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Le rôle des groupes de défense des droits de l’homme, dans le renforcement du colonialisme israélien - de Rod Such

lundi 5 octobre 2015 - 08h:13

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Coécrit par le politologue Neve Gordon et l’anthropologue Nicola Perugini, cet ouvrage livre une analyse complète et peu orthodoxe de la façon avec laquelle « les forces libérales tout comme les forces antilibérales s’approprient et utilisent les droits de l’homme, non pas pour déstabiliser la domination mais plutôt pour la corroborer, la renforcer et la rationaliser.

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Livre de Neve Gordon et Nicola Perugini intitulé The Human Right to Dominate (Oxford University Press)

Pour ce faire, les auteurs s’appuient sur la lutte palestinienne contre le colonialisme d’implantation israélien pour illustrer la mauvaise utilisation des paramètres des droits de l’homme afin de maintenir le statu quo et ne jamais permettre à qui que ce soit de contester la domination coloniale israélienne sur les Palestiniens.

Ainsi, ils critiquent le travail d’ Amnesty International, le groupe israélien des droits de l’homme B’Tselem et Human Rights Watch, en rassemblant des arguments convaincants concernant les limitations d’un cadre strictement légaliste des droits de l’homme.

Pour beaucoup de lecteurs, les premiers chapitres de ce livre seront difficiles à comprendre et quelque peu ambigus puisque les auteurs construisent un point de vue qui décrit l’état-nation en soi comme un instrument intrinsèque qui se sert des « droits de l’homme » pour dominer et pour tuer.

Mais une grande partie de ce débat manque de clarté et de soutien historique, ignorant des facteurs politiques et économiques qui influent sur la nature de l’état-nation et de son comportement durant des périodes de temps déterminées. L’usage fréquent par les auteurs de phrases comme « en d’autres termes » et « autrement dit » laisse supposer que les auteurs eux-mêmes manquent de clarté quant à leur cadre et base théoriques.

Cependant, les auteurs ont lancé un débat qui va, espérons-le, pousser ces organisations des droits de l’homme à réexaminer et à reconsidérer leurs approches et à inspirer et inviter la communauté élargie solidaire avec la Palestine à reconnaitre l’importance du Boycott, du Désinvestissement et des Sanctions en tant que mouvement politique qui cherche à obtenir la libération de l’oppression coloniale plutôt que la réforme.

« Impartial » et « Neutre »

Pour les auteurs, « le paradoxe des droits de l’homme » est cette approche adoptée par la majorité dans le monde Occidental envers la création d’Israël, considérée comme une « réparation naturelle des violations des droits de l’homme commises par l’Allemagne nazie et par d’autres états Européens, » même si « cette réparation revêt la forme d’un état-nation colonisateur (en Palestine) dont les pratiques coloniales ont provoqué de nouvelles violations des droits de l’homme. »

Selon les auteurs, il aura fallu attendre le déclenchement de la Première Intifada de 1980 pour que plusieurs organisations palestiniennes commencent, elles aussi, à placer leur lutte dans le registre qui parle par les droits de l’homme, plutôt que le langage de libération nationale.

Cette transformation a inquiété le gouvernement israélien qui a très vite commencé à désigner les organisations non-gouvernementales qui se focalisent sur les droits de l’homme comme une menace pour la sécurité nationale. Les auteurs affirment que les mesures gouvernementales sévères ont amené de nombreuses ONG israéliennes à garder pour soi les accusations contre le gouvernement et à pratiquer l’autocensure. Ces mesures ont empêché les ONG de « mobiliser les droits de l’homme qui représentent une menace réelle pour l’état et pour son ordre colonial. »

L’une des premières répercussions était que les ONG libérales ont tenté de se décrire comme « impartiales » et « neutres » afin de pouvoir prétendre à la légitimité. Toutefois, soutiennent les auteurs, cette démarche a mis à nu leur ignorance « des fondements structurels de la domination, » en permettant aux auteurs des violations des droits de l’homme d’agir en tant que médiateurs qui, en fin de compte, « normalisent » les relations de domination existantes.

Et c’est là que Gordon et Perugini deviennent plus convaincants que jamais car ils ont mis le doigt sur des arguments qui montrent systématiquement comment tout cela s’est produit.

Ils citent le New Israel Fund – NIF qui est le plus grand donateur aux organisations israéliennes des droits de l’homme, et qui était soumis aux invectives du mouvement de l’aile droite israélienne Im Tirtzu et de l’organisme de contrôle ONG Monitor.

