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La jeunesse palestinienne va-t-elle prendre sa revanche ?

dimanche 17 janvier 2016 - 08h:31

Adnan Abu Amer

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La nouvelle génération palestinienne qui mène l’intifada n’a pas attendu de recevoir des instructions des dirigeants politiques, lesquels pourraient à présent prendre en considération le mouvement impulsé par la jeunesse.

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Un jeune manifestant palestinien brandit une pierre au cours d’affrontements avec l’armée israélienne dans la ville cisjordanienne de Halhul, au nord de Hébron, le 14 novembre 2015 - Photo Reuters/Mussa Qawasma

Depuis l’éruption du soulèvement palestinien début octobre, en Cisjordanie et à Jérusalem, les jeunes ont été les plus impliqués dans les incidents quotidiens avec les soldats israéliens. Ils sont les auteurs des attaques à l’arme blanche ou aux voitures-béliers.

Selon une étude publiée par le Centre d’Etudes politiques Al-Qods, 45 Palestiniens de moins de 20 ans ont été tués depuis le 10 décembre, soit 40 % de nombre total de morts. La plupart d’entre eux seraient morts lors d’affrontements sur le terrain avec l’armée israélienne dans certaines régions de la Cisjordanie.

Les troubles ont suscité la formation de la Coalition des Jeunes de l’intifada (Intifada Youth Coalition) créée pour mener des activités, des manifestations et des confrontations avec les Israéliens. Cette coalition semble se substituer aux organisations de terrain qui avaient été établies lors des précédentes intifadas.

La direction nationale unifiée du soulèvement (Unified National Leadership of the Uprising – UNLU) avait été fondée par l’organisation de libération de la Palestine au cours de la première intifada, dite intifada des pierres, fin 1987. Au départ elle incluait le Fatah et le Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP).

La deuxième intifada, l’Intifadda d’al-Aqsa, impliquait en 2000 la formation des Forces nationales et islamiques, avec différentes factions palestiniennes telles que Hamas, Fatah, Jihad islamique et FDLP, pour gérer les opérations quotidiennes du soulèvement. L’UNLU a cessé ses activités en 1994 après la fin de la première intifada, mais les Forces nationales et islamiques sont toujours opérationnelles aujourd’hui.

La participation des jeunes dans le soulèvement palestinien actuel n’est pas une surprise. Le Bureau central des statistiques palestinien annonçait en août 2015 que la société palestinienne de Cisjordanie et de Gaza est une population jeune et le restera dans les années à venir, car les jeunes de 15 à 29 ans constituent 30 % de la population totale. Dans ce groupe, 37,4 % sont dans la tranche des 15-19 ans, et 62,6 % ans celle de 20-29 ans, selon le Bureau.

Farid Abu Dheir, professeur de journalisme et de communication à l’Université Nationale An-Najah de Naplouse, a déclaré à al-Monitor : « Le soulèvement palestinien actuel indique que la génération des jeunes palestiniens s’est imposée d’elle-même sur la scène palestinienne en employant un certain nombre d’outils non traditionnels, comme les médias sociaux. Elle cherche à s’écarter des partis palestiniens connus depuis des décennies dans l’arène palestinienne. 

Néanmoins, cette jeunesse a du mal à s’éloigner des partis palestiniens traditionnels en créant de nouvelles formes d’organisations et en rejetant les appels des factions à des événements organisés ou en refusant toute implication dan les factions palestiniennes. Car les factions contrôlent toujours la scène palestinienne, même si elles essaient de s’adapter à l’émergence des jeunes en tant qu’acteurs dans l’arène et non plus en tant que figures passives, comme dans les dernières décennies ».

Le trait le plus marquant de la situation actuelle est que la nouvelle génération de leaders a entre 15 et 25 ans. Ces jeunes sont nés à l’ère des Accords d’Oslo de 1993.

Cette génération n’a cessé de voir les abus d’Israël envers les Palestiniens et notamment les meurtres, la confiscation de terres, les rafles dans les villes palestiniennes et l’empêchement de l’idée d’État palestinien. Ils ont compris que les promesses de l’Autorité palestinienne ont été foulées aux pieds par l’armée israélienne chaque fois qu’elle prenait d’assaut la Cisjordanie.

Depuis le début de l’actuel soulèvement, des dizaines d’articles dans les médias palestiniens ont commenté la nouvelle génération palestinienne. Le journal al-Qods écrivait en octobre dernier que cette génération a grandi au moment où les factions palestiniennes s’affaiblissaient.

