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Des Gazaouis explorent le soufisme

jeudi 17 décembre 2015 - 01h:31

Fadi N. Shafei

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Les mosquées soufies se maintiennent à Gaza depuis la période ottomane.

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Un Palestinien lit le Coran pendant le mois sacré de Ramadan à la mosquée de la rue Omar al-Mukhtar de Gaza-Ville - Photo : Reuters/Suhaib Salem

Tous les vendredi après-midi les gens affluent vers une petite mosquée dans l’une des allées du quartier Sheikh Radwane à Gaza-Ville. Ils sont là non seulement pour faire les cinq prières quotidiennes mais aussi pour chanter des hymnes de ce que les soufis appellent al-Hadrat.

C’est ce qui distingue cette mosquée des autres mosquées de la bande de Gaza, sans parler du symbole affiché sur son mihrab (niche de prière) indiquant qu’elle est affiliée à la voie soufie Chadhiliyya Alaouïya. On retrouve le soufisme dans plusieurs villes de Gaza mais selon certains la secte n’est pas musulmane.

La majorité des mosquées de Gaza sont soumises à la division entre les différentes factions islamiques, qui se servent des mosquées comme d’une plate-forme de communication avec leur audience. Pour sa part le mouvement Hamas investit dans la rhétorique politique pour distiller son autorité à travers des discours politiques prononcés dans diverses mosquées de Gaza. Les soufis, eux, sont assis sereinement, méditant une spiritualité éloignée des problèmes du monde.

Le soufisme est une école musulmane de pensée mystique qui s’est diffusée dans tout le monde musulman au troisième siècle de l’Hégire (calendrier islamique), comme un appel individuel à l’ascétisme. Ces mouvements ont évolué en pratiques distinctes bien connues, que certains islamistes considèrent comme illusoires et superstitieuses.

Le mouvement soufi en Palestine a été actif dans la religiosité populaire. Parmi les familles palestiniennes soufies, la famille al-Jabari de Hébron, al-Saafin et al-Khalidi dans la bande de Gaza, et la famille al-Makdisi à Jérusalem. Les mouvement soufi a toujours maintenu son caractère de mouvement éducatif, appelant à progresser personnellement et à éviter les problèmes séculiers, y compris la politique.

La voie soufie Chadhiliyya Alaouïya remonte au Cheikh Ahmad b. Mustafâ al-’Alaouî né à Mostaganem en Algérie en 1869. Il voyagea beaucoup pour diffuser le soufisme, en particulier au Maghreb, au Levant et en Palestine [En France il était en contact avec René Guénon]. Dans tous ces séjours il intronisait l’homme qu’il jugeait le plus qualifié pour établir un école islamique soufie (zaouïa) selon sa propre voie.

Concernant l’émergence de la zaouïa, le Cheikh Samir al-Khalidi a communiqué à al-Monitor que son propre grand-père, le Cheikh Ibrahim al-Khalidi, avait installé en 1942 une zaouïa affiliée à la Chadhiliyya Alaouiya dans le vilage de Karatiyya, à 29 km au nord-est du centre de Gaza-Ville.

« Le 18 juillet 1948, le village de Karatiyya a été détruit et ses habitants furent déportés par les forces armées sionistes. Notre famille s’est donc installée au camp de réfugiés de Shati (Beach camp), à l’ouest de Gaza, où elle a ré-installé la zaouïa dans le camp, elle était connue sous l’appellation « la zaouïa de la mer ». Après la mort de mon grand-père la direction est passée à mon père, le Cheikh Moussa, qui est allé s’établir dans le district Cheikh Radwane à Gaza-Ville. Il a consacré une aile de sa maison à construire une zaouïa en 1988, qui fait partie de l’héritage familial », précise Khalidi.

A la mort de son père en 2010, Khalidi, âgé de 60 ans, a commencé son service à la zaouïa, qu’il poursuit à ce jour.

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L’architecture typique des petites mosquées soufies en Palestine

Le vendredi 13 novembre, al-Monitor a visité la zaouïa où les mourid (les visiteurs et aspirants selon le soufisme) étaient réunis pour la prière de l’après-midi. Ils étaient assis en cercle autour du Cheikh Khalidi, lequel se trouvait dans le sanctuaire de la zaouïa. Un des mourid a ouvert la séance en chantant les louanges du prophète dans un livre ancien dont les textes, selon le Cheikh Khalidi, sont attribués au Cheikh Alaoui, le fondateur de la voie Chadhiliyya Alaouiya.

Au terme de ce rituel, le Cheikh Khalidi a évoqué pour al-Monitor le message du soufisme, qui est un groupe religieux rejetant la violence, évitant la politique et qui se consacre à « éduquer l’âme et l’esprit ». Il dit que les hymnes et les rituels corporels sont leur façon d’accorder leur âme pour susciter un état « d’amour divin ».

Selon Khalidi « les groupes soufis de la bande de Gaza ne sont pas harcelés par l’appareil de la sécurité car ils ne recherchent pas le pouvoir et ne sont dès lors pas vus comme des opposants menaçant d’autres groupes islamiques politiques ».

Dans la même zaouïa, al-Monitor a rencontré Mahmoud Bashir [de l’Université islamique de Gaza] qui vient y participer aux rituels, qu’il considère comme une sorte de libération psychologique et d’entraînement du soi. Il préfère la zaouïa, où les chants et la musique sont admis. « La zaouïa se consacre exclusivement au culte, sans aucune interférence avec la rhétorique politique » dit-il.

Bien que les aspirants et adeptes soufis soient disséminés dans toute la bande de Gaza, Ahed Nazmi a dit à al-Monitor : « Les soufis de la bande de Gaza sont simplement un groupe qui croit à certaines illusions et superstitions qui sont contraires à l’islam ». Il vit près d’une zaouïa du district de Qarara dans la ville de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Il étudie à l’Université al-Azhar à Gaza, en faculté de Lettres, département Histoire.

Le mufti [interprète de la loi coranique] du gouvernorat de gaza, le Cheikh Hassan Laham, a dit à al-Monitor qu’il ne connaît pas très bien les activités des groupes soufis de Gaza mais que le critère pour n’importe quel groupe musulman est d’approuver les enseignements du Coran et de la sunna. Il n’a pas donné plus de détails.

Même si les opinions varient à propos du soufisme dans la bande Gaza, il reste une part de la société et a des zaouïas dans la plupart des villes palestiniennes. Elles ont des fidèles qui y trouvent refuge et recourent à la prière pour échapper à la politique qui pèse si lourd dans leur vie.

* Fadi N. Shafei est un reporter palestinien qui vit à Rafah et écrit pour plusieurs organes de presse et sites web arabes et internationaux. Il est diplômé en histoire et sciences politiques et s’intéresse aux questions culturelles, sociales, politiques et médiatiques.

13 décembre 2015 - al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM


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