah est ouvert. Il ne suffit pas d’orner ces rapports de tableaux présentant les Territoires palestiniens comme une région frappée d’un désastre permanent.

Les Etats-Unis et l’Europe ont su parfaitement comment punir les Palestiniens quand ceux-ci ont élu, lors d’élections démocratiques et libres, un gouvernement Hamas : boycott politique et gel des fonds d’assistance destinés au développement et à la promotion de la production et du rétablissement d’une économie autonome. C’est vrai, les pays donateurs, occidentaux pour la plupart, ont quasiment triplé en 2006 le montant de leurs dons aux Palestiniens (900 millions de dollars contre 349 millions en 2005), mais ces fonds ont été transmis essentiellement sous forme de donations improductives à une population qui s’appauvrit - comme détaillé dans le rapport rédigé par l’économiste Karim Nashashibi, ancien membre du Fonds Monétaire International, pour le BCAH (Bureau de coordination des affaires humanitaires - structure du secrétariat des Nations Unies).

Ces généreuses donations éteignent certains des incendies humanitaires allumés par la politique israélienne mais en même temps, ils la subsidient. Ils encouragent Israël à continuer de piller les taxes et frais de douane qui constituent environ les deux tiers des revenus du Trésor palestinien. Le non transfert de ces taxes crée, bien entendu, un enchaînement d’autres reculs économiques et sociaux dans les secteurs privé et public.

Les pays qui lancent ces mises en garde continuent d’acheter des armes et autres productions israéliennes dans le domaine de la sécurité. Ils offrent l’hospitalité à des chefs militaires qui sont responsables de la mort de centaines de civils palestiniens et qui mettent en ?uvre avec ferveur la politique de blocus ; ils invitent des ministres israéliens responsables de la dégradation économique et sociale d’un peuple entier. Les pays occidentaux ont choisi de punir par des moyens très concrets l’occupé, mais pas l’occupant qu’ils considèrent comme faisant partie de leur civilisation éclairée. Le signal qu’ils adressent à Israël est qu’il lui est permis de maintenir cette même politique dont les conséquences font l’objet des mises en garde de tous les rapports.

Amira Hass - Ha’aretz, 16 mai 2007
Version anglaise : Words instead of actions
Traduit de l’hébreu par Michel Ghys

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