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Sionisme et racisme : il est grand temps de ranimer l’étincelle onusienne !

dimanche 22 novembre 2015 - 06h:44

Eric Walberg

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La résolution 3379 qui assimilait sionisme et racisme, a été abrogée en 1991. Il est temps de la restaurer avec suffisamment de mordant pour réveiller Israël et le pousser à reconnaître ses fautes.

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Septembre 2011 - Un Palestinien est violemment kidnappé par les troupes israéliennes d’occupation au barrage militaire de Qualandia - Photo : EPA

Le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a récemment commémoré le 40ème anniversaire de la révocation de la résolution 3379 de l’Assemblée générale des Nations unies, qui assimilait le sionisme à une forme de racisme et de discrimination raciale. ». Cette révocation était passée en 1975 par un vote de 72 à 35 voix (avec 32 abstentions). A l’événement festif de cette année participaient le Secrétaire d’État John Kerry et la direction du Parti Travailliste et de l’Union sioniste Isaac Herzog, fils de Chaïm Herzog, le Président d’Israël de 1983 à 1993 et vedette de la session 1975 de l’Assemblée générale.

Le vote de 1975 avait eu lieu environ un an après que la résolution 3237 eut garanti à l’OLP le « statut d’observateur » dans le sillage du discours d’Arafat évoquant « un rameau d’olivier » à l’Assemblée générale de novembre 1974. Il a réussi uniquement parce que l’Union soviétque et ses alliés étaient là pour soutenir les pays arabes et à majorité musulmane.

Elle fut abrogée en décembre 1991 par la résolution 46/86. Lors de la commémoration de cette année, Ban Ki-moon rappela les paroles de Chaïm Herzog en 1975 : « J’appelle la communauté des nations à agir toujours dans le respect des principes de la Charte des Nations Unies pour pratiquer la tolérance et vivre ensemble en bons voisins dans la paix mutuelle ». D’aussi belles platitudes venant de l’ambassadeur d’Israël … communauté, principes, tolérance, paix !

Il est étrange que les festivités de cette année célèbrent la [nouvelle] résolution plutôt que l’abrogation, commémorant le culot du représentant israélien Herzog à l’ONU, qui vola la vedette, racontant combien Israël était magnanime avec ses citoyens arabes qui apparemment jouissaient des mêmes droits que les juifs, travaillaient au sein des forces douanières et policières de défense, étaient élus au parlement, étudiaient dans les universités ...

Il évoqua les arabes venant d’ailleurs pour des traitements médicaux, et « le fait qu’il est aussi naturel pour un arabe de servir dans un service public israélien qu’il est incongru de penser qu’un juif serve dans une administration publique dans un pays arabe ». L’ambassadeur auprès de l’ONU termina sa tirade en déchirant le texte de la résolution et en déclarant d’un air de défi qu’il allait rebaptiser les avenues des Nations Unies à Haifa, Jérusalem et Tel Aviv : avenues du Sionisme.

Herzog ne mentionna pas combien les juifs vivaient traditionnellement libres sous le règne musulman et servaient souvent de conseillers à des dirigeants musulmans, ni combien la colère arabe actuelle est due directement aux actes meurtriers et illégaux d’Israël contre les droits des citoyens de ce qui fut jadis la province romaine de Syrie-Palestine. Il ne fit aucune mention des millions de Palestiniens à qui sont refusés leurs droits fondamentaux, parce que Israël est apparemment exempt de racisme.

Au moins la réunion de 1975 avait-elle un certain punch. La commémoration de 2015 en manquait totalement. Kerry a tergiversé, malgré la vague de violences de plusieurs semaines qui a tué au moins 77 Palestiniens et 10 Israéliens. Pas un mot là-dessus. Il a dit qu’une solution à deux états au Moyen-Orient n’était pas « un impossible rêve » mais exigerait du courage. [Baillements].

Kerry a qualifié la résolution de 1975 de « sinistre présage » parce qu’elle donnait « un permis général de haïr » l’état d’Israël. Mais alors « haïr » englobe la moindre critique adressée à Israël. Après tout, la fièvre électorale monte aux USA et le lobby israélien y est prospère.

Les demi-vérités de Bush père

Il est plus instructif de déconstruire le discours du Président H.W.Bush qui présentait en 1991 la motion onusienne pour révoquer la résolution 3379, laquelle, disait-il « tournait en dérision l’engagement et les principes sur lesquels se fondent les Nations Unies. Le sionisme n’est pas une politique, c’est l’idée qui a mené à la création d’un foyer pour le peuple juif, à l’État d’ Israël. Assimiler le sionisme à la faute intolérable qu’est le racisme est une distorsion de l’histoire ».

Il avait à moitié raison. Le sionisme est une idée, qui s’est transformée en une politique d’exclusion raciale et de victimisation des autochtones de Palestine, à qui les nouveaux immigrants ont volé leur terres et leurs biens, en menant une politique d’état de terreur à l’encontre des autochtones. Bush n’a pas expliqué en quoi le sionisme n’est pas une politique. Mais en 1991 la voix de l’URSS s’était tue ; seule celle des États-Unis se faisait entendre, défendant le vœu pieux qu’Israël ferait un jour la paix avec les Palestiniens en se basant sur la résolution onusienne 181 originale de 1947 relative à la partition du territoire.

L’assertion de Bush que le sionisme n’est pas une politique raciste est simplement contraire à la réalité. Et puis l’ONU elle-même était fondée sur une idée ressemblant au sionisme. Les puritains, les quakers et bien d’autres groupes religieux ont émigré dans l’intention d’établir une société chrétienne (blanche) idéale modelée sur la Bible, une idée qui devint aussi la politique du génocide des autochtones amérindiens.