Et l’une des concessions du New Israel Fund était de désavouer la juridiction universelle, en vertu de laquelle, des responsables israéliens pourraient être accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans des pays où sont appliquées des lois vigoureuses en matière des droits de l’homme. Le NIF a convenu de ne soutenir que les ONG qui appellent à des poursuites à l’intérieur d’Israël uniquement. Par conséquent, ce même état qui pratique des violations des droits de l’homme se retrouvera le seul arbitre sur ces mêmes violations.

Philosophie antidémocratique

Le prochain nom à s’effriter sous la pression était B’Tselem. Dans son rapport sur l’attaque israélienne de novembre 2012 contre Gaza, l’organisation a complètement ignoré l’asymétrie des pouvoirs et la puissance militaire entre Israël et le Hamas, et a accusé le Hamas de crimes de guerre tout en concluant qu’Israël était simplement « soupçonné » de violation du droit international.

Cette tendance est devenue plus évidente lorsque les ONG libérales ont commencé à accepter l’idée que l’utilisation des armes de précision puisse être légale tant qu’on peut réduire les « dommages collatéraux, » justifiant ainsi les assassinats extrajudiciaires et acceptant les arguments de l’armée israélienne qui prétend que le droit international autorise de tuer la population civile qui est utilisée comme « boucliers humains. »

Gordon et Perugini ont savamment noté que cette position créé un fossé dans lequel, les pays les plus avancés en matière de technologie et capables de fabriquer des armes de précision (généralement l’Occident impérialiste et les anciennes nations colonisatrices) ont, en vertu du droit international, un avantage sur les autres nations qui n’ont pas cette capacité (généralement les anciennes colonies).

En effet, il existe une distinction juridique entre les riches et les pauvres en matière de technologie que les auteurs soulignent comme « étant un vide qui perpétue l’écart de longue date qui existe dans le droit international entre le colonisateur et le colonisé. » Ceci constitue un autre exemple, affirment-ils, sur la façon « dont le droit humanitaire est constitué et qui est en faveur du dominant. »

Les auteurs abordent ensuite l’émergence des ONG des colonies israéliennes, à l’instar de Regavim et de Yesha pour les Droits de l’Homme (aussi connue sous le nom d’Organisation Yesha pour les Droits de l’Homme) qui a commencé à « refléter » les techniques et stratégies des ONG libérales des droits de l’homme en revendiquant le « droit de coloniser. »

Ils ont tenté une inversion complète du langage des droits de l’homme « en transformant le colon en natif de la terre et l’autochtone en envahisseur. » Cela a porté ses fruits à l’intérieur d’Israël. Les ONG des colons se vantent d’être régulièrement invitées à prendre part aux débats et discussions sur les droits humains organisés par le parlement Israélien, la Knesset.

Enfin, les auteurs abordent les problèmes associés avec la professionnalisation des ONG humanitaires libérales et ce qu’ils appellent une « philosophie antidémocratique. »
Ils citent l’exemple d’un rapport établi par Human Rights Watch au sujet de la guerre des drones au Yémen et qui a confirmé la pratique d’assassinats ciblés en ne tenant pas compte des sentiments des Yéménites. Et au lieu de remettre en cause cette guerre de drones, Human Rights Watch a limité son rapport à un « débat professionnel et formaliste sur les types d’armes utilisées. »

Dans leur conclusion, les auteurs se demandent si les droits humanitaires peuvent « encore être déployés comme un discours contre-hégémonique et anti domination. » Ils répondent par l’affirmative, en lançant un appel pour « redéfinir les droits de l’homme de façon à ce que les gens soient mobilisés pour des projets d’émancipation. »

Au lieu d’être axées sur la loi, les ONG humanitaires doivent soulever des questions sur la « moralité et la légitimité de la loi en soi, » en ciblant, notamment, celles qui « renforcent la domination. » Les ONG qui prétendent parler au nom des populations opprimées doivent penser à se démocratiser et à « s’aligner avec les mouvements sociaux de base. » Enfin, elles devront appeler pour le démantèlement des systèmes coloniaux, et non pas leur réforme.

Reconceptualiser et recadrer les droits de l’homme est exactement ce qui est arrivé en Palestine avec le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions, soutiennent les auteurs.

Au lieu d’essayer de « résoudre des cas juridiques isolés dans des tribunaux coloniaux, le mouvement BDS traduit les droits de l’homme afin de contester la structure dominatrice existante. » Le problème, diront-ils, est la justice et non pas donner sa légitimité à un « appareil d’injustice irrécupérable. »

* Rod Such est un ancien éditeur de World Book et de l’encyclopédie Encarta. Il est très actif dans le mouvement BDS.

22 septembre 2015 – Electronic Intifada – Vous pouvez consulter cet article à :
https://electronicintifada.net/cont...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha


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