C’est une génération qui porte des cheveux stylés au gel et des jeans déchirés, qui s’active sur Facebook, Twitter et Instagram, écoute Justin Bieber et regardes des films avec Angelina Jolie. Cette génération peut être croyante ou laïque et ne pas lire Marx. Mais elle hait l’occupation israélienne qui lui bloque l’accès aux études universitaires arrête ses frères, démolit les maisons d’à côté et construit des colonies.

Cet environnement a créé une génération qui ne peut pas coexister avec les Israéliens, ni s’adapter à l’occupation ni faire avec, toujours selon l’article d’al-Qods.

L’ancien Ministre des Prisonniers Wasfi Kabha a dit à al-Monitor : « La nouvelle génération palestinienne qui mène le soulèvement a surmonté le niveau des factions et les considérations partisanes. J’en veux pour preuve qu’elle gère les activités quotidiennes de l’intifada en l’absence de centres de commande organisés, contrairement aux intifadas précédentes. Cette génération mène l’intifada sans structures administratives ou opérationnelles et elle avance automatiquement et spontanément ».

Il ajoute : « En même temps, il semble qu’elle ait du mal à établir un nouveau front organisationnel palestinien qui soit séparé des factions palestiniennes existantes, car la communauté palestinienne est partisane de par sa nature. Même en s’efforçant de ne pas s’attacher à des instructions organisationnelles, leur affiliation aux factions les ramène dans les bras de ces mêmes organisations ».

Il semble clair que la nouvelle génération palestinienne assure la relève après une absence de partis politiques palestiniens, puisque la direction politique palestinienne s’est crispée sur des positions autoritaires pendant des décennies, empêchant la jeunesse d’assumer des fonctions dirigeantes. Même si certains de ces jeunes sont affiliés à des partis politiques, les jeunes membres de certaines factions prennent des initiatives personnelles comme des campagnes de levées de fonds pour reconstruire les maisons que l’armée israélienne a détruites.

Selon le Bureau des statistiques palestinien, le taux de chômage parmi les jeunes a atteint 39 % en 2014, et 32.000 diplômés universitaires palestiniens arrivent sur le marché du travail chaque année. Les jeunes Palestiniens considèrent l’occupation israélienne comme la raison majeure de leurs souffrances. En l’absence de politiques palestiniennes pour résoudre ces mauvaises conditions, ils ont décidé d’agir sans demander la permission aux organisations ni aux autorités palestiniennes.

Khalil Assaf, chef du Consortium des Palestiniens indépendants en Cisjordanie, qui compte des dizaines de figures nationales indépendantes issues de différents contextes politiques, a dit à al-Monitor : « Les jeunes palestiniens dédaignent les organisations politiques, car cette nouvelle génération palestinienne a compris que ces factions ont échoué à atteindre leurs objectifs politiques. C’est pourquoi la plupart d’entre eux ne se sentent plus partie prenante de ces organisations.

Ils ont donc rejoint l’intifada spontanément, en l’absence de direction, parce que les dirigeants palestiniens n’ont pas voulu y participer ni s’y engager, par calcul personnel et sur des considérations politiciennes. Cela vaut pour tous les Palestiniens, qu’ils soient croyants et laïques ou affiliés au Hamas et au Fatah ».

Une des caractéristiques principales de la situation actuelle, c’est qu’une nouvelle génération palestinienne est descendue dans la rue sans attendre les directives des organisations politiques. Peut-être a-t-elle transcendé ces organisations, qui pourraient être contraintes de la rejoindre et d’essayer de suivre l’action sur le terrain si celle-ci persiste.

Mais il n’est pas certain que les dirigeants palestiniens sont prêts à défendre la cause des jeunes, indépendamment des organisations politiques palestiniennes. Cela nécessiterait des capacités financières qui ne sont pas disponibles. C’est pourquoi il semble probable que les jeunes formeront des groupes de pression au sein de leurs organisations politiques dans l’espoir de pousser le commandement politique palestinien à prendre en considération les intérêts et les souffrances de la jeunesse.

* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé en Histoire de la question palestinienne, sécurité nationale, sciences politiques et civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.

Du même auteur :

- Comment les Forces de Défense Israéliennes infiltrent les Palestiniens - 18 octobre 2015
- Le Hamas doit-il se préparer à une confrontation armée avec les putschistes égyptiens ? - 19 mars 2015
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- Israël et l’Autorité de Ramallah agissent de concert pour empêcher une explosion en Cisjordanie et à Jérusalem -14 décembre 2014
- Le mouvement Hamas veut renforcer le soulèvement en Cisjordanie - 27 novembre 2014

13 janvier 2016 - al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM


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