Le philosophe Francis Bacon a écrit en 1627 une utopie, La Nouvelle Atlantide basée sur son soutien enthousiaste à l’établissement des colonies britanniques en Amérique du Nord. Il y décrit la création d’un pays utopique où « la générosité et les lumières, la dignité et la splendeur, la piété et l’esprit public » sont les qualités communes aux habitants de la mythique Bensalem. L’idée d’une « Nouvelle Jérusalem » est au fondement de l’idée des États-Unis.

Même un philosophe aussi respecté a pu ignorer la politique raciste du génocide des autochtones américains au nom de « la générosité, les lumières, etc ». Personne n’a remarqué que dès le départ l’idée États-Unis (Bensalem) était une idée raciste tout comme leur politique. Ce n’est qu’au XIXème siècle que l’opprobre international a finalement poussé les États-Unis à abolir sa politique raciste la plus flagrante : l’esclavage.

Mais à ce moment l’idée d’un état juif avait déjà été mise en branle par des politiciens britanniques comme Lord Shaftesbury, et l’ONU fut finalement forcée par FD Roosevelt et Truman d’avaler la couleuvre. Pour Shaftesbury et consorts, il s’agissait d’un simple développement de la civilisation occidentale.

Bush s’est félicité de l’écrasement de la résolution de racisme en 1991 comme d’une « vraie chance d’accomplir l’ambition de la Charte onusienne : travailler « à sauver les prochaines générations du fléau de la guerre, à réaffirmer la foi dans les droits humains fondamentaux, dans la dignité et les valeurs de la personne humaine ». Mais il a été incapable de voir que l’empereur (lui-même) et son rejeton étaient nus, que c’est Israël qui est la plaie de la guerre, celui qui viole les droits de l’homme et la dignité humaine.

Bush déclarait que l’ONU « ne peut pas chercher la paix et en même temps mettre en cause le droit d’Israël à exister ». Encore une demi-vérité. Personne n’avait l’intention d’effacer Israël de la carte, tant qu’il était une nation suivant les normes internationales, en particulier les droits humains des personnes qui y vivent ou qui veulent y retourner depuis les camps de réfugiés quand une solution pacifique à l’impasse aura été trouvée. Mais cela n’est possible que si nous prenons en compte l’autre demi-vérité de Bush au cœur du sionisme, en tant qu’idée et en tant que politique.

Bush a commis l’autre faute de définir l’état d’Israël comme « un foyer pour le peuple juif ». Ceci rend Israël raciste par définition tout comme Hitler qui identifiait l’Allemagne au foyer de la race aryenne, une définition tout aussi vague et raciste de l’État.

La leçon de Bush : ne pas contrarier Israël

Les courbettes de Bush devant Israël en 1991 ont un goût amer. En septembre il avait demandé au Congrès de reporter la demande israélienne de 10 milliards de dollars en garanties d’emprunt pour aider à établir les juifs soviétiques, tentant ainsi d’obliger Israël à faire cesser ses constructions d’implantations illégales et à négocier une paix véritable. Il se souvenait certainement de la façon dont Eisenhower avait fait plier Israël au plan stratégique américain en 1956.

Ford, Kissinger et Carter eux aussi l’avaient fait, mais à peine, dans les années ’70, limitant quelque peu les ambitions coloniales israéliennes. A ces deux occasions, ironiquement, les dirigeants étatsuniens tablaient sur la « menace » soviétique pour leur donner un peu de consistance.

Mais « pas de victoire sans défaite ». La « menace soviétique » qui fournissait aux USA un levier par rapport à Israël, n’existait plus et entre-temps le lobby israélien à Washington était devenu trop puissant pour qu’un président le contre. Les sionistes n’avaient aucune envie de ravaler leur orgueil pour obéir à un Washington impérial devenu moralisateur, en dépit du million de nouveaux Israéliens qu’ils avaient reçu de la défunte URSS. Bush senior découvrit qu’il n’avait pas d’alliés pour son projet de faire entendre raison à Israël.

Il se précipita à l’ONU pour redorer sa crédibilité, mais en vain. Le lobby israélien se mobilisa, trouva en Bill Clinton son candidat idéal et Bush fut soudainement attaqué dans les médias. Une contre-publicité incessante jusqu’aux élections - et le tour fut joué. Il perdit sa tentative de réélection, passant d’un taux de 90 % d’approbation après l’invasion de l’Irak à 37 % le jour de l’élection.

Le moment est venu de renouveler la résolution 3379, avec suffisamment de mordant pour réveiller Israël et le pousser à reconnaître ses fautes. Aucun espoir de trouver un sponsor à Washington. Mais le soutien aux Palestiniens qui luttent pour leurs droits ne cesse de croître. Dans l’UE la campagne BDS et le boycott des biens coloniaux produisent leur effet. Les voisins d’Israël continuent de résister. Avec la puissance déclinante des États-Unis, on peut espérer que l’ONU retrouvera une fois encore quelque consistance.

* Eric Walberg est un journaliste canadien de réputation internationale, grand spécialiste de l’Asie Centrale, de la Russie, du Moyen-Orient et de l’islam. Il est l’auteur de "Postmodern Imperialism : Geopolitics and the Great Games" et de "From postmodernism to postsecularism". Il écrit pour de nombreuses publications. Site d’Erik Walberg : http://ericwalberg.com.

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16 novembre 2015 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à
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Traduction : Info-Palestine.eu - AMM


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